NOUAKCHOTT - Panel sur L’Ecole Traditionnelle, rempart contre le terrorisme / Cheikh Abdoul Ahad Mbacké Gaïndé Fatma prononce le discours inaugural


Invité par Cheikh Abdallah Bin Bayyah à la Conférence Africaine pour la Paix de Nouakchott, Cheikh Abdoul Ahad Gaïndé Fatma a prononcé le discours inaugural du thème : L’Ecole traditionnelle, Un rempart contre l’extrémisme, la violence et l’intolérance.
 
 
Dakaractu vous propose in-extenso l’intégralité de ce discours.
 
 
 
 بسم الله الرحمن الرحيم الحمد لله رب العلمين والصلاة والسلام على رسول الله وعلى آله وصحبه ومَنْ وَالَاه  
 
 
 Son Éminence Cheikh Abdallah Bin Bayyah, Président du Forum de Abu Dhabi et de la Conférence de Nouakchott 
 
Messieurs les ministres, Chers Ulémas,  Eminents chercheurs et participants, 
 
Mesdames et messieurs les honorables invités, en vos rangs, titres et qualités respectifs ;   السلام عليكم ورحمة الله تعالى وبركاته  
 
 Monsieur le Président, 
 
Permettez-moi, tout d’abord, de magnifier cette rencontre de haute facture, sur la paix ; un sujet d’une brulante actualité qui nous interpelle tous. Nous vous adressons tous nos remerciements pour l’hospitalité que nous offre votre si beau pays ainsi que l’opportunité de débattre sur ce thème, ô combien important. Nos chaleureux remerciements vont également à l’endroit de son éminence Cheikh Abdallah Bin Byyah dont l’engagement exemplaire pour la paix est connu de tous. Cheikh Abdallah , votre dévouement pour un monde de paix vous honore et contribue à son renforcement. Les excellents résultats ainsi que les succès obtenus en constituent une parfaite illustration. Vous menez des actions salutaires que nous apprécions tous à sa juste valeur.  
 
Chers participants, Au début était le verbe. ce verbe impératif de la révélation divine : « Iqra’ » : « lis ». La lecture est, ainsi, une obligation islamique et une condition sine qua none de l’émergence et du développement d’une société. Le Prophète (Paix et salut sur lui) dit : « Ce qui soigne l’ignorance,  c’est l’interrogation. », Allah rappelle aux arabes à l’époque analphabètes, et par-delà, à tous les musulmans, la mission prophétique en ces termes : « C’est Lui qui vous a envoyé chez les illettrés un messager des leurs qui leur récite Ses versets, les purifie et leur enseigne le Livre et la sagesse ; quand même qu’ils fussent, auparavant, dans un égarement manifeste ». [Sourate Jum’ah (62), verset 2].  
 
En raisonnant par analogie, nous pourrons dire que le verset précédent présente l’enseignement comme le soubassement, le pilier et la toiture de l’édifice musulmane. Le premier rôle du Messager d’Allah (Qu’Allah lui accorde salut et bénédiction) mis en lumière par ce verset est l’enseignement du Coran, la transmission du message divin tel qu’il lui a été révélé : « qui leur récite Ses versets ». Cette mission primordiale est perpétuée à travers l’histoire islamique par les écoles coraniques, sous différentes appellations. Au Sénégal, par exemple, on les appelle Daara. Le second rôle exprimé est la purification . Le Prophète (Paix et salut sur lui) est l’éducateur par excellence et le modèle en la matière, et on en a pour preuves les traditions prophétiques bien conservées et transmises par les compilateurs des hadiths ainsi que les chroniqueurs et les hagiographes. Le troisième et dernier rôle selon ce verset est l’enseignement et la sagesse : « leur enseigne le Livre et la sagesse » qui transcende les deux précédents. Car, il requiert d’inculquer aux fidèles les valeurs subliminales et le code de conduite qui leur permet de contribuer, activement, à la construction de l’édifice national. 
 
 
Sans oublier les obligations divines dont ils doivent s’acquitter convenablement! ces rôles-là furent mis en application par le Messager de la Miséricorde (Paix et salut sur lui), et après lui ses successeurs bien guidés et tous les rénovateurs et vertueux. De la famille jusqu’à l’État central, en passant par les institutions scolaires et les collectivités locales. Ainsi, la mission universelle de l’Islam qui s’intéresse à l’humanité tout-entière tend à accorder le bien-être et la béatitude à tout un chacun, individuellement et collectivement. Dans la société sénégalaise, toutes ces trois valeurs restèrent, presque durant des siècles , l’apanage des daara (école traditionnelle). L’Islam dans les sociétés africaines au sud du Sahara, fut à ses débuts, un Islam de cours, réservé aux élites. Cet état de fait n’était absolument pas, contre la logique si l’on analyse les structures sociales africaines et les conjonctures d’antan pour en appréhender les causes. En effet il existait pour les dirigeants un besoin pressant de trouver un instituteur, un interprète, un négociant, un scripte, un missionnaire, etc... Les souverains trouvaient toutes ces fonctions chez les maîtres qui enseignaient la religion musulmane. C’était une nécessité et un prestige à la fois. 
 
 Dès l’introduction de l’Islam et l’enracinement de ses valeurs dans la communauté où il s’implante, cette religion donna naissance à la paix, à la stabilité et à la cohésion sociale, au culte de travail, grâce au Daara qui fut complexe scolaire et éducatif et école de la vie à la fois. Les Daara du Sénégal seront renforcés avec les confréries. Les foyers de Pire, du Fouta, de Kaolack, de Tivaouane, de Touba, et tant d’autres ont réussi à raffermir les liens de fraternité et de cordialité, par le savoir. 
 
 En bon stratège,  l’enseignant sollicitait du souverain l’octroi d’un vaste terrain loin des agglomérations, servant à l’érection de son sanctuaire et à l’implantation de ses champs de culture. L’emplacement à lui seul fut d’une méthodologie inégalable. Car, sa mission de mortification d’âme était impossible dans des endroits proches des centres urbains marqués par le paganisme. Dans ces institutions de savoir, l’apprenti subit une formation professionnelle, une privation bien réfléchie ainsi que les exigences de la Takhliyah (le fait de se départir de ses tares et vices). Ce qui lui valait de vastes compétences intellectuelles et morales dont la sauvegarde du très principe de l’égalité humaine, tel qu’établi par le saint Coran. Il va de soi que l’humilité du sortant de ces universités est telle qu’il ne regardait personne de haut car, son identité est forgée dans le respect de l’humain, de la différence et de l’acquisition de la sagesse divine. Dès que l’érudition est attestée, l’individu concerné est pris pour référence et pourra demander en mariage toute femme de n'importe quelle tribu, couche ou classe sociale. C’est là, l’origine du brassage dans le cadre des alliances de mariage qu’ils scellaient, entre autres, avec les princesses et les personnes issues des classes qu’on estimait inférieures. 
 
Après les études, la réussite des anciens du Daara devenait facile. Dans tous les domaines, ils excellent notablement. Dans le commerce, dans l’administration, en peu partout. Les savants furent, par ailleurs, des refuges pour les opprimés, les étrangers et les pauvres. Mieux, ils excellaient en conseillers aux souverains, dans toutes les circonstances. Cela a pu prévenir des conflits, des projets d’émeutes et des tensions qui auraient pu faire basculer notre cher pays. À titre d’exemple, le royaume du Cap-vert qui protégeait les missions chrétiennes contre la tentative de capture que menèrent les troupes du Damel Roi de Kayor parce que, estimaient-ils que ces personnes adeptes de la Chrétienté etaient leurs hôtes qu’ils devaient protéger de la même façon qu’ils l’auraient fait pour leurs femmes et enfants, suivant les enseignements islamiques. Les écoles traditionnelles jouèrent ce rôle inclusif et universitaire durant des siècles, comme nous venons de constater.  
 
 
Éminents participants, 
 
 L’évolution du monde est marquée à notre époque par un contexte nouveau avec des menaces diffuses, multiformes et insidieuses. Il apparaît ainsi qu’une adaptation des structures traditionnelles est devenue une nécessité vitale pour la protection de nos sociétés contre les violences, l’intolérance et l’extrémisme. Elles ont toujours fait preuve d’une résilience parfaite malgré des moyens modestes. Pour réussir cela,  elles se sont toujours appuyées sur leurs principales forces qui constituent les leviers de leurs succès. Pour continuer à être un rempart contre l’extrémisme, l’enseignement traditionnel doit: 
 
 • 1 - d’abord continuer à réaffirmer son ancrage dans son environnement propre. L’ancrage dans le milieu confère à l’apprenant une personnalité authentique à même de résister aux influences néfastes venues de l’extérieur.
 
 • 2-  L’enseignement doit aussi être de qualité pour une bonne maitrise des préceptes islamiques. Cette maitrise permet d’éviter les mauvaises interprétations du message qui mènent à l’intolérance. Ce point pose aussi le problème de la formation et de la qualité des enseignants.
 
 • 3 - L’enseignement traditionnel doit aussi utiliser les outils pédagogiques les plus performants pour permettre aux fidèles de mieux appréhender les enjeux et de comprendre les stratégies développées par les extrémistes.
 
 • 4 - Cet enseignement doit aujourd’hui intégrer les volets de la formation professionnelle pour offrir des débouchés aux apprenants. Nous savons que le manque de qualifications et la pauvreté constituent un terreau fertile bien exploité par les extrémistes. 
 
 • 5 - Les états et la Umma de manière générale doivent aussi mieux prendre en charge les préoccupations de l’enseignement traditionnelle avec un appui conséquent à la hauteur de son apport à l’épanouissement du citoyen et par delà de la société dont il contribue à l’équilibre.
 
 • 6 - Nous pensons également qu’il est important d’établir des passerelles fluides pour permettre aux apprenants issus de l’enseignement traditionnel d’intégrer le cursus moderne avec facilité et sans préjudice.
 
 • 7-  Il convient par ailleurs d’éviter toutes formes de marginalisation en offrant aux citoyens issus de l’enseignement traditionnel les mêmes possibilités d’insertion que ceux issus des écoles modernes.
 
 • 8-  Une politique équitable et inclusive doit être de mise à l’égard des écoles traditionnelles. Par exemple au Sénégal , l’Etat a décidé d’octroyer 20% du budget aux écoles traditionnelles parce qu’elles constituent 20% des effectifs.
 
 • 9-  il convient par ailleurs de préserver les qualités intrinsèques de l’enseignement traditionnel. Contrairement à l’enseignement moderne qui se limite le plus souvent à l’instruction , l’enseignement traditionnel s’attelle à éduquer un citoyen capable de perpétuer et d’incarner les valeurs prophétiques en suivant son modèle. Il se présente ainsi comme un enseignement basé autant sur l’instruction que sur L’education. L’accent est mis sur l’acquisition du savoir mais aussi sur celle des valeurs positives et celle d’habiletés sociales de savoir vivre et de savoir être. C’est un enseignement plus complet et mieux adapté à L’environnement de l’apprenant. • • •
 
Nous avons là quelques pistes de réflexion, non exhaustives, qui sont à même de permettre à l’enseignement traditionnel de continuer à jouer son rôle de rempart contre l’extrémisme et l’intolérance au grand bonheur de nos sociétés et de l’Islam.
 
 
 Monsieur le Président, 
 
Nous ne saurions terminer sans saluer les efforts inlassables du gouvernement de la République sœur de Mauritanie et son leadership éclairé et reconnu partout dans le monde pour la prévention, la résolution et le maintien de la paix dans toutes les régions.   Nous réitérons nos remerciements les plus sincère à Son Excellence, Monsieur Mouhamed Ould Cheikh Al Ghazouani, aux autorités mauritaniennes, ainsi qu’à tous les participants. Enfin toute notre gratitudes à l’endroit de Cheikh Abdallah Bin Bayya  et à toute l’équipe qui l’accompagne pour l’organisation de ce forum scientifique sur la paix. Qu’ils en soient remerciés. Et qu’Allah les rétribue !   والسلام عليكم ورحمة الله تعالى وبركاته   
 
 
Cheikh Abdoul Ahad MBACKÉ Ministre, Conseiller.
Mercredi 10 Janvier 2024
Amadou Moustapha Mbaye




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