En Afrique du Sud, des législatives à haut risque pour l'ANC


L'Afrique du Sud votait mercredi pour élire un nouveau Parlement, un scrutin plus imprévisible que jamais où l'ANC au pouvoir depuis 30 ans pourrait perdre pour la première fois sa majorité absolue.

Après avoir voté dans la matinée à Soweto, le président Cyril Ramaphosa, 71 ans, a assuré une nouvelle fois qu'il n'avait "aucun doute" sur une victoire de son parti du Congrès national africain (ANC).

Le chef du premier parti d'opposition (DA), John Steenshuisen, a en revanche affirmé qu'"aucun parti" n'obtiendrait de majorité absolue, allusion claire à l'ANC. Le pays, pour la première fois depuis l'avènement de la démocratie, a enfin "l'opportunité de changer", a-t-il ajouté.

Quelque 27,6 millions d'inscrits doivent choisir parmi une cinquantaine de listes, à la proportionnelle, pour élire 400 députés ainsi que les assemblées des neuf provinces du pays.

Les bureaux resteront ouverts jusqu'à 21 heures (19H00 GMT) et les résultats définitifs ne sont pas attendus avant le weekend. Le Parlement élira le prochain président courant juin.

A Soweto, township proche de Johannesburg et symbole de la lutte contre l'apartheid, les électeurs, emmitouflés dans des doudounes ou châles sur les épaules pour se défendre des morsures de l'hiver austral, se sont succédés dès le début de la matinée dans les bureaux de vote.

"Je me suis levée tôt pour voter pour le parti que j'aime, celui qui a fait de moi ce que je suis aujourd'hui", a déclaré à l'AFP Agnes Ngobeni, grand-mère de 76 ans, faisant peu de mystère de sa loyauté à l'égard de l'ANC. "Mon vote comptera encore aujourd'hui".

"Je veux du changement. Cela fait longtemps qu'on l'attend", confie Danveries Mabasa, 41 ans et sans emploi. "On n'a pas de boulot, pas d'eau, rien ne fonctionne".

L'ANC, "on vote pour eux mais ils ne font rien pour nous", râle aussi Jeffrey Benzane 75 ans, qui se détourne pour la première fois du parti de Nelson Mandela.

A Nkandla, en pays zoulou (Est), Nokuthobeka Ngcobo, 26 ans, a voté avec enthousiasme pour le petit parti mené par l'ancien président Jacob Zuma, convaincue qu'il peut "changer les choses"".

Dumisani Khanyile, la vingtaine, vote pour la première fois. "J'espère vraiment que les gens pour qui nous votons ne nous prendront pas pour des imbéciles" et aideront à "aplanir nos difficultés". Il repart fier, le pouce teinté d'encre indélébile, un dispositif qui vise à éviter la fraude.

- Fin de l'hégémonie de l'ANC -
Ce scrutin constitue "un tournant dans l'histoire politique du pays", estime Aleix Montana, du cabinet de conseil en évaluation des risques Verisk Maplecroft.

C'est aussi "sans aucun doute le plus imprévisible depuis 1994", relève l'analyste politique Daniel Silke.

En raison d'une désillusion croissante à l'égard de l'ANC, liée au chômage endémique, à la pauvreté, la corruption, aux pénuries d'eau et d'électricité, le parti dominant doit se préparer à "un résultat potentiellement inférieur à 50%".

Si ce scénario était confirmé, il devra former une coalition pour se maintenir au pouvoir. La nature des ces alliances, plutôt vers le centre libéral ou sur sa gauche, déterminera "l'orientation future de l'Afrique du Sud".

Si le score de l'ANC est meilleur qu'annoncé, à savoir juste en dessous des 50%, il lui suffira alors de quelques parlementaires issus de petits partis pour maintenir sa ligne générale.

La participation a régulièrement baissé au fil des quinquennats, passant de 89% en 1999 à 66% aux dernières élections en 2019.

En raison d'une opposition morcelée, l'ANC devrait demeurer le premier parti au Parlement, où il compte actuellement 230 sur 400 députés.

Mais sa "puissance" liée à son aura d'ancien mouvement de libération, qui a sorti le pays des griffes de l'apartheid, s'affaiblit. "Cela crée bien sûr des opportunités" pour le pays, relève encore M. Silke, "mais dans l'intervalle, cela promet un avenir immédiat instable et imprévisible".

L'Alliance démocratique (DA), qui promet de "sauver l'Afrique du Sud" et notamment son économie, pourrait rafler environ 25% des voix, estiment les sondages.

Mais la plus grande menace pour l'ANC pourrait provenir du petit parti (MK) mené par Jacob Zuma, qui pourrait séduire jusqu'à 14% des électeurs, capitalisant sur les déçus du parti au pouvoir.
Mercredi 29 Mai 2024
Dakaractu



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