Libertés Individuelles - Interdiction de marche - Manifestation violente : les vérités crues de Saër Ndao, Gouverneur de Kolda.

L’actualité au Sénégal est dominée parfois par des débats sur les interdictions des demandes de marche par les autorités administratives. Une situation qui est souvent utilisée par les acteurs politiques, principalement ceux de l’opposition, pour tirer à boulets rouges sur les Gouverneurs, préfets et sous-préfets. Dans la plupart des cas, ils sont insultés, jetés en pâture et traités de tous les noms d’oiseaux. Dans un entretien exclusif accordé à Dakaractu, le Gouverneur de Kolda, M. Saër Ndao s’est prononcé sur les actes de violence notés lors des manifestations et revient sans détour sur les attaques « infondées et injustifiées » dont sont victimes les agents de l’administration territoriale.


« L’espace public appartient à celui qui veut manifester et à celui qui ne veut pas manifester »

« On partage l’espace public. Et cet espace public appartient à celui qui veut manifester et à celui qui ne veut pas manifester. L’autorité administrative qui reçoit une déclaration de manifestation est la seule habilitée à pouvoir instruire. L’instruction c’est quoi ? Les gens pensent que oui quand le préfet dit interdiction de manifester pour menace de troubles à l’ordre public, il doit se justifier. C’est ce que le préfet ne peut pas dire, il ne peut pas entrer dans les détails. Le préfet ne dira jamais les causes de troubles à l’ordre public, il couvre cela. Par exemple, toutes les personnes ont le même droit car ce sont tous des citoyens. Mais quand une personne donne une correspondance où il informe le préfet qu’il souhaiterait barrer une portion de la rue pour un moment car on l’a sommé de détruire un bâtiment menaçant ruine, ceci, on n’a pas besoin de le dire à la radio ni à la télé, mais l’autorité administrative détient l’information. Et au même moment, une tierce personne saisit l’autorité administrative pour faire une manifestation sur le même tronçon. Et cette personne dit que c’est la constitution qui lui permet. Si le préfet le laisse faire, il y’a problème car vous allez rencontrer des gens qui étaient sur le même tronçon. On va se demander où est le préfet. C’est ça la gestion de l’ordre public. Il va interdire cette activité car il y’aura des menaces de troubles à l’ordre public. Dans sa décision le préfet ne dira jamais « j’interdis la manifestation à cause de telle ou telle chose », mais il dira pour des menace de troubles à l’ordre public. »

« Quand l’autorité dit menace de troubles à l’ordre public, il ne veut pas restreindre les libertés, mais elle veut sauvegarder la paix sociale, la sécurité et la stabilité. »

Pour éviter toute forme de suspicion, le Gouverneur de Kolda estime que «pour pouvoir gérer les manifestations, il faut qu’on installe un climat de confiance entre les autorités administratives, qui est le responsable et les citoyens. C’est-à-dire qu’il faut croire aux décisions du préfet jusqu’à preuve du contraire. Mais dès le départ vous pensez vous seul détenez le monopole de la vérité. Ce que vous dites est la vérité et ce que l’autre dit est faux, alors que vous n’avez pas les moyens qu’il a pour pouvoir contrôler réellement ce qui se passe. Ça, ça pose problème. Tous les jours, on nous demande des autorisations d’occupation de la voie publique pour des activités religieuses mais ça, on ne le dit pas à la radio. Mais le premier à déposer, le préfet accepte. Et si un autre vient déposer pour une marche sur le même axe à la même heure, le préfet prend ses responsabilités en disant qu’il y’a menace de troubles à l’ordre public. Menace de troubles à l’ordre public veut dire que si je vous laisse faire il y’aura trouble. Il y’a menace tant que l’action n’est pas encore démarrée,  mais si on laisse faire il y’aura menace. Et quand l’autorité dit menace de troubles à l’ordre public, il ne veut pas restreindre les libertés mais elle veut sauvegarder la paix sociale, la sécurité et la stabilité. L’autre chose est quand on demande à marcher sur un tronçon pour cinq fois de suite mais sur ce tronçon, il y’a un Sénégalais ayant les mêmes droits qui travaille sur ce tronçon qui est lésé car il ne travaille pas. Ce travail, c’est son gagne-pain. Et vouloir le faire à chaque fois en lésant des citoyens sur ce tronçon, on est dans l’illégalité et dans l’iniquité. On peut demander à marcher une fois voire deux fois, mais plus, on ne peut l’accepter car on doit traiter les citoyens sur le même pied. Imaginons que le préfet dans les renseignements, reçoit une information disant qu’il y’a des gens qui veulent passer des actes délictuels. Celui qui veut faire du mal ne se signale pas. Mais dans le cadre de la recherche de renseignement l’autorité administrative est informée de cela. La personne pour poser cet acte, attend 17 heures au moment des grands rassemblements. Le préfet par le système de renseignement détient l’information. Est-ce que la responsabilité du préfet c’est de laisser les manifestants crier en disant qu’il n’y a pas de démocratie ou faire les frais de l’acte délictuel. En ce sens, la responsabilité du préfet est de dire qu’il n’y aura pas de marche car il y’a menace de troubles à l’ordre public. »

« Ce qui nous intéresse, c’est l’intérêt général et non les intérêts particuliers… Nous avons devant nous des politiques qui ne veulent entendre que ce qui les intéresse. »

« Nos statistiques d’interdiction n’avoisine même pas les  2% cela veut dire qu’on autorise plus. Celles qu’on interdit souvent sont politiques et les politiques pensent détenir le monopole de l’existence dans nos localités. Ils n’ont pas le monopole de l’existence car ce sont des citoyens qui partagent le terrain avec d’autres citoyens qu’ils doivent respecter. Par exemple le tollé qui a suivi l’interdiction du kankourang que j’avais prise à Mbour en tant que préfet. Mais j’étais dans l’anticipation en tant que préfet comme aussi interdire les « navétanes ». Avec ces décisions j’avais compris qu’on filait droit sur un non-retour. C’est pourquoi j’ai pris ces actes et on a pu régler ces problèmes. Donc l’acte que nous posons est un acte réfléchi car l’autorité administrative a une responsabilité devant les hommes et Dieu. Et quand vous êtes seul, les actes vous reviennent, soient illégaux ou légaux. Et quoi qu’on dise une autorité administrative formée à la bonne école sait ce qu’elle fait. Elle peut se tromper de bonne foi mais ce n’est pas tous les jours. Mais nous, nous avons devant nous des politiques qui ne veulent entendre que ce qui les intéresse. C’est-à-dire que l’autorité administrative doit les caresser dans le sens des poils. Mais ce qui nous intéresse c’est l’intérêt général et non les intérêts particuliers. C’est pourquoi, nos décisions sont un peu mal vues. Les décisions doivent être en phase avec la légalité. Moi, je dis à tous mes collaborateurs n’ayez pas peur de prendre des décisions car toute prise de décision créé des mécontents. Mais le seul réconfort dans cette prise de décision c’est de savoir qu’on est en phase avec la légalité. Les populations doivent comprendre  que quand on a la possibilité de faire entendre la complainte des populations à travers une marche qu’on peut encadrer, on le fait. Mais si la marche aboutit à des choses regrettables, l’autorité prend ses responsabilités. La gestion de l’ordre public est complexe c’est pourquoi, je serai toujours dans l’anticipation sur les choses. C’est dans une atmosphère de citoyenneté, de civisme et de patriotisme qu’on peut gérer cette nation… »

« Le fait de casser ne règle pas le problème »

 De plus en plus d’actes de violence, de destruction de biens appartenant à autrui sont perpétrés lors de manifestation. Une situation évitable selon le Gouverneur de Kolda. Pour ce dernier, «  il est important  de rappeler les jeunes à l’ordre en leur faisant comprendre que le fait de casser ne règle pas le problème. Et quand vous êtes en train de casser, vous vous mettez en danger vous-même. L’État a la possibilité de rétablir l’ordre à tout moment, quand il le faut... »
Vendredi 31 Mars 2023
Dakar actu




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