Amnistie et le champ d’application d’une nouvelle loi : Quand l’assemblée nationale joue carte sur table


Les députés de la 15e législature ont examiné et adopté ce mercredi la proposition de loi 05/2025 portant interprétation de la loi du 13 mars 2024 portant loi d’amnistie. 

 

Lors de l'examen du projet de loi portant amnistie en 2024 par la Commission des Lois, de la Décentralisation, du Travail et des Droits humains, ministre de la Justice, Garde des Sceaux, avait indiqué que les actes de torture ou de traitements dégradants sont bannis et exclus du champ d'application dudit texte, avant de préciser que des sanctions seront prononcées s'il existe des preuves les attestant.

 

Amadou Bâ, devant ses collègues en séance plénière ce mercredi, a fait noter que cette exclusion des infractions sus évoquées n'a pas été matérialisée dans le texte final qui a été adopté en séance plénière. Ce qui contrevient, selon lui, aux obligations internationales du Sénégal en matière de protection des droits fondamentaux de l'homme ainsi qu'à l'évolution récente de la jurisprudence internationale y relative.

 

Face à ses collègues, Amadou Bâ a invoqué plusieurs décisions de justice rendues par les juridictions internationales indiquant de façon concordante que toutes les atteintes graves aux droits fondamentaux de l'homme, notamment le droit à la vie, le droit de ne pas subir de tortures, de traitements cruels, inhumains ou dégradants, ne sauraient être couvertes par une amnistie.

De surcroît, poursuit-il, « amnistier les actes de tortures et autres atteintes graves aux droits de l'homme engage, non seulement la responsabilité du Sénégal face à ses obligations internationales, mais expose également leurs auteurs à des poursuites par des Etats étrangers au titre de la compétence universelle ». 

 

Un champ d’application bien défini 

 

Le député porteur de la loi d’interprétation a soutenu nécessaire de présenter cette proposition de loi interprétative qui vise à

circonscrire le champ d'application de la loi n° 2024-09 du 13 mars 2024 portant amnistie afin de lever toutes les équivoques et controverses sur les catégories d'infraction qu'elle couvre.

Par ailleurs, abordant la question de l'indemnisation des victimes, Amadou Bâ rappelle que toute loi amnistiante, qui ne prévoit pas de mécanisme d'indemnisation, est supposée nulle. Sur ce point, il a rappelé que, lors de l'examen du projet de loi portant amnistie précité, le ministre de la Justice, d’alors, notamment, Me Aïssata Tall Sall, avait annoncé la mise en place d'une commission d'indemnisation pour les victimes.

 

De son avis, l'indemnisation de l'ensemble des victimes constitue un préalable à la réconciliation. Amadou Bâ précisera, qu'il est question de clarifier le champ d'application dans le souci d'éviter, d'une part, toute interprétation erronée de la loi portant amnistie au détriment des intérêts des victimes et, d'autre part, que le Sénégal ne puisse pas voir sa responsabilité engagée au niveau des juridictions internationales pour absence de recours effectif pour les victimes ou leurs ayants droit qui souhaiteraient saisir les tribunaux nationaux.

 

Sur la question de la non-prise en compte des pertes de biens matériels, Amadou Bâ a rappelé la sacralité de la vie humaine qui constitue un droit fondamental, incomparable à un quelconque bien matériel dont la perte peut être remplacée, quelle qu'en soit sa valeur.

 

L’opposition rejette une loi sélective et dangereuse 

 

 

Me Aïssata Tall Sall, le groupe parlementaire Takku Wallu ainsi que plusieurs députés non-inscrits, ont rejeté cette loi interpretative et indiquent qu’elle est dangereuse : « C’est une loi qui divise la société sénégalaise, car elle a simplement été introduite pour des règlements de comptes », a déclaré Me Aïssata Tall Sall.

 

Relativement à la question de l'incidence financière, Amadou Bâ a soutenu que le propre d'une loi interprétative consiste à ne rien ajouter ou retrancher dans la loi qu'elle interprète. Par conséquent, une telle loi ne saurait comporter une incidence financière puisqu'elle se limite tout simplement à clarifier le sens de la loi à laquelle elle se rapporte. Pour le député Thierno Alassane Sall, il s’agit d’une loi « inique et inacceptable ». D’ailleurs, lui qui a en premier introduit une proposition de loi portant abrogation de la loi d’amnistie du 13 mars 2024, s’est offusqué que cette « volonté de Pastef de procéder à un élargissement de casseurs et pilleurs qui se sont manifestés en 2021 et 2023 ». 

 

Du côté de Takku Wallu Sénégal notamment les députés de l’APR, il a été décidé de contester cette loi devant le Conseil constitutionnel. Pour sa part, le ministre de la justice rassure quant à à la prise en compte du caractère équitable de la justice qui va désormais tirer cette affaire liées aux brutalités et atrocités qui se sont déroulées pour rendre justice aux victimes .

Jeudi 3 Avril 2025
Cheikh Sadibou Fall



Nouveau commentaire :
Twitter



Dans la même rubrique :