Quand les dollars du Qatar pleuvent sur les États-Unis

L'offensive de charme du petit royaume du Golfe se poursuit. Des fonds qataris pourraient venir à la rescousse du gendre de Donald Trump.


Ces jours-ci, le Qatar est omniprésent dans les médias américains. La famille de Jared Kushner, le gendre de Donald Trump, a d'importants problèmes financiers et tente désespérément depuis plusieurs années de trouver un investisseur pour sauver son gratte-ciel situé sur la 5e Avenue à New York. En 2016, les Kushner, dont le père Charles gère le groupe immobilier, semblaient prêts à signer un accord avec Anbang, un gros assureur chinois. Mais l'accord a capoté, en partie en raison des risques évidents de conflit d'intérêts, Jared Kushner étant l'un des plus proches conseillers du président américain.

Cette fois, les Kushner seraient, selon une information du New York Times, sur le point de signer un accord avec Brookfield Asset Management pour le contrôle de cet immeuble de 41 étages situé au 666 de la prestigieuse avenue. Le deuxième plus gros actionnaire de sa filiale immobilière n'est autre que le gouvernement du Qatar par le biais du Qatar Investment Authority, l'un des plus gros fonds souverains du monde. Depuis 2015, il a beaucoup investi dans l'immobilier aux États-Unis.

Couteau sous la gorge

En 2007, quand le marché était au plus haut, Charles Kushner et son fils Jared ont acheté la tour pour 1,8 milliard de dollars, un prix record. Mais l'année suivante, la crise économique a fait baisser les loyers et a contraint certains locataires à partir. Le groupe a perdu des millions. Aujourd'hui, 30 % du bâtiment est vide et la famille doit rembourser 1,4 milliard de dollars de prêts d'ici au début de l'année 2019. Elle a donc le couteau sous la gorge et Brookfield Asset Management tombe à pic.

Si l'accord est signé, cela ne manquera pas de relancer les questions sur le rôle de Jared Kushner. Le mari d'Ivanka Trump a démissionné du groupe familial lorsqu'il est devenu conseiller de Donald Trump à temps plein, mais il a conservé ses parts. En février, il a perdu son « autorisation secret défense » qui lui donnait accès aux informations les plus confidentielles à la Maison-Blanche en raison de ses liens troublants avec des gouvernements étrangers et ses finances complexes. Selon le Washington Post, les services de renseignements américains ont intercepté des conversations de représentants d'au moins quatre gouvernements, la Chine, les Émirats arabes unis, le Mexique et Israël, qui envisageaient de faire affaire avec les Kushner pour en tirer profit.

Une heure de métro en plus

Plus étonnant, le Qatar a proposé de financer une partie du fonctionnement du métro de Washington. Cette semaine se tenait dans la capitale un match de hockey crucial pour l'équipe locale. Or, en semaine, le métro ferme à 23 h 30, avant la fin du match. Prolonger d'une heure la durée de fonctionnement coûte 100 000 dollars. Le petit pays du Golfe a généreusement proposé de payer la facture. « Le Qatar croit fermement dans la puissance du sport qui permet de rassembler les gens dans la paix et l'amitié. Notre ambassade chérit son rôle de membre de la communauté de DC et nous sommes ravis de devenir partenaires de la maire », a tweeté l'ambassadeur.

La proposition n'a pas abouti, car le métro n'était pas sûr d'être autorisé à accepter de l'argent étranger. Mais l'affaire a beaucoup agité les réseaux sociaux. « C'est drôle. Le métro du District de Columbia est un tel désastre que le gouvernement du Qatar aide à le tenir à flot », a tweeté un usager.



Offensive de charme

Est-ce un des éléments de sa grande offensive de relations publiques ? En juin dernier, le Qatar a fait face à une sérieuse crise diplomatique. L'Arabie saoudite, l'Égypte et d'autres pays du Golfe lui ont imposé un blocus pour protester contre ses relations avec l'Iran et son soutien supposé au terrorisme. Initialement, Donald Trump a pris parti contre la monarchie, s'alignant sur Riyad.

Le Qatar a réagi en embauchant plusieurs firmes de relations publiques et de lobbying, et a lancé une offensive de charme pour augmenter son poids à Washington et contrer l'influence de l'Arabie saoudite. Il a créé un think tank, une série de conférences intitulées « Dialogue stratégique américano-qatari » auxquelles ont assisté plusieurs ministres américains. Donald Trump, depuis, a mis de l'eau dans son vin et a reçu le mois dernier l'émir Tamid ben Hamad Al Thani à la Maison-Blanche. « Un grand ami à moi », a déclaré le président américain.

Basket et médias

En même temps, selon le magazine Politico, le gouvernement qatari a récemment essayé de prendre une participation dans Newsmax. Ce site d'information conservateur est dirigé par Chris Ruddy, un proche de Donald Trump à qui il parle régulièrement. Les Qataris ont rencontré à plusieurs reprises les représentants de Newsmax, mais on ne sait pas où en sont les pourparlers. Un investisseur du Qatar aurait également promis d'investir 20 millions de dollars dans une petite ligue de basketball apparemment parce que le patron comptait parmi ses amis Steve Bannon, ex-conseiller de Donald Trump.

Le Qatar aurait en revanche refusé la proposition de Michael Cohen, l'avocat personnel de Donald Trump, qui lui offrait un accès au président en échange d'un million de dollars. Cohen, qui est dans le collimateur du FBI pour son rôle dans le paiement de 130 000 dollars à la star du porno Stormy Daniels pendant la campagne de Donald Trump, a décidé d'arrondir ses fins de mois en approchant différents grands groupes et en leur promettant accès et conseils. Il a notamment reçu des millions de dollars de AT&T et de Novartis.

LE POINT
Lundi 21 Mai 2018




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