Entretien / Lamine Ba (FNCL) : « Le PDS n’a pas un électorat d’emprunt ou de frustration, c’est une réalité politique (…) Nous n’allons pas en coalition pour suivre ou être derrière personne… »

Le président de la fédération nationale des cadres libéraux s’est confié à Dakaractu à travers un entretien sans langue de bois. Si Lamine Ba a été ces derniers jours « absent » de l’espace médiatique, il faut bien alors penser à cette nouvelle offensive que le Pds veut adopter pour aller aux élections législatives et même présidentielles à venir. Même étant dans les coins assez reculés du pays pour s’activer dans le parrainage et dans d’autres impératifs du parti démocratique sénégalais, le membre du comité directeur du Pds nous fait part, dans cet entretien, de son point de vue sur la situation politique nationale.
Entretien...


Dakaractu : Votre parti a récemment lancé les hostilités pour engager les prochaines élections : Qu’est ce qui a motivé cette nouvelle dynamique ?

Depuis 1974 nous sommes sur l’échiquier politique national et nous avons pratiquement participé à tous les grands rendez-vous électoraux que le pays a organisés. Donc, naturellement, si nous devons aller à des élections, le parti prend toujours les dispositions aussi bien réglementaires qu'administratives, pour organiser et encadrer sa participation à des élections. Nous l’avons fait lors de ces dernières élections locales et nous nous acheminons vers des élections législatives. Le secrétaire général national, Me Abdoulaye Wade, en vertu des prérogatives que lui confèrent les textes de notre parti, a mis en place un directoire de campagne, composé d’hommes et de femmes du parti, pour l’accompagner à organiser et encadrer la participation de notre parti à ces prochaines élections. Voilà ce qui motive la sortie il y a de cela trois jours, d’un communiqué pour faire état d’un directoire de campagne dirigé par le frère Abdoulaye Wade, secondé par le frère Lamine Thiam, Daba Diouf comme des directeurs de campagne adjoints et cinq commissions qui auront en charge l’organisation du processus de ces élections que nous avons en face. Il faut signaler que Lamine a une expérience électorale, il a toujours été dans le dispositif d’organisation des élections au niveau du parti. C’est d’ailleurs pourquoi il a été choisi par Me Abdoulaye Wade.
 
Dakaractu : Comment appréciez-vous cette percée de Yewwi Askan Wi et la position de votre parti face aux résultats des dernières élections locales ?

Il faut que je vous précise une chose. Le parti démocratique sénégalais est sorti renforcé lors de ces dernières élections. Un parti qui est privé de son leader et qui connaît l’acharnement du régime en place depuis plus de 12 et qui, malgré tout, parvient à obtenir 450.000 voix et se positionner 3e, ce n’est pas n’importe quel parti. Vous me parlez de la percée de Yewwi Askan Wi. Oui, dans certaines villes, cela peut se comprendre. Toutefois, cela ne peut avoir en aucun cas, un lien direct avec le parti démocratique sénégalais et ses résultats. Nous, depuis 1993, nous allons à des élections.

D’ailleurs, nous pouvons même dire que nous sommes le seul parti qui dispose d’un électorat constant et stable. Nous n’avons pas un électorat d’emprunt. Ce que nous engrangeons comme suffrages aux élections, ne résulte pas d’une frustration quelconque ou d’un état d’humeur de quelque tierce personne. C’est la résultante d’une volonté de militer dans un parti, de porter ses idées et de défendre ses valeurs. Depuis 1994, nous sommes entre 300.000 et 500.000 électeurs. Nous sommes allés à ses élections sachant que nous ne sommes pas  sur 8 départements. Nous n’avons pas été sur près de 150 communes, mais malgré tout, nous avons eu plus de 450.000 voix. Ce qui traduit la solidité de notre appareil, notre ancrage sur l’échiquier national et la force de notre parti. La coalition dont vous parlez : Yewwi Askan Wi par exemple a 750.000 voix sur l’ensemble sur territoire national. Mais combien de partis politiques elle regroupe avec aussi, combien de leaders ? Ces derniers vont-ils aller ensemble pour l’avenir etc... Ce sont autant de questions qu’il faut se poser. Bref, notre électorat est réel et stable. Nous n’avons pas un électorat d’emprunt comme disent les politologues. Ceci dit, nous ne disons pas que nous n’avons pas de problème. Ils existent, mais le parti est là et debout.

 
Dakaractu : On parle ces temps-ci de restructuration et de retrouvailles de la famille libérale. Qu’est-ce que vous en pensez ?

D’abord, je tiens à rappeler que le Pds est le parti le plus structuré au Sénégal. C’est vrai que nous avons connu des départs. Mais à chaque fois que ces départs sont notés, le Pds prend ses dispositions et réaménage son appareil. Nous n’envions pas les autres partis. Maintenant, en ce qui concerne concrètement ces retrouvailles libérales, je me demande juste quel est l’intérêt de la mettre en œuvre. Pourquoi devrait-on parler de retrouvailles libérales ? Nous, en n'avions pas parlé. En 2014, Wade, pensant que la politique c’est des idées, des référentiels, a estimé que les gens peuvent se retrouver à travers des idées, de l’idéologie libérale ou encore de la doctrine qu’il a eu à inculquer à son parti. Il en a fait part à tous ceux qui se disent libéraux. Mais quelle a été la suite ? Macky Sall a été le premier à estimer qu’il n’était pas intéressé. Les gens aujourd’hui parlent de retrouvailles libérales parce que cela les arrange. D’ailleurs, ils ne croient même pas à ce qu’ils disent. Nous avions pensé en un moment donné, que notre parti libéral, étant la mère de toute l’idéologie libérale en Afrique, pour avoir comme dirigeant Me Abdoulaye Wade, une icône phare de l’idéologie libérale dans le monde, il était quand même judicieux, de voir comment réunir dans un cadre, tous les libéraux du Sénégal. Malheureusement, Macky a été le premier à se démarquer, d’autres ont même quitté le parti. C’est aujourd’hui, pensant qu’ils n’ont plus la possibilité d’émerger en politique, qu’ils nous parlent de ces retrouvailles libérales. Ils sont toujours dans leurs calculs politiciens. Mais nous, nous avons d’autres objectifs bien définis. 
 
Dakaractu : Mais ces retrouvailles ne vous seront-elles pas aussi favorables ?

Nous l’avions pensé et proposé. Mais les gens n’en voulaient pas. Pour l’instant, nous ne parlons pas de retrouvailles libérales. S’il y’a des gens qui veulent en parler, ils n’ont qu’à en parler et nous convaincre de la pertinence de cette idée.  Mais signalons que nous l’avons proposé il y’a maintenant 7 ans. Me Wade avait écrit et confié à des gens. Qu’est ce qu’ils en ont fait ?
 
Dakaractu : Comment comptez-vous vous ouvrir aux autres franges de l’opposition ? Vous envisagez de partir ensemble avec des leaders comme ceux de Yewwi Askan Wi ?

Ce que je peux vous dire, c’est que mon parti a sorti son dernier communiqué disant que nous sommes ouverts à toutes les forces politiques qui seraient prêtes à venir avec nous. Maintenant, notre parti a nommé quelqu’un à la tête du directoire de campagne pour traiter de toutes les questions afférentes à la mise en place de coalitions électorales. Nous y travaillons et s’il y’a des gens qui veulent aller aux élections avec nous, je pense qu’ils n’ont qu’à le manifester et nous discuterons avec eux. 
 
Dakaractu : Le Pds sera-t-il suiveur ? 

Donnez-moi un cas où vous avez vu le parti démocratique sénégalais aller suivre des gens pour aller aux élections ? Nous n’allons pas à des élections pour suivre ou être derrière qui que ce soit. Nous mettons en place des coalitions pour prendre en charge les préoccupations des sénégalais et répondre à leurs attentes une fois à l’Assemblée nationale.
 
Dakaractu : Votre candidat, Karim Wade, ne manque-t-il pas au parti ?

C’est vrai que le fait qu’il ne soit pas encore au Sénégal, est comme une pilule qui passe difficilement à travers la gorge des militants. Les gens ne cessent de le réclamer. Mais il faut savoir que son retour est indépendant de sa volonté. Macky Sall est responsable de cette situation. Mais nous sommes engagés dans le combat pour son retour et sa réintégration dans le jeu politique. Mais aussi, qu’il puisse jouir de ses droits qu’on est en train de lui priver. En tout cas, nous faisons tout pour qu’il revienne rapidement et qu’on puisse parachever l’œuvre que le président Wade a déjà engagé. 
 
Dakaractu : Comment appréciez-vous aujourd’hui, hétérogénéité de l’espace politique sénégalais ?

Pour moi, la politique n’est pas l’apanage d’une tranche d’âge donnée. Tous peuvent faire de la politique. C’est rendre service à son pays, à sa communauté, sa localité. Toutefois, je tiens à préciser que la politique, pour moi, c’est les idées. On ne fait pas de la politique sur la base du ressentiment, de l’émotion. Ce sont des idées, des causes, des valeurs qu’on défend. Vouloir faire de la politique en dehors de ces valeurs et principes, c’est tout simplement se verser dans autre chose. Si nous sortons du cadre de la prise en charge de la défense des intérêts des populations, de ses idées, de ses valeurs, globalement démocratiques, pour moi on est loin d’apporter des solutions pour faire évoluer le monde.
 
Dakaractu : Notez le président Macky Sall

Lui-même suffit pour faire un bilan. Je pense que son bilan ne doit pas se faire en dehors des engagements qu’il avait pris pour gouverner le Sénégal. Il nous avait promis une gouvernance sobre et vertueuse. Je pense que nous l’avons dit à plusieurs reprises. Il n’y a pas un seul secteur de la vie économique et sociale qui n’est pas en souffrance. Nous attendons tout simplement de lui qu'il termine son mandat et nous remette le pays pour que nous puissions le remettre sur de bons rails. Pour lui, la messe est dite car, c’est l’échec tout simplement.
 
Dakaractu : Que peuvent attendre les Sénégalais d’un nouveau magistère du Pds ?

Les Sénégalais savent bien que nous avons une vision pour ce pays. Nous avons commencé en 2000 jusqu’en 2021. Il est vrai que nous avions commis des erreurs, nous acceptons qu’il y’a des choses qui ne se sont pas bien passées. Je pense même que c’est mieux qu’on ait perdu le pouvoir pour se remettre en cause. Mais maintenant, nous sommes en train de reformuler une nouvelle offre politique qui sera soumise aux sénégalais pour changer la donne, matérialiser l’idéal et parachever l’ambition que nous avons pour le développement de ce pays...
 
Samedi 23 Avril 2022




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