Pape Diouf: Le coup de maître de l’enfant du «bon lieu»

Pour la première fois, depuis la création de son orchestre, il a mis la barre très haut pour fêter l’anniversaire de son groupe. De belle manière, il a réussi à relever le défi. Une salle qui a refusé du monde, dont certains sont venus de Gambie par bus entiers, la reconnaissance de l’association des handicapés, pas moins de 14 artistes de grande renommée… Tout pour honorer « l’enfant de la banlieue », pardon, du « bon lieu ».


Pape Diouf: Le coup de maître de l’enfant du «bon lieu»
Depuis la création de son orchestre, en 2003, la Génération consciente, ce n’est que samedi dernier que Pape Diouf a organisé, pour la première fois, l’anniversaire de ce groupe. Auparavant, il ne célébrait que son propre anniversaire, le 23 juillet. Pour un coup d’essai intitulé « Grand bégué », cet artiste qui réaffirme son attachement à la banlieue, qu’il appelle désormais « bon lieu », a placé la barre très loin. En effet, il a tout simplement décidé de s’attaquer au Grand théâtre de Dakar. Ce qui n’tait pas gagné d’avance. Mais les 1 800 places de ce temple de la culture se sont révélées insuffisantes pour le public qui a tenu à prouver son attachement à l’enfant de la banlieue. En plus des spectateurs qui ont pris d’assaut les sièges, d’autres se sont installés sur les marches des allées du théâtre. Pendant ce temps, un nombre impressionnant de détenteurs de tickets n’a pu accéder à la salle. Si bien que Pape Diouf a été obligé d’organiser, le lendemain, un second spectacle au Thiossane pour satisfaire les nombreux frustrés de la veille. C’est-à-dire, ceux qui n’avaient pas pu entrer dans la salle, malgré les tickets qu’ils avaient déjà achetés. Pour la première soirée, outre les Sénégalais qui ont accouru de toutes les régions, des fans gambiens sont arrivés par bus entiers. Sans compter les membres d’une association de handicapés qui ont tenu à rendre un vibrant hommage à Pape Diouf, leur ambassadeur qui leur a rendu d’énormes services. C’était en présence du ministre de la Justice, Aminata Touré. Côté artistes, on a compté pas moins de quatorze invités de grande renommée, parmi lesquels le Da Brains, les Gambiens Fafa et Abou, le Gelongal, Fatah, Viviane Chidid, Aïda Samb, Jimi Mbaye, Bah Kane Seck, Mbaye Dièye Faye, Kiné Lam, Fatou Laobé, Amath Samb et Ndèye Mbaye Djinma-Djinma, sans compter Doudou Ndiaye Rose et Mame Less Thioune, en plus de Oumar Pène qui est venu représenter le ministre de la Culture dont il est le chargé de mission. Prévu à 21 h, le spectacle n’a démarré qu’à 22 h 50 mn. Mais Pape Diouf n’est apparu qu’à 23 h 30 mn, après que le public a commencé à s’impatienter. Ses cris de désapprobation se sont transformés en ovation, en tonnerres d’applaudissement et en hurlements, dès que les rideaux se sont levés sur les musiciens et que le lead-vocal de la Génération consciente a fait irruption, courant d’un bout à l’autre de la scène. Mais aussi, bonjour la pagaille, aussi bien sur le podium que dans la salle qui s’est muée en une immense piste de danse ! Elle est, par la même occasion, devenue une grande étuve, obligeant les gens à s’éventer avec tout ce qui leur tombait dans la main. Après six morceaux, tous aussi bien accueillis les uns que les autres, pendant lesquels les spectateurs ont offert au jeune chanteur un grand nombre de billets de banque, Pape Diouf a invité la délégation représentant le ministre de la Culture et du Tourisme, Youssou Ndour, composée du directeur de cabinet, Elimane Hamidou Sy, du chargé de mission, Oumar Pène et du directeur général du Bureau sénégalais du droit d’auteur (Bsda),Mounirou Sy. Parlant au nom de son ministre, Oumar Pène a loué la persévérance et l’amour du travail bien fait, dont fait preuve Pape Diouf, qui suit bien les conseils de ses aînés, tout comme son talent, son audace et sa générosité. « Il a bien compris que seul le travail paie », dira-t-il, avant d’ajouter que le Grand théâtre était ouvert à tous les artistes. Selon lui, le ministre veut faire en sorte que la culture aide à améliorer le bien-être des Sénégalais. Il lance un appel aux artistes « pour qu’ensemble, nous continuions d’œuvrer pour le développement de l’art et de la culture. Je me veux rassembleur pour répondre efficacement aux attentes de la communauté artistique ». Après les discours trop longs des nombreux griots qui ont pris d’assaut la scène, Pape Diouf indique que « le chemin a été très difficile. C’est à cause de Youssou Ndour et l’amour que je lui porte, que j’ai arrêté mes études et mon métier. C’est ainsi que, bien que formé par le Lemzo Diamono, j’ai suivi les conseils de nombreux artistes dont j’écoute les produits et travaille sur les œuvres ». Par exemple, selon lui, il était toujours étonné quand il voyait Doudou Ndiaye Rose aligner plus de 200 percussionnistes. Mais plus encore, quand celui-ci faisait battre le tam-tam à des femmes. Ce qui n’était pas courant, au Sénégal. « J’ai toujours rêvé de lui rendre l’hommage qu’il méritait », dit-il. Si certains invités ont fait montre d’un grand professionnalisme, à l’instar de Kiné Lam, d’autres ont fait montre d’un amateurisme déplorable. Les animateurs aussi ont été plus que tatillons. Même Pape Diouf, par moments, perdait de son assurance. A cause de l’émotion ? En effet, à la fin du spectacle, à 3 h 40 mn, quinze morceaux plus tard, il n’a pu s’empêcher de se dire « totalement ému ». Selon lui, « je ne m’attendais pas à voir affluer autant de monde. J’avais cru que les spectateurs allaient venir, parce que ce n’est pas mes relations avec mon public ne relèvent pas seulement de la musique, mais d’une grande familiarité. Mais pas à ce point. C’est la première fois que j’organise l’anniversaire de mon groupe, mais quand on m’a dit que ceux qui étaient dehors étaient plus nombreux que ceux qui avaient pu accéder à la salle, je n’en suis pas revenu. Je ne peux que remercier le Bon Dieu, ainsi que mes parents, mes fans et la presse qui m’a beaucoup soutenu ». Désormais, Pape Diouf souhaiterait pérenniser cet événement et en faire un repère, une date historique de sa carrière. « Nous voulons reproduire cela dans plusieurs autres lieux, dont la Gambie ». Il reste à faire le bilan de la manifestation, tout en préparant son prochain album, avant de penser aux étapes suivantes et de peaufiner les perspectives. Parlant des grands artistes qui ont répondu à son invitation, il pense : « Ils me considèrent comme leur enfant qu’ils sont venus soutenir et encourager », tout en restant modeste face à ceux qui louent sa bonne éducation. A propos des fans venus de la Gambie, Pape Diouf indique que ce pays est le premier qu’il a visité, alors qu’il évoluait au sein du Lemzo Diamono. « Depuis lors, des fans se sont beaucoup attachés à moi et ont tenu à me soutenir, à m’accueillir et à me raccompagner, chaque fois que je me rends dans ce pays, quel que soit le promoteur, arborant des tee-shirts à mon effigie. Ils me suivent partout où je me produits ». Quant aux handicapés dont il est l’ambassadeur, il se sent proche d’eux, car étant issu de la banlieue et donc conscient des problèmes et des souffrances de certaines franges de la population. Devenu artiste, véhiculant une certaine image et de l’espoir, et ayant de l’influence, il doit se sentir solidaire avec cette couche. « Chaque année, je collecte des fauteuils roulants, des lits d’hôpitaux, des médicaments dont je leur fais don. Rien qu’en décembre dernier, je leur ai offert un containeur d’une valeur de 67 millions de francs. Nous collaborons beaucoup. Je me dis que cela ne me coûte rien de les aider. Cela n’a aucun effet négatif sur ma carrière ». Pape Diouf reste toujours attaché à sa banlieue. « D’ailleurs, je veux que, désormais, on dise « bon lieu », lance-t-il dans un éclat de rire.

PAR DJIBRIL BA - Loffice
Jeudi 19 Juillet 2012
Sudonline




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