Macky, diplomatiquement ! (par Abdoulaye THIAM)


«Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années», Pierre Corneille
 
Abdoulaye Bathily, candidat à la présidence de la commission de l’Union africaine ! Déclaré forfait au moment de la clôture des candidatures pour succéder à la sud-africaine, Nkosazana Dlamini Zuma, le Représentant spécial du secrétaire général de l’ONU pour l’Afrique centrale, désigné facilitateur de la crise burundaise, au mois de juin dernier, se remet donc dans la course.
 
Une prouesse réussie par le président de la République du Sénégal, Macky Sall, qui, après avoir demandé, en vain, la suppression, à défaut, le report de l’élection, est parvenu, par un «blocage», à remettre les compteurs à zéro.
 
Pour ce faire, il fallait manœuvrer pour qu’aucun des trois candidats en lice, à savoir, le ministre équato-guinéen des Affaires étrangères, Agapito Mba Mokuy, son homologue botswanais Pelonomi Venson-Moitoi et l’ex-vice présidente de l’Ouganda Specioza Wandira-Kazibwe ne parvienne à obtenir les deux tiers des voix des quelques 54 délégations présentes au sommet de Kigali (Rwanda), lundi dernier.
Le suspense a duré toute la nuit du dimanche à lundi. Mais au finish, le scrutin a été reporté, jusqu’au mois de janvier 2017. Selon certaines indiscrétions, il y a eu 28 abstentions sur les 54 Etats membres de l’UA au dernier tour de scrutin.
 
Le Sénégal dispose désormais de six mois pour mener sa campagne devant propulser, l’ancien secrétaire général de Ligue démocratique à la tête de l’UA.
 
Même si rien n’est encore gagné d’avance surtout que le scénario arrange aussi la Tanzanie qui entend lancer dans la course, son ancien vice-président, Jakaya Kikwete, sans occulter, le Bissau-Guinéen, Carlos Lopez, secrétaire exécutif de la Commission économique de l’ONU pour l’Afrique, force est de reconnaître, le Sénégalais a des chances de passer.
 
Et pour cause, beaucoup de pays ouest-africains soutiennent Abdoulaye Bathily, qui pourrait aussi compter sur des pays de l’Afrique centrale où son travail est diversement apprécié.
 
L’expérience du Jallarbiste, qui a passé une trentaine d’années à la tête du LD/MPT devenue LD, sans occulter son rôle dans les deux alternances survenues au Sénégal le 19 mars 2000 et le 25 mars 2012 n’est pas non plus à occulter. Mêmes les sud-africains se souviennent de son arrestation le 22 août 1985, lors d’une marche anti-apartheid à Dakar pour le soutien à Nelson Mandela. 
 
C’est dire que Macky Sall dispose d’un candidat expérimenté, crédible et qui pourrait se propulser à la tête de l’UA au mois de janvier 2017.
 
Mais le Chef de l’Etat sénégalais n’est pas à son premier coup d’essai sur le plan diplomatique depuis qu’il a pris les rênes du pouvoir.
 
Tout récemment encore, certains ont cru qu’il allait subir les contrecoups de son prédécesseur, Abdoulaye Wade qui voulait imposer un turnover au sein des instances communautaires, en cédant à la pression du Niger à la tête de la Communion de l’UEMOA. Que nenni !
 
Macky Sall réussira à maintenir Cheikh Aguibou Soumaré dans ses fonctions, nonobstant un document écrit portant engagement du pape du Sopi, de céder le fauteuil à un nigérien.
 
Que dire également de la gestion des différentes humeurs de Yaya Jammeh ? Quand il a fallu taper sur la table, Macky Sall ne s’est pas privé de le faire publiquement. Comme ce fut le cas, lorsque le dictateur gambien a commencé à exécuter froidement nos concitoyens. Il avait ordonné à Abdoul Mbaye, alors Chef du gouvernement de convoquer, à une heure précise, l’ambassadeur de la Gambie à Dakar en précisant que si ce dernier arrivait avec une seule seconde de retard, qu’il quitte illico, le Sénégal.
Et quand Jammeh a voulu remettre en cause son engagement d’envoyer ses plénipotentiaires à Dakar dans l’affaire dite du blocus de la «transgambienne», Macky Sall est resté ferme en donnant des instructions au ministre des affaires étrangères, Mankeur Ndiaye. Sans piper le moindre mot alors que Yaya Jammeh a cherché par tous les moyens à le sortir de son silence bruissant de paroles.  
 
Que dire aussi de cette attitude diplomatique mais ferme devant l’homme le plus puissant au monde, Barack Obama, président des Etats-Unis, pour exprimer son refus de dépénaliser l’homosexualité.
 
Lundi dernier encore, on ne croyait Macky Sall capable de faire face à la puissance financière de Teodoro Obiang Nguema Mbasogo. L’homme fort de la Guinée Equatoriale, pays devenu la locomotive de l’Afrique centrale, a même réussi à mettre un terme à la domination du Gabon à la tête de la Communauté des États d’Afrique Centrale (CEMAC), en imposant un turnover pour le gouvernorat.
 
Seulement, cette fois, la diplomatie sénégalaise a encore prévalu. Et nonobstant l’âge politique de Macky Sall, il semble sur la bonne voie. Au moins, diplomatiquement.  
Abdoulaye THIAM
Mercredi 20 Juillet 2016
Dakar actu




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