Revenus pétroliers et gaziers : la semonce du Ghana


Étranglé financièrement, le gouvernement du Ghana prévoit de payer les importations essentielles du pays  en or, au lieu des dollars US, à partir de  2023. La banque centrale du pays ne peut plus garantir la convertibilité de la monnaie locale vis-à-vis du billet vert.

 L’effondrement de la devise nationale, le CEDI, depuis le début de l’année, et la diminution de ses réserves de change ne permettent plus au Ghana de faire faces  aux paiements  de sa dette extérieure estimée à presque 50 milliards de dollars US – 35 000 milliards de F cfa -  le Ghana est au bord du gouffre financier et  économique, l’état presque est en faillite.

A accra, on n’est très loin  de l’eldorado tant rêvé, ceux qui affirmaient que la Gold Coast serait  le KOWEIT de l’Afrique déchantent, dans l’urgence absolu  Le gouvernement d’Accra et le FMI  ont signé   un accord  d’ajustement budgétaire drastique qui peut  être  douloureux  pour les populations du pays appauvries et presque affamées par une inflation de plus de 40% en Octobre.
 
Or il  y’a juste 10 ans on n’entendait à Accra la même symphonie que l’on fredonne aujourd’hui à Dakar pour accueillir les premiers barils de pétrole du projet Sangomar en 2023.  

Les premiers gisements offshore ont été découverts en 2007, le Ghana  est devenu producteur de pétrole en 2010, ce qui a dopé  la  croissance économique du pays. Les réserves du pays  estimées entre cinq et sept milliards de barils avec  le plus grand gisement de pétrole du pays JUBILEE estimé à 1,2 milliard de barils de brut. A coté il y’a  le bloc RTE constitué de trois champs avec des réserves de 240 millions de barils de pétrole. Les deux gisements sont exploités par le britannique  Tullow Oil qui y extrait  145 600 barils par jour – c'est-à-dire plus que devrait produite  Sangomar – ici  au Sénégal qui sera à 100 000 barils / jour en 2023.   
 
Avec cette manne, le pays enregistre un taux de croissance record de 15% en 2011 soit  un an  après  les premiers barils, le trésor public ghanéen  reçoit son premier cheque de 2 milliards de dollars US de recettes,  ainsi  l’ivresse s’empara du pays.  Les autorités  gonflent  les dépenses budgétaires en augmentant notamment les salaires des fonctionnaires. Ensuite c’est  les eurobonds sur les marchés  financiers  de la dette qui se  succèdent ainsi le Ghana est  le premier en Afrique subsaharienne à lancer un emprunt obligataire international de 750 millions de dollars (520 millions d’euros) en 2007, avant de récidiver en 2013 pour un montant de 1 milliard de dollars – avec la Chine pour financer routes et ponts.
 
Sans stratégie de transformation de son économie et de gouvernance solide, le Ghana - pourtant une démocratie crédible  - dilapide ses ressources gazières et pétrolières dans la masse salariale des 600 000 fonctionnaires, le service de la dette, et les subventions non ciblées  sur les denrées de premières nécessité et produits pétroliers pour les populations. Le pays   vit alors  au-dessus de ses moyens.

 Accra  resta sourd aux semonces et avertissements du FMI et se permit  même de toiser  les autres pays africains en voulant s’affranchir de la tutelle de Bretton Woods.  « Ghana Beyond Aid » était l’un des piliers de la rhétorique électorale de Nana Akufo-Addo, qui en avait fait l’emblème de la souveraineté nationale.   Ayant accédé au rang de pays à revenu intermédiaire en 2010, le Ghana a vu le montant de l’aide au développement dont il bénéficiait diminuer significativement. Il n’était plus sous la tutelle des institutions de Bretton Woods, dont les remèdes ont souvent été jugés trop contraignants, voire néfastes pour les couches sociales les plus vulnérables.

Malheureusement pour le Ghana, les déficits budgétaires  s’accumulent , l’inflation incontrôlée grâce aux surchauffes provoquées par les recettes pétrolières ,   la  chute drastique des productions de brut dans le champ offshore JUBILEE  et une crise énergétique  à partir de 2016 ont exposé et mis à nu toutes les faiblesses structurelles de l’économie  du pays, la Covid 19 et le taux de change de change faible du Cedi – monnaie locale – par rapport au dollars US précipiteront le pays dans une crise économique et sociale sans précédent.  

Étant parmi les dix économies africaines à la croissance la plus rapide depuis 2017,  la chute des prix du pétrole et la pandémie de Covid-19  affectent la croissance du PIB ghanéen  qui passe  de 6,5 % en 2019 à 0,4 % en 2020. L’or, le cacao n’y feront rien, la récession économique mine le Ghana.

Le Sénégal n’a pas les mêmes fondamentaux économiques que le Ghana, la production agricole du Ghana et sa faible dépendance de l’extérieur pour sa nourriture contrastent avec le SENEGAL trop dépendant de l’extérieur.

Cependant la trajectoire pétrolière et gazière du Ghana montre cette face hideuse et même ruineuse de l’extrême dépendance de nos pays aux recettes d’exportation dans une économie mondiale libéralisée faites de chocs brusques et imprévisibles. 

 Qui ose dire  MALÉDICTION…………………… oiseau de mauvaise augure tais –toi.
 
                                                                                  Moustapha DIAKHATE
                                                                                  Ex Cons. Spécial Primature
                                                                                   Consultant et Expert Infrastructure
Jeudi 29 Décembre 2022
Dakaractu




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