Lettre ouverte à mon ami Eli Bentura, ambassadeur d’Israël au Sénégal.


Lettre ouverte à mon ami Eli Bentura, ambassadeur d’Israël au Sénégal.
Mon cher ami, merci pour les dattes en provenance d’Israël que tu me fais parvenir, comme à d’autres Sénégalais, à la veille de chaque ramadan.
J’apprécie également ta disponibilité et les échanges intellectuels que nous pouvons avoir sur bien des sujets.
A présent, permet-moi mon cher ami de te donner mon avis sur le communiqué que tu as fait paraître dans la presse sénégalaise et relatif au drame qui se déroule sous nos yeux, certes par écran interposé mais bien réel pour des milliers de personnes qui le vivent dans leur chair et au quotidien.
Tu es dans ton rôle d’ambassadeur qui essaie de donner une bonne image de son pays ou du moins d’expliquer une situation que beaucoup de citoyens du monde ne peuvent accepter. Les politiciens, notamment ceux qu’on appelle les leaders du « monde libre » sont d’accord avec toi. C’est Israël qui est attaqué et a donc bien le droit de se défendre.
 
Pour ma part, les choses sont plus complexes ou plus simples. C’est selon.
J’avais sorti les mots qui vont suivre, il y a près de dix (10) ans, dans  un quotidien français de renom. Je l’ai réactualisé dans un quotidien sénégalais, il y a quelques années. Mais voir les mêmes sempiternelles images (roquette lancée suivie d’une expédition militaire punitive disproportionnée), entendre les mêmes réactions ahurissantes des capitales occidentales et lire ton communiqué me poussent à reprendre ma plume.
 
Cher Eli, ma conviction est que le conflit israélo-palestinien est essentiellement une question de terres et non de religions. Comme tu le sais mieux que quiconque, la terre sur laquelle l’Etat d’Israël a été créé en 1948, est le berceau des trois grandes religions révélées. Intégrée durant quatre siècles à l’empire ottoman, elle est placée sous mandat britannique de 1921 à 1948. L’Est de Jérusalem est un centre religieux pour les Chrétiens, les Juifs et les Musulmans. Sur l’esplanade des mosquées se trouvent deux grand lieux saints de l’Islam : la mosquée Al-Aqsa et le dôme du rocher. Le mur des lamentations est situé au-dessous de l’esplanade des mosquées et pour les Chrétiens, Jérusalem représente également la ville où Jésus a été crucifié et enterré.
Donc, il ne peut y avoir d’explication religieuse valable au drame qui se joue. Pour moi, c’est le non respect de quelques droits élémentaires qui est le nœud du problème.
La « communauté internationale » a salué et appuyé le printemps arabe au nom du droit des peuples à la liberté et à la dignité. Pourquoi les Palestiniens devraient-ils être, eux, condamnés à subir un cauchemar qui n’a que trop duré?
 
Les puissances internationales si promptes à frapper les « vilains » peuvent-elles continuer à accorder un traitement de faveur incommensurable à l’Etat hébreux qui foule au pied deux résolutions dont le respect stricto sensu représenterait un grand pas vers la résolution définitive du problème.
 
Près de quatre millions de Palestiniens (selon l’Office de travaux et de secours des Nations unies pour les réfugiés palestiniens) vivent dans des camps en Cisjordanie, à Gaza ou dans des pays limitrophes.
La résolution 194 de l’Onu a pourtant reconnu leur « droit au retour ». Les Palestiniens réclament la reconnaissance de ce droit et son application mais l’Etat d’Israël s’y refuse.
Quant à la résolution 242 de l’ONU, elle demande à Israël de se retirer des territoires considérés par l’Organisation elle-même comme « occupés » depuis 1967. Cette résolution est par conséquent la reconnaissance explicite, par l’ONU, que l’occupation des territoires palestiniens est contraire au droit international.
L’Irak a été sommé de se retirer en quelques mois du territoire koweïtien illégalement occupé, tandis que l’Etat hébreu bénéficie depuis 47 ans d’une patience et d’une apathie déconcertantes de la part de la « communauté internationale ». Non seulement l’Etat d’Israël ne respecte pas cette résolution puisqu’il refuse de quitter les territoires occupés, mais il y construit toujours plus de colonies qu’il n’envisage évidemment pas de démanteler de sitôt.
 
Par ailleurs, tandis que les Palestiniens avaient annoncé vouloir faire de Jérusalem-Est leur future capitale, une décision de la Knesset (le parlement israélien) s’était empressée de faire de Jérusalem la capitale de l’Etat hébreu, même si elle n’est pas reconnue comme telle au niveau international.
 
Israël a toujours justifié son refus de retrait des territoires palestiniens occupés par la non reconnaissance de son droit à l’existence par les Etats Arabes. Pourtant les accords d’Oslo (signés à Washington le 13 septembre 1993), considérés comme les accords les plus aboutis entre les deux parties, rendaient caduque l’excuse de l’Etat hébreu, dans la mesure où l’OLP et Israël se reconnaissaient mutuellement.
 
Cher Eli, la vérité est que Israël, appuyé par les grandes puissances occidentales ne veut pas d’un Etat palestinien viable, avec donc les frontières reconnues internationalement.
Pour rappel, le 23 septembre 2011, le peuple palestinien, par l’intermédiaire de son président Mahmoud Abbas, décidait de déposer auprès du Conseil de sécurité, une demande d’adhésion de l’Etat de Palestine à l’Organisation. Israël, les Etats-Unis et quelques chancelleries occidentales avaient déployé des trésors d’efforts pour bloquer la démarche de l’autorité palestinienne. Pourtant, Barack Obama avait affirmé sa volonté de voir un Etat palestinien créé en 2011. Nous somme en juillet 2014 et rien n’a été entrepris pour traduire dans les faits cette promesse maintes fois formulée. Et les arguments selon lesquels le moment ne serait pas opportun, ou la démarche mal inspirée, ne tiennent pas
Avec ce blocage de l’initiative palestinienne à l’Onu, les Américains qui n’ont jamais été en mesure de mener une politique équilibrée dans le conflit, continuent d’appuyer les yeux fermés l’Etat hébreux.
Déjà, l’Amérique avait boycotté en 2001 le sommet de Durban parce que la politique israélienne y était qualifiée de raciste, de même, qu’une conférence à Genève qui invitait Israël à respecter le droit humanitaire. La Suisse avait tenté, au cours de cette conférence, de réunir les parties contractantes des quatre Conventions de Genève de 1949 afin d’en examiner l’application en matière de protection des civils par Israël dans les territoires palestiniens occupés. Sur les 189 pays ayant ratifié ces textes, 114 avaient accepté de participer à cette rencontre. Shimon Samuels, le porte-parole du centre Simon-Wiesenthal, avait alors déclaré, à propos de la réunion diplomatique : « Nous considérons la Suisse comme tout à fait responsable pour n’importe quel acte terroriste de Palestiniens dans les jours à venir, pour avoir encouragé l’extrémisme palestinien en organisant cette conférence». Il a notamment reproché au Président suisse de la conférence, Peter Maurer, d’avoir établi « une équivalence » entre les attentats terroristes palestiniens et les représailles israéliennes.
Donc mon cher Eli, aux yeux des Israéliens, l’assassinat d’un ministre israélien (M. Zéevi) n’est absolument pas comparable aux liquidations ciblées de dirigeants palestiniens, comme si certains assassinats étaient considérés comme légitimes, à défaut d’être légaux.
 
« Make no mistake » mon cher Eli, condamner l’occupation israélienne ne signifie absolument pas être antisémite. De grands intellectuels juifs tels que Edgar Morin (anthropologue) ou Daniel Bensaïd (philosophe) se sont farouchement opposés à cette occupation. Ami Ayalon, ancien chef du Shin Beth, la sécurité intérieure israélienne, a condamné sans réserve « l’occupation immorale des territoires palestiniens ».
J’espère que tu comprendras donc qu’Israël et ses soutiens automatiques et inconditionnels (USA, Allemagne, Grande Bretagne, France…) n’ont pas le droit, au nom d’un peuple de maintenir un autre peuple dans la souffrance et le déni de la liberté. Mais, il faut aussi reconnaître l’irresponsabilité du monde arabe, en partie responsable du drame palestinien. Mais ça c’est un autre débat.
 
Amicalement,
 
Abdou Khadre LO
DG PRIMUM AFRICA CONSULTING




Lundi 21 Juillet 2014



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1.Posté par moustapha le 21/07/2014 09:27
bel article, merci de votre éclaircissement; Monsieur vous avez posé le problème avec brio, campé le débat et situé les responsabilité

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