Dakar, carrefour des photographes artistiques africains

La capitale sénégalaise, Dakar, vit depuis jeudi dernier au rythme de la 13ème édition de sa Biennale de l’Art africain contemporain (Dak’Art 2018), un moment privilégié d’échanges entre des artistes africains qui, s’investissant dans le programme off de la manifestation, organisent sous l’égide de la Fédération africaine sur l’art photographique (FAAP), une exposition intitulée ‘’Le carrefour’’.


Au cœur du centre-ville de Dakar, non loin de la mythique Place de l’Indépendance, se dresse, face à la Chambre de commerce, d’agriculture et d’industrie de Dakar, l’immeuble abritant l’exposition. A la devanture, une banderole et des affiches renseignent sur la tenue de l’exposition qu’on peut visiter au premier étage de l’immeuble. Initiateur de l’exposition, Mamadou Gomis, photographe artistique sénégalais, explique : « J’ai commencé à préparer cette exposition au mois de février dernier mais l’idée date de 2016. J’en avais parlé à certains confrères sénégalais qui n’y croyaient pas. J’ai alors créé un groupe WhatsApp pour tous les photographes artistiques africains ». Son pari, il va le gagner car des dizaines d’Africains, partageant l’amour de la photographie artistique, ont répondu à son appel à l’occasion de cette exposition qui est une première. Ancien photographe de presse, Mamadou Gomis expose des photos prises en Occident. « En 5 ans, j’ai visité 7 villes européennes dont Barcelone, Amsterdam, Bruxelles et Berlin. C’est la première fois que j’expose ces photos qui parlent de la publicité. Je me suis intéressé aux affiches qui, selon moi, permettent de bien connaître une ville », indique-t-il. ‘’Le carrefour’’, nom de l’exposition n’est pas fortuit car des photographes de plusieurs pays y prennent part. Souley Abdoulaye vient du Niger et ne cache pas son immense bonheur. « Je participe pour la première fois à la Biennale de Dakar. Je pense d’ailleurs être le premier Nigérien à y participer », lâche-t-il avec fierté. A travers son thème personnel « traces et empreintes », il jette un regard sur l’érosion hydrique dans son pays. « J’ai voulu montrer l’aspect souvent méconnu du ruissellement de l’eau des pluies. L’eau crée, le long de son parcours, des formes artistiques sur le sol. On ne peut pas trouver cela n’importe où et il faut avoir un bon timing pour prendre les images parfaites », souligne-t-il La Côte d’Ivoire est représentée par une forte délégation. De nature réservée, l’Ivoirienne Aurélie Jocelyne Tiffy confie que la photographie « constitue un moyen d’expression » pour elle. « J’ai, explique-t-elle, essayé de montrer les difficultés de l’Afrique à travers la tristesse des personnages présents sur les cinq photos de mon travail. Je suis vraiment contente d’être à Dakar car j’ai rencontré des doyens du métier que je pratique depuis un an et demi et j’apprends quotidiennement ». Le maintien des jeunes à l’école, Olivier Pooda l’a érigé au rang de priorité au point de lui consacrer une kyrielle de clichés. Avec tact, cet Ivoirien a pris en photo des jeunes filles qui travaillent. « J’ai remarqué que chez nous, les parents préfèrent laisser les garçons à l’école et cantonnent les filles aux tâches ménagères. Pour que l’Afrique se développe, les filles doivent s’instruire au même titre que les garçons», soutient-il. L’enfance, c’est aussi le thème de Ly Lagazelle, une photographe artistique ivoirienne établie à Marrakech au Maroc. « Je parle de l’innocence des enfants. Tout adulte a été enfant à un moment donné de sa vie et la maturité émane forcément des expériences de l’enfance vécue », explique Ly Lagazelle qui se distingue de ses confrères par « le développement de l’image en négatif ». D’où, ses prises de vue ont une apparence de « dessin sur une toile ». Participant au Dak’Art pour la première fois, elle a affirmé « être doublement heureuse du fait de la présentation de son travail et de la découverte du Sénégal » dont elle salue l’hospitalité. « J’ai mangé et adoré le +ceebu jen+ (riz au poisson en wolof, un des mets favoris des Sénégalais) », s’esclaffe-t-elle. Enfin, Gédéon Pooda nous plonge dans l’univers des fous. Selon ce jeune ivoirien, « la folie est relative ». Saluant en outre, la tenue de cette exposition, il déclare : « Chaque pays apporte sa culture, sa mentalité. Cette rencontre est donc un moment d’échanges bénéfiques pour les participants ». Relevant la difficulté de l’exercice de leur métier dans leurs pays respectifs, les photographes artistiques africains souhaitent la pérennisation des échanges entre eux. En outre, ils invitent la population à s’intéresser davantage à leur art tout en sollicitant plus de considération de la part des autorités.
Mercredi 9 Mai 2018




Dans la même rubrique :