Les noms coloniaux au Sénégal : entre héritage et révélation
Au Sénégal, la question du nom des rues, places et monuments honorant des figures coloniales continue de diviser. En particulier, le débat sur Louis Faidherbe, ancien gouverneur de Saint-Louis et symbole du colonialisme français, illustre la complexité des sentiments envers cet héritage colonial.
Les noms coloniaux : Un héritage douloureux
De nombreuses rues, avenues et places au Sénégal portent encore les noms de figures coloniales françaises. Des personnalités comme Louis Faidherbe, Jules Ferry, Georges Pompidou, et autres, sont honorées dans l'espace public sénégalais. Ces noms rappellent une période sombre de l'histoire coloniale et sont perçus par beaucoup comme des symboles d'oppression et de domination.
Louis Faidherbe, en particulier, est au centre de la controverse. Gouverneur général du Sénégal et de l'Afrique occidentale française, Faidherbe est associé à de nombreuses répressions violentes et massacres de populations locales. Ses expéditions militaires ont entraîné la destruction de villages et des pertes humaines considérables. Ces actes sont décrits par l'historien Khadim Ndiaye comme des crimes contre les populations locales, faisant de Faidherbe une figure de l'oppression coloniale, plutôt qu'un administrateur bienveillant.
Le Rejet de la Statue Coloniale
Le rejet de la statue de Faidherbe par la population sénégalaise reflète une volonté croissante de réévaluation des symboles coloniaux. La statue, qui se trouvait sur la place Faidherbe à Saint-Louis, était perçue par certains comme une « ultime humiliation des Sénégalais » et un « symbole du colonialisme ». Ce monument, malgré son importance historique, était devenu un point focal de la colère contre les injustices du passé colonial.
Le 4 septembre 2022, une violente tempête a endommagé la statue de Faidherbe, provoquant sa chute. Cet événement a été perçu par de nombreux Saint-Louisiens comme une opportunité de voir enfin ce symbole de l'oppression détruit. Cependant, malgré cette destruction partielle et le rejet public, les autorités locales, y compris le maire Mansour Faye et le ministre de la Culture de l'époque, avaient exprimé leur intention de restaurer le monument. Cette décision a été critiquée par une partie de la population qui souhaitait une action plus décisive, telle que la démolition de la statue.
Le changement des noms, pour une réconciliation historique ?
Les débats sur le changement des noms des rues et des places ne sont pas nouveaux. Sous la présidence d'Ousmane Sonko, un projet ambitieux a été proposé pour débaptiser les espaces publics portant des noms coloniaux et les renommer d'après des figures locales, des chefs religieux ou des héros de la lutte pour l'indépendance. Cette vision visait à rectifier les injustices historiques en honorant les contributions locales et en faisant table rase des souvenirs colonialistes.
De même, Alioune Ndoye, l'ancien maire de Dakar, avait pris des mesures concrètes en débaptisant l'avenue Faidherbe de Dakar pour le renommer avenue Macky Sall. Cette décision a été accueillie positivement par ceux qui voyaient cela comme un pas vers la réconciliation et la reconnaissance des contributions des leaders sénégalais.
Une réflexion en cours
Le débat sur les noms coloniaux au Sénégal est révélateur d'une quête plus large pour réconcilier le passé colonial avec la mémoire collective actuelle. Alors que certains appellent à un effacement total des symboles coloniaux, d'autres estiment que ces monuments font partie de l'histoire que le pays doit reconnaître et comprendre.
La statue de Louis Faidherbe reste un symbole de ce débat. Même après les dommages causés par la tempête et les tentatives de restauration, la controverse continue. Les décisions politiques et les actions des autorités, face aux désirs de la population, détermineront si les noms coloniaux seront définitivement effacés des espaces publics ou s'ils continueront à susciter des discussions et des conflits.
À mesure que le Sénégal progresse dans sa quête d'une identité post-coloniale, les discussions autour de ces symboles seront cruciales pour définir comment le pays choisit de se souvenir de son passé tout en construisant son avenir...
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