Imam Ndao libéré après deux ans de détention : Tout ça pour ça ? Non


Tout ça pour ça serait-on tenté de dire après le verdict rendu dans l'affaire Imam Ndao et ses co-accusés. Statuant en matière criminelle et en première instance, la chambre spéciale a condamné l'Imam Alioune Ndao à un mois avec sursis pour détention d'armes sans autorisation administrative. Le religieux de Kaolack qui risquait pourtant 30 ans de travaux forcés conformément à la réquisition du substitut du procureur, recouvre ainsi la liberté, si bien sûr le parquet ne fait appel de la décision du juge. 

Mais pour nombre de ses soutiens et une bonne partie de l'opinion, on aura ameuté le Sénégal et au delà de nos frontières pour si peu. En effet, arrêté dans la nuit du 26 au 27 octobre de l'année 2015 après une filature de cinq ans, l'Imam Ndao a été dépeint sous ses traits les plus sombres. Dans les comptes rendus de presse, il a été présenté comme un formateur de jihadistes, son daara comme une usine de fabrication de jeunes radicaux prêts à se faire exploser à l'image des jihadistes.

Entendu par les enquêteurs, l'Imam a été placé sous mandat de dépot à la Mar de Rebeuss avant d'être transféré à Saint Louis. Peu de temps après, le revoilà à Dakar à la section spéciale du Camp Pénal où le retrouveront d'autres accusés. Entre temps, Matar Diokhané et sa bande composée essentiellement de jeunes sénégalais ayant cotoyé de près Boko Haram sont arretés et emprisonnés au même titre que l'homme qui était présenté comme leur mentor. 

Après les auditions dans le fond, les accusés au nombre de 30 sont renvoyés devant une chambre criminelle à formation spéciale. Cependant, le procès n'a pu se tenir qu'après trois reports dus à diverses raisons. Le 09 avril, 30 accusés sont attraits devant la barre, mais finalement seuls 29 termineront le marathon. Considéré comme un mineur, Mohamed Seck a été renvoyé devant le tribunal des mineurs. Les interrogatoires ont démaré 48 heures après l'ouverture du procès et les accusés se sont succédé à la barre pour répondre aux questions du juge, du procureur et de leurs conseils. Il s'en suit le réquisitoire du substitut qui n'a pas été tendre avec les accusés. Pendant quatre heures de temps, Aly Ciré Ndiaye a essayé de prouver la culpabilité d'Alioune Ndao et de ses acolytes supposés. Pour le "parquetier", l'Imam Ndao est le maitre à penser de la bande à Matar Diokhané qui, après leur odyssée à Abadam, Gwoza et Sambisa, au Nigeria où ils ont bénéficié de fonds d'Abubakar Shekau, devait rentrer au Sénégal pour établir une base jihadiste.

 Le représentant du ministère public a, à cet effet, requis 30 ans de travaux forcés contre l'Imam Ndao pour les crimes de complicité d'actes de terrorisme par association de malfaiteurs, actes de terrorisme par menace ou complot, apologie du terrorisme, financement du terrorisme et blanchiment de capitaux en relation avec une entreprise terroriste. Pour les deux derniers crimes, le substitut était convaincu qu'ils sont établis par la collusion entre l'Imam et un des "assistants" de Matar Diokhané, Ibrahima Diallo alias Abou Omar. En effet, de retour du Nigeria, ce dernier s'est rendu à Kaolack où il a rencontré l'Imam pour lui confier 8 millions FCFA. A l'occasion de ce tête à tête, 1500 euros supplémentaires ont été remis à Imam Ndao par Ibrahima Diallo sous forme de prêt. Mais devant le tribunal, Imam Ndao a nié connaitre l'origine de cet argent. Sur sa relation avec Matar Diokhané, l'Imam avoue que ce dernier lui avait envoyé un livre intitulé "L'Ignorance est-elle une raison", mais précise qu'il n'en a pas discuté avec l'auteur même s'il reconnait avoir fait des annotations. De la décision de Matar Diokhané consistant à lui confier ses "boys" du Nigeria, Imam Ndao affirme qu'il n'était pas au courant. Et l'accusation n'a pas été en mesure de prouver que le religieux de Ngane ne disait pas vrai. De même, aucune preuve n'a été apportée sur l'existence de champs où seraient formés de futurs jihadistes. Aussi la preuve n'a pas été faite qu'il détenait des munitions comme l'a mentionné le juge Samba Kane dans sa décision rendue ce jeudi 19 juillet. 

Mais surtout, si la chambre criminelle a décidé d'acquitter officieusement Imam Ndao, c'est pour éviter une quelconque récupération de la cause du religieux par des malintentionnés qui étaient certainement en embuscade. Dans leurs plaidoiries, les avocats de l'accusé Imam Ndao ont invité la chambre à se fendre d'une sage décision pour éviter des représailles des groupes terroristes à notre pays. Une invite qui n'est visiblement pas tombée dans l'oreille d'un sourd...
Jeudi 19 Juillet 2018




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