DES SÉNÉGALAIS DANS LE BASTION DE L'ÉTAT ISLAMIQUE À SYRTE : Aïda Sagna, l’arbre qui cache la forêt

Mise en examen et écrouée au Sénégal pour terrorisme présumé, Aïda Sagna n’est que la face visible de l’iceberg. Devant les enquêteurs de la DIC, elle a révélé la présence d’autres femmes dans le bastion de l’Etat islamique à Syrte. Ce groupe gravitait autour de son mari L. Ndiaye qui était émir du mouvement Ibadou Rahmane dans la localité de Keur Marème Mbengue au Lac Rose et de S. Sarr qui assurait l’imamat de la mosquée des Ibadou Rahane dans la même localité.


DES SÉNÉGALAIS DANS LE BASTION DE L'ÉTAT ISLAMIQUE À SYRTE : Aïda Sagna, l’arbre qui cache la forêt
Libération révélait le placement sous mandat de dépôt de Aïda Sagna pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, apologie du terrorisme, actes de terrorisme, appartenance à un réseau de recrutement de combattants terroristes.
Interceptée par la Division des investigations criminelles (DIC) à son retour de Libye le 5 février 2018, Aïda Sagna, née le 31 décembre 2011 à Tendouck, était au cœur de l’État islamique qu’elle avait rallié depuis 2016.
Mais elle n’est que l’arbre qui cache la forêt puisque de ses confidences il ressort que d’autres Sénégalaises sont actives dans les rangs de l’organisation jihadiste.
Comme nous le révélions, après avoir nié l’évidence, elle a avoué aux enquêteurs s’être rendue en Libye pour faire le ‘’Jihad’’. Elle a renseigné que c’est son nouveau mari L. Ndiaye qui l’a convaincue alors que le billet lui a été payé par I. Ba, membre de la communauté Ibadou Rahmane. Aussi a t-elle fait le voyage avec A. Camara, épouse de S. Sarr. Cette dernière a ajouté que c’est à la gare de Yarakh qu’elle a pris le départ avec ses compagnons vers les coups de 10 heures.
Arrivée au Mali, à 4 heures du matin, elle y a fait une escale de deux jours avant de rejoindre la Libye en passant par le Niger. Elle a précisé qu’une fois à la frontière entre le Niger et la Libye elle a été transportée l’intérieur du pays avant d’être accueillie tout d’abord par un couple libyen et la communauté sénégalaise des Ibadou Rahmane partie faire le Jihad puis logée dans un hôtel situé entre Syrte et Sabratha.

Certains des jihadistes vivent en famille avec femmes et enfants

Il ressort des confidences de Aïda Sagna que parmi cette communauté Ibadou Rahmane figurent des femmes (N. M. Diop, N. Sy, A. Ba, R. Ba, F. Cissokho, A. Mbaye, A. Diouf et N. S. Mbaye) ainsi que des hommes (A. Khatim, L. Ndiaye -son mari -, M. Ndiaye, C. Mbaye et S. Sarr qui lui avait payé le billet). Mieux, elle a donné plus de détails en révélant que parmi les Jihadistes certains vivaient en famille. Il en est de A. Camara, M. Diop, R. Ba et F. Cissokho respectivement épouses de A. Khatim, S. Sarr, A. Guèye et C. Mbaye, venues avec leurs enfants.
Pour sa part, Aïda Sagna jure n’avoir aucun rôle spécifique en Libye dans le cadre du Jihad. Interpellée sur l’organisation de leur mouvement, elle a fait semblant de ne pas en savoir grand- chose. Elle a simplement affirmé que tout leur quartier de Keur Marème Mbengue au Lac Rose était affilié au mouvement des Ibadou Rahmane sous la direction de son mari L. Ndiaye lequel est l’émir du mouvement dans cette localité. Quant à S. Sarr il assurait l’imamat de la mosquée des Ibadou Rahmane. Pour I. Ba, elle a déclaré ignorer son rôle quand bien même que ce dernier a payé ses frais de voyage.
Comme le révélait Libération, Aïda Sagna a passé deux ans dans les prisons libyennes pour sa participation dans un attentat sanglant survenu dans la ville de Sabratha. A l’époque d’ailleurs, une rumeur tenace diffusée dans les réseaux sociaux faisait état d’une Sénégalaise qui aurait fait exploser sa ceinture pour échapper à son arrestation.
Elle était présente sur les lieux d’où sa condamnation en même temps qu’une dizaine de personnes impliquées dans cette tragédie. D’ailleurs, le principal chef d’orchestre, arrêté en même temps que Aïda Sagna, a été exécuté. Les enquêteurs pensent qu’elle a joué un rôle déterminant dans cet attentat et il était prévu qu'elle se fasse effectivement exploser.
A preuve, les enquêteurs ont mis la main sur un enregistrement dans lequel on identifie facilement Moustapha Diop dit Abu Hatem. Dans cette vidéo, « l’émir » annonçait, avec toute la théâtralisation requise, la mort de Aïda Sagna dans l’attentat évoqué plus haut. N’empêche, elle jure que cette annonce pourrait s’expliquer par le fait que Abou Hatem soit resté pendant beaucoup de temps sans avoir de ses nouvelles même si elle confirme avoir été interpellée et condamnée dans le cadre de cet attentat.

Des similitudes avec le dossier de Makhtar Diokhané

Le nom de Abu Hatem est revenu à plusieurs reprises dans des dossiers de terrorisme. Même si des informations le disent mort récemment à Syrte, il n’en demeure pas moins que les enquêteurs avaient pu cerner le personnage grâce à son proche entourage entendu à titre de renseignements dans le cadre de l’affaire Makhtar Diokhané et Cie. Sur un fauteuil roulant depuis qu’il a été blessé au combat, Abu Hatem occupait une place importante dans le dispositif de l’Etat islamique pour être apparu dans plusieurs vidéos de propagande.
Derrière Abu Hatem se cache le nommé Mouhamadou Lamine Diop. Au moment où il était encore actif en Libye, il avait d’ailleurs posté la photo de son enfant tenant une arme. L’image avait choqué les réseaux sociaux. A. Diop, frère de ‘’Abu Hatem’’ et élève en première dans un Cem de la banlieue a fait une autre révélation aux enquêteurs qui confirme que ce dernier est un vrai illumine.́
Selon lui, son frère l’a appelé au téléphone courant 2015 pour lui proposer de venir en Libye effectuer le jihad à ses côtés. Mais A. Diop précise lui avoir affirmé que non seulement cela ne l’intéressait pas mais il n’en avait pas le courage. Des propos qui semblaient avoir mis en colère ‘’Abu Hatem’’ qui lui aurait dit que contrairement aux informations diffusées, c’est lui qui traquerait les soldats américains et non le contraire.
A noter que dans un premier temps, Aïda Sagna persistait et signait s’être rendue à Ouagadougou pour soigner sa maladie de fibrome et que c’est ainsi qu’elle aurait rencontré un couple libyen qui aurait décidé de l’aider. Elle ajoutait avoir été arrêtée lors d’un contrôle pour défaut de papiers de séjour. Mais face aux éléments objectifs de l’enquête, la mise en cause présumée s'est livrée à une longue confession.
On retrouve deux points communs entre les dossiers de Aïda Sagna et de Makhtar Diokhané renvoyé devant la Chambre criminelle pour terrorisme présumé. En effet la localité du Lac Rose est aussi citée dans le dossier Diokhané puisque c’est là-bas que le groupe a commencé à se former suite à l’attaque de la mosquée de Diourbel dirigée par imam Abdou Karim Ndour. Mais il reconnaît n’avoir pas été beaucoup engagé lors de cette réunion organisée par Assane Diène et Ibrahima Ba dit Zaïd, deux combattants sénégalais tueś à Syrte.
Diokhané précisait aussi que son bailleur de fonds Moustapha Diop dit Abu Hatem qui lui avait envoyé 65000 euros n’était pas d’accord avec la démarche du groupe.
Lundi 9 Avril 2018




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