[ Focus] Meurtres avec barbarie à gogo : Quand la cruauté des faits installe la psychose


Le sang coule à flots dans ce pays depuis un certain temps. La violence est inouïe. En l’espace d’une semaine trois meurtres sont commis entre Dakar et Thiès. Et de quelle manière? Les crimes sont commis avec des armes blanches et une barbarie inhumaine.  Les verbes tuer, égorger sont devenus le quotidien des sénégalais ces derniers jours. Ce phénomène prend de l’ampleur.

Le lundi 22 janvier 2024, Abdou Diaw avait été égorgé à la SOGAS par son collègue Abdou Mbaye, arrêté le même jour à Nguekhokh. Un double drame s'est produit à Thiaroye sur mer ou deux pêcheurs ont trouvé la mort. L’un nommé Baye Cheikh venant de la localité de Fass Boye a poignardé au cou un autre pêcheur du nom de Baye Cheikh Diop âgé de 18 ans avant de lui trancher la gorge avec un couteau sur le rivage devant chez lui. Mais, il a été sauvagement pris à partie, puis battu à mort par la foule. Alors qu’on n’a pas fini d'en parler, un autre drame survient à Thiès, particulièrement dans la commune Nord. Le vieux vigile Assane Diop âgé de 65 ans a été égorgé de la plus atroce des manières. 

Outre cette affaire, à Touba un enfant a échappé de justesse à son bourreau qui a failli l’égorger vendredi dernier. Heureusement que le petit âgé de 6 ans s’est finalement sauvé, mais hospitalisé à l’hôpital Matlaboul Fawzeyni.

La peur bleue chez les  populations...

Face à cette situation, certains sénégalais croisés dans la rue ont leur mot à dire. Mame Diarra Ndiaye, une jeune fille habitant dans la banlieue dakaroise dénonce l’insécurité qui règne dans le pays. D’après elle, même si les gens sont tolérants, il faut souligner l’instabilité du pays, surtout en cette veille de campagne électorale « Je suis très choqué par ce qui se passe actuellement. Vraiment, c’est triste car je n'arrive pas à comprendre le comportement de certains gens. Comment une personne peut-elle égorger son prochain ? C'est horrible ! De tels actes méritent une sanction sévère. Si on appliquait la charia qui recommande l’application de la loi du talion, il n’y aurait plus de meurtres». 

Abondant dans le même sens, Ramatoulaye s’indigne sur de tels crimes. Elle convoque aussi la même chose avant d’alerter également sur le cas des enfants qui sont souvent la cible à chaque élection. « C’est une chose que je déplore vraiment et que je condamne vivement. Les autorités doivent assurer la sécurité des citoyens mais ils ne sont intéressés que par la politique. Et pourtant, s’il s’agit d’un politicien qui sème le désordre, il sort leur dispositif sécuritaire. Mais pourquoi ne pas faire de sorte pour assurer la sécurité des populations », s’est-elle interrogée.

"C'est la frustration qui crée la violence" sociologue 

Le Sénégal n’est pas un pays criminogène mais devient un pays de violence. C’est l’avis du sociologue, Dr Abdourahmane Kane qui analyse ce fleau en partant d’un fait isolé sous l’angle holistique.

Selon le spécialiste des faits sociaux, il convient d'abord de faire la différence entre le crime et la violence car la violence appelle certes le crime mais la violence ce n’est pas le crime. Du point de vue criminologique, le Sénégal n’a pas un taux de crime élevé mais du point de vue de la violence par contre sociologiquement, c’est un phénomène aujourd’hui qui est devenu un fait social à analyser et à canaliser. Et, justement c’est cette violence-là qui va se transformer pour donner ce résultat. Parce que dit-il, le crime en réalité « c’est le résultat d’une violence latente qui a perduré, qui s’est installé et qui a fini par donner des fruits, c’est -à-dire des crimes ». 

De surcroît, il estime que l’évolution extraordinaire de la violence au Sénégal (violence verbale et violence physique » découle d’abord d’une violence verbale négligée dès les premiers stades de la pyramide à tel point que cela conduit à
des crimes de barbarie sans nom. Parce que tout simplement, « nous sommes une société tellement orale que tout ce qu’on dit qui est parole, on dit ce n’est pas grave. 
Alors que c’est la parole aujourd’hui qui donne la frustration, c’est la frustration qui crée la violence et c’est la violence qui crée le crime », a-t-il soutenu.

 Hormis ses causes, la drogue et l’alcool sont aussi des substances qui  ont tendance à changer le tempérament et poussent la personne à agir sous l’emprise des substances alcooliques en commettant des délits.

Les facteurs déclenchants...

Pour le psychologue Ousmane Ndiaye il y’a beaucoup de facteurs qui sont  la source de cette serie de meurtres en un laps de temps. Ce dernier fait le rapprochement entre le climat social et politique depuis quelques années. D’abord, il y a le lien entre le climat socio-politique très dégradé et cette recrudescence de meurtres. Si l’on regarde la catégorie sociale à laquelle appartiennent ces meurtriers, on se pose effectivement beaucoup de questions dont le lien qui existe entre la catégorie sociale pauvre, analphabète dans un environnement de promiscuité comme à Dakar. Autant de facteurs qui, dit-il, peuvent contribuer à ce qu’il y ait de plus en plus d’actes violents parce que le climat lui-même est violent.  En effet, le chômage, le manque de ressource, la jalousie, la vengeance, la pression sociale et économique de l’environnement d’une personne sont les causes directes qui peuvent perturber énormément notre société. A l’image de ce qui s’est passé à la SOGAS, le docteur suppute une vengeance à l’endroit d’un ami qui a "peut-être touché à sa femme ».

 A ce stade, il estime que l’homme ne dort plus (insomnie, perte d’appétit, dépression) dans sa tête et qui, à la fin des fins ne voit que le meurtre comme moyen de satisfaire son envie de vengeance. Dans ce cas, la personne mûrit son projet, le couvre et finit par prendre le dessus en usant de l’outil qui est à sa portée dont le couteau. Bref, les instincts animaux de l’être humain se réveillent pour commettre un crime passionnel. Une fois l'acte posé, trois cas s’imposent au meurtrier. S’il est arrêté immédiatement, les lois s’appliquent, s’il est arrêté par la foule, la foule se fait justice (voir le cas à Thiaroye) et s’il fuit, il a peur, il est dans un état particulièrement ahurissant, il cherche à s’échapper, c’est un animal qui cherche une échappatoire, parfois un animal dangereux car il veut survivre. Dans ce cas, il a également l’esprit vif, le regard fuyant, avant de mettre en place un stratagème pour échapper à la société. De ce fait, il s’isole par rapport à la société mais il s’isole aussi dans sa tête à partir d’un bon argumentaire construit comme un bon avocat afin d’essayer de se déculpabiliser. Or, le sentiment de culpabilité est très fort car partout où il sera, il pensera à ce qu’il a fait et se sentira toujours coupable au point d’avouer à quelqu’un qui le dénoncera son forfait. 

Sur le plan culturel, il y a des meurtres rituels qui le plus souvent sont commis à l’occasion d’un événement. Dans ce cas de figure, un individu peut se rendre chez un marabout ou féticheur qui lui recommande d’apporter un organe humain (cœur, nez, yeux…). Et, l’individu passe par un assassinat rituel, culturel dans le but d’obtenir des faveurs comme la recherche de privilège, un poste de positionnement etc… 

"L’application de la loi du talion comme alternative dans le saint coran" (Islam)

A côté de ses interprétations, le meurtre est aussi banni (dafa Kharam) par l’islam si l’on se réfère à Oustaz Mohamad Lamine Diop interrogé par Dakaractu. 
Dans le saint coran, il estime que la place qu’Allah SWT réserve à un meurtrier est l’enfer car la vie humaine est sacrée. Autre chose, le meurtrier n’hérite pas son prochain. Selon lui, la croyance, l’altruisme et l’entente sont relégués au second plan. L’application de la loi du talion comme recommandée dans le Coran ,est la seule alternative pour freiner ce que Oustaz appelle une barbarie sans nom.

Ainsi, il préconise le retour à l’enseignement islamique et l’éducation de base qui sont d’une importance capitale chez une personne. En attendant, il faut noter que notre pays à l’image de plusieurs pays du monde a aboli la peine de la mort. A noter que certains pensent que la faire revenir serait la solution, les organisations de droits de l’homme ne veulent pas en entendre parler…Et en attendant  de trouver une solution plus adéquate à ce fleau de meurtre barbare, le sang continue de couler...
Samedi 3 Février 2024
Dieynaba Agne




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