Porte-parole et homme de parole : Sy Al Amine m’était conté …


Au Sénégal, pays, majoritairement musulman et dirigé pendant deux décennies après son accession à la souveraineté internationale par un chrétien, le pouvoir spirituel a toujours su garder les meilleures relations avec le pouvoir temporel. C’est grâce à cette osmose que la démocratie sénégalaise, qui est sortie indemne des « crises d’adolescence » ayant affecté d’autres pays sous nos tropiques,  est l’une des plus convoitées en Afrique. Nous devons à la vérité de préciser que si tout cela est possible, c’est parce que dans les grandes familles religieuses, il  y a des intellectuels très avertis des contingences du temporel et qui ont joué un rôle décisif aux côtés des hommes d’Etat pour les aider à surmonter les turbulences de l’Histoire. Cette interférence doit être perçue moins comme un parti-pris intéressé qu’une manière de se poser en tampon entre des élites occidentalisées et un peuple très porté sur ses valeurs traditionnelles pour établir une sainte synthèse. Au lendemain de l’adoption du code consensuel de 1992, qui a installé la démocratie sur des fondations solides, les religieux sont devenus plus équilibristes, en renonçant à donner des consignes de vote pour être les apôtres du dialogue politique. Serigne Abdou Aziz Sy Al Amine, qui a été, sans intermède, le porte-parole de trois khalifes généraux de l’illustre famille Sy, est de ces régulateurs. 
Au plus fort de la crise entre le pape du Sopi et Idrissa Seck en 2006, c’est Al Amine qui a pris son bâton de pèlerin pour arrondir les angles entre les deux hommes politiques. 
On retiendra aussi de son passage terrestre l’image du patriarche qui, un jour d’agitation politique à la veille de la présidentielle de 2012, a prononcé un discours de vérité à Dakar, alors que des disciples voulaient manifester contre le troisième mandat du président Abdoulaye Wade. Ce jour-là, le spectre des manifestations de février 1994 qui avaient débouché sur la mort de quatre policiers, avait plané sur la capitale. Il a eu la même attitude en 2010, quand l’opposition et le pouvoir ont failli s’affronter en pleine polémique autour du Monument de la Renaissance.  
On lui prête d’avoir, à plusieurs reprises, intercédé auprès du Président Macky Sall en faveur de la libération de Karim Wade.
« J’ai téléphoné au chef de l’Etat pour lui demander d’accorder le pardon à Khalifa Sall. Khalifa est des nôtres. J’ai dit à Macky Sall de le libérer, rien que pour le nom de Khalifa qu’il porte. Il est l’homonyme de mon père Babacar Sy », a-t-il récemment déclaré, au sujet de l’emprisonnement du maire de Dakar qui défraie la chronique depuis quelque temps.
Il allie la sagesse de son homonyme Serigne Abdou Aziz Sy Dabakh et la culture vaste générale de son grand-frère Serigne Cheikh Tidiane Sy Al Makhtoum, qui a beaucoup contribué à lui doter d’une bonne appréhension de la chose politique et des grands enjeux géostratégiques.  
Serigne Abdou aziz Sy a, en outre, aidé à désamorcer la bombe sociale quand le bras de fer entre les syndicats d’enseignants et le gouvernement a failli reproduire le scénario de 1987, quand des milliers de policiers étaient radiés du fichier sous le régime de Abdou Diouf.
En définitive, par sa neutralité pédagogique, le khalife général de Tidianes a tracé une voie. Il a démontré que le religieux ne doit ni trop s’approcher du temporel, ni trop s’en écarter : il doit être au centre pour mieux être au cœur des évènements politiques.  
Vendredi 22 Septembre 2017




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