Dialogue politique : AfrikaJom expose son caractère improductif dans la marche démocratique.


AfrikaJom Center a souligné le caractère souvent improductif de la longue tradition des dialogues politiques connus par le Sénégal. Dans son rapport publié au courant de ce mois de mai 2023 et intitulé « Le Sénégal, un modèle démocratique africain en déclin », l’organisation dirigée par Alioune Tine a analysé les péripéties liées au traditionnel dialogue non sans souligner également les rares exceptions réussies par la démarche.
 
« Le Sénégal reste la principale exception africaine aux discontinuités ethniques, religieuses, constitutionnelles et politiques, notamment sous la forme de coups d’État. Ceci est en partie imputable à une pratique des plus positives : le dialogue », a écrit AfrikaJom dans son rapport.
À en croire le think thank, en dehors du dialogue entre le parti au pouvoir et l’opposition, il y a eu régulièrement un dialogue au sein même de l’opposition. Ce dialogue entre les membres de l’opposition a conduit à de fortes alliances dont certaines ont été très fructueuses en ce qu’elles ont conduit à deux alternances présidentielles remarquables dans l’histoire du Sénégal en 2000 et en 2012.
 
Pour fonder son argumentaire, AfrikaJom a convoqué l’histoire. L’organisation non gouvernementale rappelle dans son rapport qu’un dialogue politique fut lancé le 28 mai 2016, au lendemain du référendum. Une partie de l’opposition s’y était alors engagée de bonne foi. Ce dialogue avait abouti très vite à la libération par grâce présidentielle de Karim Wade, fils et ancien ministre de l’ancien Président Abdoulaye Wade. Après les élections législatives du 30 juillet 2017, le régime refusa catégoriquement d’accéder à la requête de l’opposition de nommer un ministre de l’Intérieur non affilié à un parti.
 
Toujours selon le think thank, à l’entame de son deuxième mandat présidentiel, le Président Macky Sall a lancé un appel à un second dialogue politique, qu’il avait déjà émis le 28 mai 2019. Ce dialogue a pour objectif de faire face à la crise politique qui a suivi sa victoire aux élections controversées de février 2019 et à parvenir à un consensus sur les principaux problèmes du Sénégal. Malgré cette tradition, les dialogues précédents initiés par la première génération de politiciens dans les années 1960 et entretenus par la deuxième génération à partir des années 1990 n’ont souvent pas servi à grand-chose si ce n’est qu’à adoucir le climat politique sénégalais et permettre aux différents partis au pouvoir de museler l’opposition avec la promesse d’un gouvernement d’union nationale qui cache des pièges politiques. 
Pour Alioune Tine et ses camarades, cette tactique a créé un climat de méfiance entre l’opposition et le gouvernement et a aggravé les protestations politiques, notamment en ce qui concerne la présidence et les droits de l’opposition notamment de désamorcer la bombe politique et démocratique du troisième mandat et de l’éligibilité électorale et de lever les obstacles sur le droit à la participation politique : La loi sur le parrainage.
 
Le rapport d’AfrikaJom a insisté sur la loi relative au parrainage qui constitue, selon l’organisation, un frein à la démocratie participative.
 
À l’en croire, la loi sur le parrainage a créé une véritable hécatombe pour l’éligibilité de la majorité des candidats à la présidentielle de 2019. Sur vingt-sept (27) dossiers de candidature déposés devant le Conseil Constitutionnel, seuls cinq (5) ont été retenus dont celui du Président sortant. 
« Il s’agit d’une loi d’éviction qui porte atteinte au principe de libre participation aux élections et viole les droits civils et politiques des Sénégalais qui étaient en lice pour l’élection présidentielle de 2019 », déclare à Jeune Afrique Me Abdoulaye Tine, selon lequel, « l’encadrement d’un scrutin ne doit être ni arbitraire ni discriminatoire », rappelle le rapport. C’est dans cette continuité que Maître Abdoulaye Tine de l’Union Sociale Libérale (USL) avait introduit un recours devant la cour de justice de la Cedeao en 2018. La cour de la Cedeao se déclare compétente pour connaître ce litige et déclare la requête de l’USL recevable. Elle dit cependant que le code électoral sénégalais, tel que modifié par la loi 1102018-22 du 04 février 2018, viole le droit à la libre participation aux élections. Le 29 avril 2021, la Cour a ordonné à l’État du Sénégal de supprimer dans un délai de 6 mois, la loi portant sur le parrainage. Elle estime que cette loi porte atteinte au principe de la libre participation aux élections.
 
Autre entorse à la démocratie participative relevé par AfrikaJom dans son rapport constitue le suffrage universel. Cet exercice pose de plus en plus de problèmes au Sénégal dénote le document explicatif de l’organisation non gouvernementale.
 
« Le suffrage universel est le marqueur essentiel de la légitimité démocratique aujourd’hui. En dernière instance, c’est l’élection qui permet de départager les principaux protagonistes de l’arène politique, d’où l’intérêt majeur d’élections transparentes et honnêtes permettant d’arbitrer de façon juste et équitable les confrontations entre adversaires. Le Sénégal traverse, à l’heure actuelle, la crise démocratique la plus grave et la plus complexe, sans doute, de son histoire politique et de son histoire électorale depuis François Carpot et Blaise Diagne en 1914.
Cet arc de crise démocratique a formé un nœud politique complexe et particulièrement retors qui fait que l’éligibilité et le destin de certains candidats à la présidentielle dépendent exclusivement de la volonté du Président de la République. Pire, après avoir révisé la Constitution, avec l’article 27 « Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs », qu’il a initié et interprété pendant quatre (04) ans comme un verrou qui met définitivement un terme à toute possibilité de faire plus de deux mandats, après avoir dit et écrit que son second et dernier mandat se termine en 2024, il se met à hésiter et à envisager la possibilité d’un troisième mandat », a expliqué dans son rapport AfrikaJom Center...
Mercredi 17 Mai 2023
Dakaractu




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