ITV - TERRORISME ÉCONOMIQUE ET DIKTAT / La thérapie de Serigne Abdou Karim Mbacké : « Politique agricole à révolutionner, secteur privé à protéger, espace politique à pacifier etc… »

Chef religieux à Touba, pur produit des daara ayant aussi fait ses études à travers le monde (Koweit, France, etc…) Serigne Abdou Karim Mbacké Ibn Serigne Bassirou Mbacké Ibn Serigne Serigne Modou Bousso Dieng est d’avis que la crise mondiale, conséquences de frictions entre grosses puissances mondiales, de terrorisme économique et religieux mais aussi d’épidémies soudaines et ravageuses, n’épargnera aucun pays Africain et risque même, à jamais, de les faire sombrer économiquement. Dans l’interview qu’il nous accorde, le Mbacké - Mbacké, chef d’entreprise et consultant international, estime que le Sénégal pourrait, quand-même s’extraire de ce déluge. Sa thérapie est simple. Pour lui, il faudra démarrer par appliquer des révolutions à nos politiques agricoles et terminer par cultiver une paix et une stabilité politique durable en passant par la mise à terme du terrorisme économique et la création de champions au niveau du secteur privé qu’il faut renforcer et protéger.


Dakaractu :  Un monde en crise et une crise multiforme… économique, politique et social. Que risquent les pays comme le Sénégal ?

 

Voilà un sujet sur lequel tous les penseurs Sénégalais devraient se pencher. Le monde court un grand danger et les pays Africains davantage. Un pays comme le Sénégal, pour ceux qui savent observer, court le même risque, mais quand-même, dispose d’atouts qui peuvent, si exploités, lui valoir d’énormes satisfactions. En ma qualité de chef d’entreprise qui évolue dans l’agroalimentaire et de consultant international, je suis assez bien placé pour faire le diagnostic. Un pays comme le Sénégal a l’obligation d’identifier les secteurs d’activités qui peuvent lui assurer une autosuffisance alimentaire et les renforcer. 

 

Vous avez parlé de monde devenu proie à une crise multiforme. C’est exact ! Le terrorisme a fini  d’imposer d’énormes restrictions aux populations mondiales. La Covid 19 en a imposé d’autres encore plus compliquées. Aujourd’hui c’est la guerre entre la Russie et l’Ukraine qui anéantit les derniers espoirs rendant inaccessible l’huile, l’engrais, les céréales, le gaz etc… La période post - Covid n’a finalement pas été comme souhaitée à cause de cette guerre. Fort des constats qui procèdent de tout ce que je viens de dire, il devient alors désormais urgent pour un pays comme le Sénégal de repenser ses politiques.

 

 

Dakaractu :  Votre diagnostic vous a donné  quoi concrètement ? Que faut-il faire, désormais selon vous  ?

 

Je tiens d’abord à attirer votre attention sur un fait. Chaque pays du monde cherche, depuis quelques années, à se sauver du déluge économique en cours  et à protéger ses intérêts. Tout le monde travaille à se sécuriser économiquement. Je vous donne l’exemple de l’Inde qui vient de prendre la  décision de ne plus exporter son blé. L’Indonésie a aussi convenu de ne plus vendre à l’étranger son huile. Ce genre de comportements provoquent automatiquement des crises mondiales. Au Sénégal, la seule chose que nous ayons à faire c’est de valoriser notre agriculture et de révolutionner nos politiques agricoles. Il est nécessaire, (et là, je donne mon avis le plus humble à l’intention du Président de la République), de faire des commissions chargées de recenser les terres non utilisées mais aussi les terres mortes pour les redynamiser. Les redynamiser avec des engrais de qualité sous le contrôle d’experts aguerris. C’est seulement après qu’il faudra procéder à une redistribution de ces terres pour de meilleures exploitations. L’agriculture doit aussi être mécanisée. Une bonne agriculture ne se fait pas avec des animaux ( cheval, âne ou bœuf).

 

L’autre volet à l’exploitation duquel j’invite l’État du Sénégal, c’est celui de l’industrie et surtout de l’agroalimentaire. Je sais de quoi je parle. Je suis chef d’entreprise et j’emploie rien qu’à Touba une centaine de personnes. Mais je vois que le secteur privé est mal soutenu et mal protégé. Jamais, depuis que je suis dans le secteur, je n’ai été approché par une autorité de ce pays, politique ou religieuse. Jamais !  Approché ne signifie pas être aidé financièrement ou disposer de moyens logistiques qui me seraient directement octroyés. Nous ne demandons pas de passeports diplomatiques ou autres types de strapontins. Notre vision transcende ces commodités. C’est plutôt, et je parle pour tous les industriels, en terme d’accompagnement, de formation, de financements. Cela permettra au secteur d’embaucher plus et de participer à juguler le fort taux de chômage chez les jeunes.

 

Il y’a aussi que l’État doit aider le secteur industriel privé à développer des industries diverses et à créer des emplois. L’État doit créer des champions qui peuvent prendre part à la concurrence internationale. Cela passe d’abord par la protection des entreprises locales et plus précisément contre ce diktat financier que certaines firmes ou certains gros bras peuvent exercer à leur défaveur. Si notre arachide était suffisamment exploité au Sénégal, nous n’aurions pas besoin d’importer d’autres types d’huile.

 

Dakaractu :  Vous dites qu’il faut créer des champions et protéger les nationaux. C’est quoi exactement ?

 

 

C’est très simple. Il faut juste les privilégier. Les entreprises nationales doivent être privilégiées surtout par rapport aux firmes internationales. Allez dans les pays du monde et vous constaterez qu’à égales expertises, les nationaux sont privilégiés au détriment des étrangers. Si l’expertise n’est pas égale avec ce qui est présentée par les entreprises étrangères, l’urgence sera alors pour l’État d’aider les acteurs à acquérir ces expertises. S’il y’a un fort besoin de formation, de renforcement de capacités et d’encadrement chez les nationaux, il faut essayer de le satisfaire. Cela permet d’avoir à domicile tout ce dont on a besoin. C’est une question de devises.

 

Cela n’enlève en rien au fait que je crois fortement à la globalisation. Nous sommes à l’ère du donnant-donnant. Néanmoins les enjeux font qu’il faut nécessairement concrétiser au mieux cette volonté d’industrialisation annoncée par l’État du Sénégal. Elle est même ( cette volonté) mise en œuvre en des endroits. Mais l’urgence se trouve dans ce que je viens de dire : aider et protéger le secteur privé.

 

En ce 21ème siècle, si jamais nous manquons d’exister économiquement, nous sommes voués à disparaître. 

 

 

Dakaractu :  À Touba, on constate que les jeunes peinent à trouver du travail. Avez-vous fait le constat ?

 

Oui ! C’est un constat assez triste. À Touba nous avons une jeunesse assez travailleuse et assez ambitieuse. Seulement, elle ne trouve pas de niche appropriée. Ceux qui se débrouillent le mieux sont dans le commerce.

 

Je suis un consultant international qui aide des groupes, des entreprises étrangères à s’introduire au Sénégal pour investir. Nos efforts sont toutefois anéantis par un problème d’interlocuteurs. Nous  n’avons personne avec qui échanger au niveau de l’État . Voilà, par exemple, un dysfonctionnement qui empêche les volontés affichées au niveau du secteur privé de jouer leur partition convenablement dans la construction d’une économie solide au Sénégal.

 

Dakaractu : Parlons politique un peu. Que vous inspire cette cacophonie au Sénégal avec les histoires parrainages, les élections  législatives ?

 

Un pays ne peut pas vivre sans la politique. Le prophète ( Psl) faisait de la politique. L’autre dit que c’est l’art de gérer la cité. Moi, je dis que c’est l’art de bien gérer la cité. Tant que l’objectif vise à améliorer les conditions de vie des populations, à veiller à une meilleure répartition des ressources, à rendre convenablement la justice de sorte que nul n’en soit handicapé… la politique est une bonne chose. Maintenant, certains mécanismes peuvent parfois provoquer des polémiques. Ces questions de parrainage ne justifient pas certains remous qui déteignent sur l’économie de notre pays,  par exemple. Il faut au maximum pacifier l’espace politique. Tant qu’il n’y a pas assez de sérénité, aucune politique de développement ne peut être mise en œuvre. Le pouvoir comme l’opposition ont les mêmes ambitions. J’ose le penser. Par conséquent, rien ne sert de verser dans des querelles. Il est plus efficace de partager les visions et de créer un climat apaisé.

 

Dakaractu : Que dites-vous de la mayonnaise chefs religieux et politique ?

 

La place du religieux n’est pas forcément de rester dans les daara. Il peut faire de la politique. Pas celle qui se fait présentement au Sénégal, à travers le monde où  la démagogie, le mensonge  , les engagements jamais respectés en sont les fondamentaux. Le prophète ( PSL) faisait de la politique, disais-je tantôt . Et son seul objectif était de bien administrer la cité et de trouver solution aux difficultés des populations. Les ndongo Daara ne doivent pas être écartés dans la gestion de la cité. Pourquoi ceux qui ont été étudier en Égypte, au Koweit ne sont pas considérés comme des intellectuels mais comme des arabisants alors qu’à côté d’autres qui ont été le faire en France, en Angleterre sont traités en privilégiés. Même les postes de responsabilité ou fonctions diplomatiques généralement gérés par des arabisants dans les pays arabes sont désormais confiés à des politiques purs et durs. Je trouve que ce sont des erreurs qu’il faut corriger vaille que vaille. La diplomatie requiert certaines compétences comme la maitrise de la langue. Dans certains pays arabes, quand vous ne parlez pas arabe, c’est déjà très compliqué.

 

Dakaractu : Vite dernier mot !

 

Je lance un appel à tous les Sénégalais à davantage investir dans le pays et à davantage soutenir ceux qui investissent dans le pays. J’invite la classe politique à se rendre à l’évidence que le monde est en train de crouler sous le poids de la violence. Le monde est en feu. Je sonne l’alerte. Nous ne sommes à l’abri de la famine. Par conséquent, les hommes politiques qui ont, à bien des égards, le monopole des décisions, doivent davantage se concentrer sur les politiques économiques. Aujourd’hui, on ne nous parle que de parrainage. Espérons que c’est un débat qui sera vite dépassé. Je demande aussi au Président de la République d’être plus accessible. Nous, acteurs économiques et lui devons travailler ensemble. Les interlocuteurs sont parfois inexistants ou inefficaces. J’invite aussi les chefs religieux à exhorter leurs disciples à retourner vers l’agriculture. Que tout le monde aille mettre en valeur les terres. C’est primordial !

Dimanche 15 Mai 2022




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