Exploitation minière : La virulente plainte de l’Association nationale des Bijoutiers du Sénégal et son appel lancé au président Macky Sall

La présentation du rapport d’activité de la Sgo a été le cadre pour Abdoul Aziz Sy, le Directeur général, de se réjouir d’avoir battu un record avec l’extraction de 12 tonnes d’or en 2021. Cette quantité de métal précieux extraite du sous-sol sénégalais a suscité la réaction ferme de l’Association nationale des Bijoutiers du Sénégal (Anbs), à travers son vice-président, Alpha Amadou Thiam.


Exploitation minière : La virulente plainte de l’Association nationale des Bijoutiers du Sénégal et son appel lancé au président Macky Sall
Au micro de Dakaractu, les bijoutiers ont interpellé le ministre chargé des Finances et plus particulièrement, le président Macky Sall, pour son arbitrage.
« Nous nous devons de préciser une chose, pour le déplorer : c’est l’inaccessibilité des autorités sénégalaises. Aujourd’hui, une organisation nationale comme l’Anbs a introduit beaucoup de demandes d’audience adressées aussi bien au président de la République qu’au ministre en charge des Finances. Mais ces demandes n’ont obtenu aucune réponse. Cela est inadmissible ! », a déclaré Alpha A. Thiam qui trouve que c’est « frustrant », pour une organisation professionnelle comme la leur de ne pas pouvoir rencontrer les autorités pour arrondir les angles. Le ministre des Finances a bloqué, aujourd’hui, beaucoup de nos dossiers, sans aucune raison valable. C’est à l’image de l’agrément. Quelqu’un qui achète de l’or à Kédougou sans être détenteur de ce document court le risque de perdre son produit, lors d’un contrôle des douanes, à Tamba. Aujourd’hui, nos agréments sont bloqués par les services du ministère des Finances sans aucune raison. Ce que nous, les bijoutiers, dénonçons ».
Pour lui, des concertations s’imposent. « S’il y a des problèmes, nous estimons que ledit ministère doit interpeller l’Anbs pour en discuter. Cette organisation est une interlocutrice crédible. Pour tout dire, nous estimons que le président de la République doit convoquer l’Association nationale des bijoutiers du Sénégal, ainsi que les ministres concernés pour qu’on puisse engager des discussions sérieuses en relation avec la bijouterie sénégalaise. C’est cela l’appel du bureau de l’Anbs », a précisé le vice-président de l’Anbs en rappelant la mise en place, il y a 3 ans, d’un Comptoir d’achat d’or, après l’annonce faite en 2013, par le président de la République selon laquelle les sociétés minières allaient octroyer un quota aux bijoutiers locaux.

Hausse du prix du gramme d’or de plus de 4000 F

« Le président de la République avait dit ça, d’ailleurs le Directeur général de Sgo lui avait marqué le pas en manifestant sa volonté ferme de nous octroyer les 100 kilos d’or, mais le point de désaccord porte sur la Tva que l’État du Sénégal veut ajouter sur le prix de ces 100 Kgs d’or. Nous estimons que cela est paradoxal. Parce que l’or est côté en bourse et son prix se détermine au niveau du cours mondial. À titre d’exemple, si aujourd’hui, le cours mondial fixe le prix du gramme d’or à 35 000 F Cfa et que la Sgo nous livre les 100 Kg d’or taxés, cela nous reviendrait à 36 000 F plus les 18% (6 300 F Cfa). Ce qui fait que le prix du gramme sera plus cher au Sénégal que partout ailleurs. Voilà qui est paradoxal », a déclaré M. Thiam.
Celui-ci invite l’État à exonérer l’achat de l’or brut. « Ce que l’État doit faire, c’est d’exonérer le prix d’achat de l’or auprès des entreprises minières. Ce qui est proposé c’est de nous vendre sans imposer la Tva sur le produit brut, mais de fixer la Tva à la vente après transformation du métal en bijou. L’État ne doit pas exiger le paiement de la Tva sur les 100 Kg », argue-t-il. « C’est cette taxe qui bloque tout depuis 9 ans, nous avons ce problème. Si l’on y ajoute les 18% de la Tva, cela fait que le produit sera plus cher qu’à Londres, Dubaï, Paris ou bien même à New-York. Cela ne participe pas à la promotion ni à la relance de la bijouterie sénégalaise. Alors que nous, les artisans de l’or, nous sommes sur cette lancée ».

« Si le menuisier a besoin de bois, il sait où en trouver, mais ... »

Parlant de la préférence de certains sénégalais à aller se payer des bijoux à l’étranger au lieu d’acheter les produits locaux, il trouve que « si le bijoutier avait de l’or sur place, là le problème ne se serait pas posé. Il y a un comptoir d’achat d’or. C’est une boutique de vente d’or. Le menuisier s’il a besoin de bois sait où en trouver. Maintenant, si le bijoutier veut de l’or, il n’existe aucune structure où il peut se rendre pour aller s’en procurer. Mais s’il y avait un comptoir d’or implanté au Sénégal, il y aurait une concurrence entre les bijoux locaux et ceux importés ».
 

Ses collègues bijoutiers et lui disent ne pas pouvoir « concevoir qu’au Sénégal, qu’on parle de 16 tonnes d’or en 2020, extraites, puis de 12 tonnes en 2021 extraites rien que par la Sgo. C’est une grosse somme quand on sait que de 2019 à nos jours, le prix du gramme d’or a connu une hausse de plus de 4 000 francs. Cela démontre que la Sgo a plus de 60 milliards de plus en terme de chiffres d’affaires rien qu’entre 2019 et 2022 ».
Une situation qui le conforte dans sa conviction que l’État doit renégocier les contrats d’exploitation minière. « Je suis en phase avec ceux qui plaident pour une renégociation des contrats d’exploitation de nos ressources minières. Il est temps qu’on renégocie ces contrats-là. Aujourd’hui, on parle du pétrole et du gaz, mais n’oublions pas que cela fait plusieurs dizaines d’années qu’on parle de l’extraction de l’or au Sénégal, alors où sont les retombées de cette exploitation dans ce pays? »

« Les Sénégalais ne seraient plus obligés d’aller jusqu’à Dubaï, si … »

Pour que le Sénégal puisse tirer véritablement profit de son or, il faut un raffinage, a-t-il dit en dévoilant la présence d’une unité à même de traiter le métal précieux brut. « Il existe une raffinerie d’or au Sénégal, mais peu de personnes sont au courant de son existence. Aujourd’hui, l’État devait non seulement renégocier les contrats d’exploitation, mais aussi imposer aux sociétés minières se trouvant au Sénégal à raffiner l’or dans cette structure. En ce moment-là, on allait avoir des lingots d’or made in Senegal. Mais si on exporte le produit brut à l’étranger, cela ne nous procure aucune valeur ajoutée. Je crois qu’au vu de tout cela, il est urgent que l’État organise des Assises sur les ressources minières au Sénégal et implique toutes les personnes ressources du secteur de l’or ».

Pour Alpha A. Thiam, 100 kgs ne sont rien par rapport à ce qui est exploité. « On parle de 12 tonnes extraites, comparées aux 100 kg. C’est une petite quantité qui ne méritait pas tout ce tintamarre. C’est puiser 100 000 grammes sur 12 millions de grammes. Si aujourd’hui, on rendait accessible cet or, il serait aisé pour les citoyens d’acheter des bijoux. Le bijou qui aujourd’hui coûte 500 000 F pourrait être vendu à 300 000 francs. Ainsi les Sénégalais ne seraient plus obligés d’aller jusqu’à Dubaï, en Asie ou ailleurs pour acheter des bijoux en or ».
 
 
Jeudi 7 Juillet 2022




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