AMBITION DE CERTAINS CADRES DE PASSER DG, PERTES D’AVANTAGES SOCIAUX, PRESERVATION D’INTERETS PERSONNELS… : Ce qui se cache derrière le vent de contestation de la nomination de Mbaye Dione à la tête du Cms

Depuis la nomination de Mbaye Dione comme administrateur provisoire du Crédit mutuel du Sénégal (Cms), certains délégués syndicaux de la boîte sont comme possédés. Ils mènent un combat par procuration, plus pour leur strapontin, que pour défendre les intérêts matériels et moraux des travailleurs. En effet, sachant que Mbaye Dione est l’homme qu’il faut à la place qu’il faut si les critères techniques, en terme de parcours, de compétence et de rigueur sont convoqués, ils se rabattent sur des arguments les uns plus bancals que les autres. La raison des cris d’orfraie qu’ils poussent : beaucoup d’intérêts, d’enjeux et de non-dits. «Les Échos» a tenté de crever l’abcès.


AMBITION DE CERTAINS CADRES DE PASSER DG, PERTES D’AVANTAGES SOCIAUX, PRESERVATION D’INTERETS PERSONNELS… : Ce qui se cache derrière le vent de contestation de la nomination de Mbaye Dione à la tête du Cms
Le 11 décembre dernier, Mbaye Dione a été nommé administrateur provisoire du Crédit mutuel du Sénégal. Mais, dès que la nouvelle est tombée, des délégués syndicaux, qui s’attendaient à des mesures qui allaient plus dans le sens de leur intérêt, passent leur temps à pousser des cris d’orfraie. Ces derniers, qui ont «brûlé» la décision des autorités et de la Commission bancaire de nommer à nouveau un Administration provisoire, avec des menaces à peines voilées, réclament le retrait de l’acte de nomination de Mbaye Dione, sous prétexte, entre autres, que ce dernier, par ailleurs maire de la Commune de Ngoundiane, est un acteur politique.
Mais, en réalité, les motivations des protestataires sont autres. En effet, «Les Echos», qui a fouillé dans la boîte, a décelé de nombreux enjeux et chocs d’ambitions et d’intérêts, compromis par l’arrivée d’un nouvel administrateur et qui sont à la base de ce vent de contestation.
 
L’administration provisoire ne fait pas l’affaire de plusieurs cadres de la société, qui ont perdu beaucoup d’avantages et dont certains se voyaient déjà sur le fauteuil de Directeur général
 
L’administration provisoire, au sein du Crédit mutuel, comme partout ailleurs, comporte plusieurs inconvénients. Avec cette situation au Cms, et en vertu de l’article 28 de la loi 2008-47 du 3 septembre 2008, (sur la réglementation des systèmes financiers au Sénégal), les pouvoirs des dirigeants de la Fédération des caisses du Crédit mutuel du Sénégal (Fccms), sont suspendus et transférés, en totalité, à l’administrateur provisoire. Ce dernier assure donc en même temps les fonctions de Directeur général et de président du Conseil d’administration. Dès lors, on comprend la levée de bouclier de certains membres du personnel, dont certains des  avantages sont fortement limités et dont le plan de carrière est au point mort depuis l’avènement des administrations provisoires.
Mais, avec la perspective de la fin du mandat d’administrateur provisoire d’Aliou Ndiaye, en fin décembre, des cadres du Cms, qui avaient postulé auparavant pour la fonction de Directeur général, nourrissaient le secret espoir de lui succéder. Parmi les nombreux candidats, nos sources citent l’ancien Directeur général de la boîte, Mouhamed Ndiaye. Pour rappel, il a été révoqué par la Commission  bancaire pour faute de gestion et il est actuellement conseiller technique au ministère de la Femme. Nos sources sont formelles sur ses «fortes ambitions de retrouver la Direction  de boite» où, dit-on, il cumulait, en son temps, des avantages mensuels de plus de 15 millions. C’est d’ailleurs un des griefs que lui reprochaient les organes de contrôle.
 
Des prétendants au poste de Dg derrière la grogne d’une partie du personnel contre la nomination de Mbaye Dione
 
A en croire une source bien au fait des affaires de la boîte, les sorties médiatiques d’élus des régions du Sine Saloum et d’une partie des délégués, sous couvert de leur centrale syndicale, la Cnts, «sont motivés par la manipulation de certains de ces candidats au prestigieux poste de Dg du Cms, car la nomination de Mbaye Dione vient ruiner tous leurs espoirs». Poursuivant, notre source note que les attaques contre la décision nommant un nouvel administrateur provisoire et contre ce dernier, participent d’un plan savamment orchestré. «C’est une stratégie bien planifiée pour  faire reculer le ministre de l’Économie, des Finances et du Plan», dit-elle.
 
 La nomination d’un banquier chevronné en la personne de Mbaye Dione soulève l’inquiétude et la déception de plusieurs individus dont les intérêts actuels et potentiels sont menacés
 
 
Et pourtant, souligne notre interlocuteur, le maintien d’un administrateur provisoire ne vise qu’à «sortir le Cms du climat et de l’esprit malsains» dans lesquels le maintiennent une partie du personnel, certains cadres et délégués syndicaux. Et comme entre autres éléments de ce climat malsain, notre source cite : «des clivages internes, une absence de procédures organisationnelles dignes de la dimension de la structure, des promotions de cadres sans aucun critère de mérite, des recrutements familiaux avec plusieurs membres d’une même famille se retrouvent dans la boite dont beaucoup de bras cassés qui sont d’aucun apport, des guerres de positionnement, un immobilisme inquiétant et une démotivation des personnes compétentes qui ne voient aucune issue pour leur carrière». Et ce sont ceux qui profitent de ce «système» qui ne veulent pas d’un nouvel administrateur, lui préférant un Directeur général plus malléable. Surtout que, pour ce cas-ci, le nouvel administrateur est un homme du sérail, donc plus apte que ses prédécesseurs à comprendre les enjeux et le jeu des uns et autres. «La rigueur du nouvel Administrateur et sa connaissance du secteur bancaire inquiètent une partie des syndicalistes, qui ont toujours pris en otage les anciens Dg et Administrateurs, pour leurs propres intérêts au détriment de la survie du Cms. (…). La nomination d’un banquier chevronné en la personne de Mbaye Dione, certes homme politique, soulève l’inquiétude et la déception de plusieurs individus dont les intérêts actuels et potentiels sont menacés», affirme notre informateur.
Pour qui, c’est cette «panique» qui explique «les attaques» contre la nomination du maire de Ngoundiane et le développement de «l’argument fallacieux» que son arrivée va consacrer la politisation du Cms. En effet, pense-t-il, «même si le nouveau patron du Cms est un homme politique avéré, il n’en demeure pas moins que son parcours professionnel est exemplaire dans le milieu bancaire».
 
Mbaye Dione, un parcours professionnel bancaire de près de 20 ans sans la moindre tache
 
En réalité, avec ses 18 ans d’expérience, passés dans le Groupe Société générale (2001 -2010) et Crédit International (2011-2018), le nouvel Administrateur du Cms a de bonnes aptitudes et références pour sortir la boîte du noir. Dans ces deux groupes où il a exercé, Mbaye Dione a successivement eu à occuper de hautes responsabilités et vient d’ailleurs de quitter le Crédit International avec le grade de Directeur, rang le plus élevé dans la corporation bancaire. Il a largement contribué à son implantation et à son développement, en le dotant d’un portefeuille de clients courus par les principales banques de la place et il n’a jamais été pris à défaut grâce à sa bonne moralité. En aucun moment, durant son parcours professionnel de presque deux décennies, son appartenance politique n’a influé sur des décisions qu’il a eu à prendre ou des rapports entretenus vis-à-vis des employés ou des clients.
 
Blanchi par la justice dans l’affaire de la mairie de Ngoundiane à laquelle ses détracteurs tentent de s’accrocher pour avoir sa tête
 
Ne trouvant rien à reprocher au nouvel administrateur sur le plan professionnel, ses détracteurs au Cms fouillent dans sa gestion à la mairie de Ngoundiane, où ils tentent de remettre sur la table un problème de malversations financières. Pour rappel, en 2015, dans un dossier où les collecteurs des droits de stationnement ont été accusés de malversations financières, Mbaye Dione, en sa qualité de maire, a été inculpé et en son temps, beaucoup d’observateurs avaient qualifié ce dossier de cabale politique contre ce responsable de l’Afp, connu pour ses positions courageuses qui ont souvent dérangé, aussi bien dans son parti que dans la mouvance présidentielle. A l’arrivée, il avait bénéficié d’un non-lieu total prononcé sur cette affaire définitivement close par le Tribunal de Thiès depuis décembre 2017. «Nous serons d’ailleurs étonnés que le ministre de l’Économie, des Finances et du Plan  puisse dans ce contexte nommer à ce poste une personne sans faire une enquête de moralité», souligne une source au Cms. D’autres sources confirment qu’avant sa nomination, Mbaye Dione a bel et bien fait l’objet d’une enquête de la part des services compétents de l’Etat. Et s’il est porté à la tête de la boîte, c’est parce qu’il a suffisamment de métier et les valeurs pour «relancer le Cms, rassurer  et remotiver la majorité du personnel». Ce qui est d’autant plus important que la société financière est aujourd’hui larguée par la concurrence.
 
Le Cms perd de plus en plus la confiance des déposants, des organes de contrôle et à l’interne, une bonne partie du personnel est démotivée
 
La succession des administrations provisoires, avec de résultats mitigés, a eu pour conséquence la détérioration de l’image de la boite, jadis fleuron du secteur de la microfinance. Le Cms, qui perd de plus en plus la confiance d’une part des déposants ou sociétaires qui en sont par ailleurs les principaux actionnaires et, d’autre part, celle des partenaires financiers dont les bailleurs et les organes de régulation de l’Espace monétaire. Au niveau interne, les investigations ont permis de constater une démotivation du personnel, dont beaucoup ont perdu des avantages sociaux et ont vu leur plan de carrière compromis. Au Cms, le laxisme, sur fond d’absences et de retards répétés de la plupart des agents, dont principalement des cadres qui doivent donner le bon exemple, pour un meilleur fonctionnement de la structure. Une structure qui peine à retrouver la rentabilité équivalente à ses ressources chiffrées à plus de 150 milliards de dépôts.
«Au moment où la concurrence est en train de se déployer sur ce marché très porteur, avec beaucoup de niches non encore exploitées, le Cms, sans aucune initiative depuis plus de deux ans, marche à reculons», conclut notre source. Qui explique cela par le fait que «les deux derniers administrateurs nommés, M. Mamadou Ndiaye, actuellement à la Commission bancaire et son successeur, l’actuel administrateur provisoire M. Aliou Ndiaye, sont tous des fonctionnaires du Ministère des Finances, sans grande expérience bancaire». C’est pourquoi, dit-il, «l’arrivée de Mbaye Dione, avec une expérience bancaire de près de 20 ans, peut être un grand bien pour la boîte».
Mercredi 19 Décembre 2018
Les Échos




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