Fraude à la nationalité française à partir de paternités fantômes : Le parquet de Bobigny cerne la filière sénégalaise.

Libération révèle en exclusivité que le parquet de Bobigny a discrètement mis à jour une rocambolesque affaire de fraude à la nationalité française à partir de paternité fantômes impliquant plusieurs sénégalais dont le nommé A. Sow. Une première commission rogatoire envoyée au Sénégal a permis d’identifier deux complices présumés de la mafia dont un…agent en service, jusqu’à l’éclatement des faits, au consulat général de la France au Sénégal.


Selon les informations exclusives de Libération, tout  a commencé lorsque le parquet de Bobigny a ouvert une enquête pour donner suite à des renseignements d’une source anonyme, dénonçant les activités délictuelles d’A. Sow, demeurant à l’avenue Gambetta (Seine Saint-Denis).

 

La source dénonçait ce dernier comme étant l’organisateur d’une filière d’aide au séjour irrégulier au profit de Sénégalais désirant se maintenir illégalement sur le territoire français par la fourniture de documents nécessaires à la constitution de dossiers aux seules fins d’obtenir indûment la nationalité française.

 

L’enquête préliminaire permettait de mettre formellement en cause A. Sow, déjà connu des services de police en confirmant son implication ainsi que celle de son complice un certain A. Sidibé, dans un réseau très actif et structuré de fraude documentaire ainsi que d’aide au séjour irrégulier et d’en dessiner les premiers contours.

 

 

 

Une fraude tentaculaire

 

 

 

Elle permettait aussi d’identifier plusieurs de leurs complices et membres du réseau. L’activité de cette mafia présumée consistait principalement à fournir de faux documents en écriture publique et/ou privée destinée à une très large clientèle désireuse d’obtenir indûment soit un titre de séjour et/ou son renouvellement, soit un document d’identité française, de contracter ou racheter des crédits ou de déposer des demandes de logement social ou privé.

 

 

 

Un «kit complet » pour devenir Français

 

 

 

L’enquête permettait aussi de mettre à jour l’existence d’un important réseau de fraude à la nationalité à partir de paternités fantômes. Pour se faire naturaliser français, tous les moyens étaient bons y compris recourir à ce réseau très élaboré dont le mode opératoire consistait pour ses membres à délivrer de faux actes de naissance et de reconnaissance (par un père français) sénégalais. Cette fausse reconnaissance permettait de voir les clients de la filière, déjà installés en France et dans d’autres pays d’Europe (Italie et Allemagne) obtenir de facto la nationalité française.

 

 

 

Un complice au consulat de la France au Sénégal ?

 

 

 

Le mécanisme nécessitait une bonne connaissance des failles du système juridique français : A. Sow disposait d’un important portefeuille de patronymes sénégalais, frauduleusement acquis à partir d’authentiques documents d’identité de franco-sénégalais photocopiées à leur insu. Il les produisait à l’appui de demandes de certificat de nationalité française auprès du service central d’état civil de Nantes qui centralise, pour les Français, l’ensemble des actes établis pour l'état civil à l’étranger.

 

À l’autre bout de la chaine, on trouvait des candidats résidents principalement en France. Moyennant une très bonne commission, le «talent » d’A. Sow était de fournir à ses clients des «kits » complets de faux documents pour la délivrance d’un certificat de nationalité française auprès de n’importe quel tribunal d’instance permettant le cas échéant d’obtenir indument d’authentiques documents français en mairie. Cette fausse reconnaissance permettant ainsi au candidats d’acquérir officiellement la nationalité française, laissait deviner par voie de conséquence, le commencement d’une importante fraude aux prestations sociales et l’acquisition de nouveaux droits réservés aux citoyens français.

 

Pire, une commission rogatoire envoyée au Sénégal par Charles Andor Fogarassy, alors vice-président chargé de de l’instruction, a permis d’identifier deux individus qui auraient pu faciliter l’obtention de documents d’état civil de personnes franco-sénégalaises. Le premier était employé, en tout cas à l’époque des faits, au Consulat de France au Sénégal et le deuxième à la mairie de Rufisque.

 

 

 

Une deuxième commission rogatoire envoyée au Sénégal.

 

 

Selon nos informations, une deuxième commission rogatoire a été envoyée au Sénégal par la vice-présidente chargée de l’instruction du tribunal de grande instance de Bobigny pour l’audition, sous le régime de la garde à vue, des deux individus suspectés. Ce, à la suite de l’information judiciaire ouverte contre A. Sidibé, A. Sow, Alpha S. et Dhafar Z. (qui trouvait des clients au réseau) pour aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour d’étrangers en situation irrégulière en bande organisée, falsification de documents administratifs, détention de plusieurs faux documents administratifs, fourniture de faux documents administratifs, usage de faux, blanchiment aggravé et participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un délit puni de 10 ans d’emprisonnement.

Lundi 16 Septembre 2019




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