[Reportage] Cas de mort subite sur les pelouses : Entre négligence étatique et précarité des clubs, les responsabilités partagées


Le monde du sport sénégalais est secoué ces derniers temps par des accidents mortels notés dans certaines localités du pays. Plusieurs décès ont été enregistrés, soulevant des inquiétudes chez les acteurs et les amateurs du ballon rond. À Guédiawaye, joueurs et coaches ont exprimé leur tourment face à cette situation.

Avec les cas de mort subite de joueurs notés ces derniers temps au Sénégal, la psychose s'est installée chez les acteurs et les amateurs du ballon rond. Le dernier cas en date remonte au week-end dernier lors du match Uso contre Oslo. Le capitaine de l’équipe de Ouakam, Fadiouf Ndiaye, a trépassé, alors que le joueur a participé à la première période de la rencontre. Pendant que ses coéquipiers continuaient la partie, il a piqué un malaise fatal dans les vestiaires. Le lendemain, un autre drame similaire s'est produit à Ziguinchor où un joueur s'est effondré, suite à un contact avec le gardien de l'équipe adverse et a perdu connaissance. Il a fini par rendre l'âme, après son évacuation à l'hôpital régional de Ziguinchor. En Avril dernier, Papi Goudiaby, joueur d’Avenir Foot avait succombé lors d'un match amical. Trois drames en l’espace de deux mois. Des tragédies qui relancent le débat sur l'accompagnement et l'assistance des joueurs sur les terrains.

Le stade de Ndiarème Limamoulaye, niché au cœur de la commune de Wakhinane Nimzatt, dans la ville de Guédiawaye, est une infrastructure sportive d'une capacité de 1500 places. Il est doté de deux tribunes et d’un périmètre gazonné pour permettre aux amateurs du foot de suivre les matches et aux joueurs d’exprimer leur talent. Ce stade est l'un des points de convergence de plusieurs clubs de la ville notamment Guédiawaye FC et d'autres écoles de foot qui y défilent à longueur de journée pour s'entraîner. Sous un soleil de plomb à 11 heures passées de 36 minutes, nous avons trouvé le club Jafas sur les lieux, de plain-pied dans les entraînements. 
 
L'équipe est répartie en deux groupes qui disposent chacun d’un ballon et d’un coach qui donne les instructions. Bocar Diouf et ses joueurs sont bien conscients du danger qu’ils courent. En effet, c’est sous une chaleur estivale que les jeunes se donnent à fond pour vivre leur passion du sport. À cela s’ajoute le manque de matériel sanitaire pour les premiers secours à accorder aux joueurs en cas d'incident.
 
 
Bocar Diouf affirme que la quasi-totalité des équipes et écoles de foot ne disposent ni de matériel ni de personnel de santé qualifiés, ne serait-ce que pour assurer les premiers soins en cas d'accident sur les pelouses. Le coach souligne que malgré cette situation, certains clubs tentent tant bien que mal de se débrouiller avec les moyens du bord, en essayant de mettre leurs joueurs dans de bonnes conditions, a l'image de Génération foot et Diambar. « La majeure partie des clubs ne sont intéressés que par les performances et résultats des joueurs, l'aspect sanitaire est souvent relégué au second plan » regrette l'entraîneur.
 
Sur cette lancée, il pointe du doigt la famille du joueur, qui selon lui « doit d'abord protéger le joueur en l'amenant chez le médecin pour un bilan sanitaire complet, parce que pour faire du sport, il faut être en bonne santé. Les familles n'attendent souvent que les retombées, leur seul souhait est de voir le joueur signer un contrat professionnel », a-t-il laissé entendre. Pour qu'un joueur évolue en championnat au Sénégal, son équipe doit présenter un certificat médical attestant que le joueur est apte. La question est de savoir sur quelle base délivre-t-on ces certificats ?  Les visites médicales sont-elles rigoureuses ? Pour répondre à ces questions, le coach n'y va pas par quatre chemins. À l’en croire, « la plupart de ces visites médicales se font par complaisance mettant en péril la vie des joueurs ». Le technicien pense que « la plupart des clubs qui évoluent dans le championnat Sénégalais, et ceux qui s'activent au plus bas niveau comme les écoles de foot baignent dans la précarité, c’est pour cette raison qu’ils sont dans l'incapacité d'acheter du matériel médical ou de solliciter les services d'un médecin de façon régulière. »
 
Dans la foulée, les acteurs du football demandent un accompagnement sur le plan sanitaire et un financement de la part des autorités étatiques en charge du sport pour éviter ces drames. Mais, à l'allure où vont les choses, l’État est laxiste, les clubs s'engouffrent dans la précarité, la santé des joueurs reléguée au second plan. C’est dire donc que, « c'est un cocktail explosif qui, si l'on n'y prend garde, continue à faire des dégâts », estime M. Diouf. Albert Sindao Mendy, joueur à Guédiawaye FC, qui évolue dans la petite catégorie, recommande à ses coéquipiers « d'avoir une bonne alimentation, de se faire consulter souvent par un médecin, d'éviter de s'entraîner sous le chaud soleil pour éviter ce genre d’accident. » Selon lui, « certains joueurs savent qu'ils traînent des maladies, mais s'obstinent à vouloir percer dans le football, ce qui peut être à l'origine de ces morts subites. » Il impute la responsabilité à l’État qui « doit jouer le rôle de veille et d'alerte », souligne-t-il.
 
D’ailleurs, souligne Bakary Camara, « À Guédiawaye FC, on dispose d'un défibrillateur pour faire les premiers soins en cas d'incident. » Il exhorte les joueurs et les entraîneurs à respecter la récupération. Ces acteurs du sport regrettent à l'unanimité ces drames et exigent plus de rigueur dans la délivrance des certificats médicaux, et plus d'accompagnement en matériel médical pour parer à toute éventualité.
Samedi 24 Mai 2025
Djibril Gaby Sakho (Stagiaire)



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