Le soleil cognait fort sur Dakar ce jour de mars 2020. Dans les bureaux anonymes d'une société de transit, un entrepreneur indien, Rahul Chandra, pensait conclure une affaire en or : l'écoulement de 35 000 tonnes d'un fertilisant précieux. Il ne savait pas encore qu'il venait de mettre le doigt dans un engrenage où les promesses s'évaporeraient comme la rosée du matin, laissant derrière elles un goût amer de poudre aux yeux.
Rahul avait la marchandise, une montagne d'urée prête à fertiliser les terres. Son frère, bien intentionné, le met en relation avec Aissatou Thioro Dia et son mari, Thierno Ndiaye, un couple local ambitieux à la tête de NAD TRADE. L'intérêt est là, l'envie d'importer en grande quantité aussi. Seul hic, et de taille : les fonds propres sont un peu justes pour une opération de cette envergure.
La valse des intermédiaires : un ballet trouble
Thierno, homme de réseau, active ses contacts. Il rencontre Balla Camara Seck, figure du milieu des affaires, qui lui présente Ndeye Nancy Niang, la patronne de Transcontinental Transit (TCT). Les discussions s'enchaînent, un accord se profile. Le mastodonte Amine Group se dit prêt à acquérir le gros lot, avec TCT dans le rôle d'orchestrateur logistique. Le plan, un brin tortueux, prévoit qu'Amine prenne 10 300 tonnes et refourgue les 25 000 restantes à Hacko Holding. Un château de cartes complexe, mais qui tient debout... pour l'instant.
Un paraphe lourd de conséquences (Dakar, 18 mars 2020)
Le voyage de Rahul à Dakar sentait bon la conclusion d'un deal juteux. Dans les locaux fonctionnels de TCT, autour d'une table où les espoirs se cristallisent, se réunissent Thierno, Nancy, Lamine Ngom, le patron d'Amine Group, et Rahul. Au moment de l'échange des signatures, un détail cloche. Thierno insiste pour que Nancy appose sa griffe au bas du contrat. Lamine, confiant, lui octroie un mandat en blanc. Une bizarrerie, une simple formalité ? L'avenir se chargera de doucher cet optimisme.
La spirale infernale des contrats et des dépenses
La machine s'emballe. En coulisses, des accords sont ficelés avec Somicoa et TVS (Necotrans) pour orchestrer le ballet logistique. La facture du déchargement, une somme vertigineuse de 1,2 milliard de francs CFA, atterrit sur les épaules d'Amine Group et de TCT. Chacun sort le chéquier, aveuglé par la promesse de gains futurs.
L'arrivée fantasmée et la désillusion brutale (avril 2020)
Le 1er avril, le cargo tant attendu fend les eaux du port de Dakar. On imagine le soupir de soulagement de Rahul, l'effervescence des autres acteurs. Le lendemain, les grues s'activent, déversant des tonnes d'engrais sur le sol sénégalais. Mais le rêve tourne court. Le 4 avril, Rahul, le visage fermé, la déception palpable, envoie une missive incendiaire à Amine Group, signifiant la rupture de leur entente. C'est le point de non-retour. Amine se sent floué et réclame son dû. TCT, elle, se retrouve coincée, jonglant avec des papiers au nom de deux entités distinctes.
Tentatives de rapiéçage et un acteur fantôme (avril-mai 2020)
Dans l'urgence, on tente de recoller les morceaux brisés. Un nouvel arrangement émerge, impliquant Re Energy, Amine Group et un Hacko Holding dont le patron lutte contre le Covid dans un lit d'hôpital. Rahul reprend les rênes et confie à TCT, et plus précisément à Nancy Niang, la mission de gérer les opérations. Mandats en poche, Nancy doit dénouer les nœuds administratifs au port, vendre l'engrais, rétribuer Rahul et rembourser Amine. Atoumane Sy, représentant d'un Hacko absent, est écarté du jeu. Le 17 mai, l'intégralité de la cargaison est stockée dans les entrepôts de TCT.
Les premières ombres au tableau
Lamine Ngom, flairant le vent mauvais des complications juridiques, réclame sans délai le remboursement de son investissement. Rahul, pragmatique, met de côté 7 000 tonnes pour couvrir les frais déjà engagés et propose 3 000 tonnes à Lamine. Un compromis fragile, une paix armée.
Un départ précipité et un nouveau joueur inattendu (juin 2020)
Déjà empêtré dans des affaires de sucre liées à la pandémie, Lamine "refile" son contrat et ses 3 000 tonnes d'engrais à Aziz Ndiaye. Il quitte le Sénégal, laissant derrière lui un dossier brûlant. Aziz Ndiaye règle une partie de la somme et devient, malgré lui, un acteur de cette pièce de théâtre complexe.
Nancy seule face à l'orage
Amine Group volatilisé, Hacko toujours hors-jeu, le contrat initial caduc, Nancy Niang se retrouve seule interlocutrice de Rahul. Après des relances incessantes, un nouvel accord est signé. Le 25 août, Nancy reconnaît détenir 28 000 tonnes d'engrais et s'engage à les vendre. Pourtant, les montagnes d'urée restent inertes dans les entrepôts.
Un plan B illusoire (janvier-mars 2021)
Ultime tentative : Rahul et Nancy envisagent de livrer une partie de la cargaison à Stals (16 000 tonnes) et une autre au Mali (12 000 tonnes). Une éclaircie dans un ciel de plus en plus sombre ? Le 18 mars, Rahul, à bout de patience, envoie une mise en demeure à Nancy.
Les révélations explosives de Nancy
La réponse de Nancy a de quoi laisser pantois. Les 16 000 tonnes destinées à Stals ? Évanouies ! Elle accuse Lamine de les avoir subtilisées au port – un récit pour le moins surprenant, Lamine ayant quitté le pays des mois auparavant. Quant aux 12 000 tonnes promises au Mali, elle assure n'en avoir jamais vu la couleur.
La plainte : le point de rupture (12 avril 2021)
Pour Rahul, c'en est trop. Face à ces explications rocambolesques, il dépose plainte contre Nancy Niang. L'affaire atterrit sur le bureau des enquêteurs de la Sûreté Urbaine.
L'enquête : un puzzle aux pièces manquantes
Rahul martèle : Nancy était son unique contact, le contrat portait sur 28 000 tonnes, il n'a reçu qu'une fraction de la somme due et réclame des milliards.
Nancy maintient sa version : 12 000 tonnes pour le Mali, 5 000 perdues, 11 000 volées par Lamine. Elle jette en pâture les noms d'Aziz Ndiaye, Ababacar Kébé et Alioune Diouf. Une tentative de noyer le poisson ?
Thierno, l'entremetteur initial, reconnaît avoir mis Rahul et Nancy en relation. Il tente de justifier ses plantureux "honoraires" (cash et Range Rover !) par un contrat d'apporteur d'affaires avec Amine, même après l'effondrement du deal initial.
Aziz Ndiaye nie tout achat, contredit par des documents accablants. Il désigne un certain Massata comme le véritable acquéreur.
Massata raconte une acquisition de 4 000 tonnes auprès de Lamine, exhibant des factures étrangement similaires à celles d'Aziz Ndiaye. Son récit est truffé d'incohérences : un paiement en liquide sans trace, un lieu de retrait flou.
Alain, le gardien des entrepôts de TCT, est catégorique : rien ne bougeait sans l'aval de Nancy. Un rouage essentiel de cette étrange machinerie.
L'attente : un dossier qui s'enlise (novembre 2021)
Les mois s'égrènent . L'enquête patine, soulevant des interrogations sur la célérité de la justice.
Le Mystère de l'Urée Disparue
Ce qui devait être une banale transaction commerciale s'est mué en un thriller haletant aux multiples rebondissements. Rahul Chandra se retrouve pris au piège d'un imbroglio où les millions se sont volatilisés et les versions s'entrechoquent. Nancy Niang est au centre d'un tourbillon de soupçons. Reste une question lancinante : la justice sénégalaise parviendra-t-elle à démêler cet écheveau complexe et à faire la lumière sur le mystère de l'urée disparue ? Cette affaire, aux allures de roman noir, met en lumière les zones d'ombre du commerce international et les risques d'une confiance aveugle. L'épilogue, on l'espère, apportera enfin des réponses à Rahul et à tous ceux qui suivent ce feuilleton judiciaire avec une attention grandissante.
Rahul avait la marchandise, une montagne d'urée prête à fertiliser les terres. Son frère, bien intentionné, le met en relation avec Aissatou Thioro Dia et son mari, Thierno Ndiaye, un couple local ambitieux à la tête de NAD TRADE. L'intérêt est là, l'envie d'importer en grande quantité aussi. Seul hic, et de taille : les fonds propres sont un peu justes pour une opération de cette envergure.
La valse des intermédiaires : un ballet trouble
Thierno, homme de réseau, active ses contacts. Il rencontre Balla Camara Seck, figure du milieu des affaires, qui lui présente Ndeye Nancy Niang, la patronne de Transcontinental Transit (TCT). Les discussions s'enchaînent, un accord se profile. Le mastodonte Amine Group se dit prêt à acquérir le gros lot, avec TCT dans le rôle d'orchestrateur logistique. Le plan, un brin tortueux, prévoit qu'Amine prenne 10 300 tonnes et refourgue les 25 000 restantes à Hacko Holding. Un château de cartes complexe, mais qui tient debout... pour l'instant.
Un paraphe lourd de conséquences (Dakar, 18 mars 2020)
Le voyage de Rahul à Dakar sentait bon la conclusion d'un deal juteux. Dans les locaux fonctionnels de TCT, autour d'une table où les espoirs se cristallisent, se réunissent Thierno, Nancy, Lamine Ngom, le patron d'Amine Group, et Rahul. Au moment de l'échange des signatures, un détail cloche. Thierno insiste pour que Nancy appose sa griffe au bas du contrat. Lamine, confiant, lui octroie un mandat en blanc. Une bizarrerie, une simple formalité ? L'avenir se chargera de doucher cet optimisme.
La spirale infernale des contrats et des dépenses
La machine s'emballe. En coulisses, des accords sont ficelés avec Somicoa et TVS (Necotrans) pour orchestrer le ballet logistique. La facture du déchargement, une somme vertigineuse de 1,2 milliard de francs CFA, atterrit sur les épaules d'Amine Group et de TCT. Chacun sort le chéquier, aveuglé par la promesse de gains futurs.
L'arrivée fantasmée et la désillusion brutale (avril 2020)
Le 1er avril, le cargo tant attendu fend les eaux du port de Dakar. On imagine le soupir de soulagement de Rahul, l'effervescence des autres acteurs. Le lendemain, les grues s'activent, déversant des tonnes d'engrais sur le sol sénégalais. Mais le rêve tourne court. Le 4 avril, Rahul, le visage fermé, la déception palpable, envoie une missive incendiaire à Amine Group, signifiant la rupture de leur entente. C'est le point de non-retour. Amine se sent floué et réclame son dû. TCT, elle, se retrouve coincée, jonglant avec des papiers au nom de deux entités distinctes.
Tentatives de rapiéçage et un acteur fantôme (avril-mai 2020)
Dans l'urgence, on tente de recoller les morceaux brisés. Un nouvel arrangement émerge, impliquant Re Energy, Amine Group et un Hacko Holding dont le patron lutte contre le Covid dans un lit d'hôpital. Rahul reprend les rênes et confie à TCT, et plus précisément à Nancy Niang, la mission de gérer les opérations. Mandats en poche, Nancy doit dénouer les nœuds administratifs au port, vendre l'engrais, rétribuer Rahul et rembourser Amine. Atoumane Sy, représentant d'un Hacko absent, est écarté du jeu. Le 17 mai, l'intégralité de la cargaison est stockée dans les entrepôts de TCT.
Les premières ombres au tableau
Lamine Ngom, flairant le vent mauvais des complications juridiques, réclame sans délai le remboursement de son investissement. Rahul, pragmatique, met de côté 7 000 tonnes pour couvrir les frais déjà engagés et propose 3 000 tonnes à Lamine. Un compromis fragile, une paix armée.
Un départ précipité et un nouveau joueur inattendu (juin 2020)
Déjà empêtré dans des affaires de sucre liées à la pandémie, Lamine "refile" son contrat et ses 3 000 tonnes d'engrais à Aziz Ndiaye. Il quitte le Sénégal, laissant derrière lui un dossier brûlant. Aziz Ndiaye règle une partie de la somme et devient, malgré lui, un acteur de cette pièce de théâtre complexe.
Nancy seule face à l'orage
Amine Group volatilisé, Hacko toujours hors-jeu, le contrat initial caduc, Nancy Niang se retrouve seule interlocutrice de Rahul. Après des relances incessantes, un nouvel accord est signé. Le 25 août, Nancy reconnaît détenir 28 000 tonnes d'engrais et s'engage à les vendre. Pourtant, les montagnes d'urée restent inertes dans les entrepôts.
Un plan B illusoire (janvier-mars 2021)
Ultime tentative : Rahul et Nancy envisagent de livrer une partie de la cargaison à Stals (16 000 tonnes) et une autre au Mali (12 000 tonnes). Une éclaircie dans un ciel de plus en plus sombre ? Le 18 mars, Rahul, à bout de patience, envoie une mise en demeure à Nancy.
Les révélations explosives de Nancy
La réponse de Nancy a de quoi laisser pantois. Les 16 000 tonnes destinées à Stals ? Évanouies ! Elle accuse Lamine de les avoir subtilisées au port – un récit pour le moins surprenant, Lamine ayant quitté le pays des mois auparavant. Quant aux 12 000 tonnes promises au Mali, elle assure n'en avoir jamais vu la couleur.
La plainte : le point de rupture (12 avril 2021)
Pour Rahul, c'en est trop. Face à ces explications rocambolesques, il dépose plainte contre Nancy Niang. L'affaire atterrit sur le bureau des enquêteurs de la Sûreté Urbaine.
L'enquête : un puzzle aux pièces manquantes
Rahul martèle : Nancy était son unique contact, le contrat portait sur 28 000 tonnes, il n'a reçu qu'une fraction de la somme due et réclame des milliards.
Nancy maintient sa version : 12 000 tonnes pour le Mali, 5 000 perdues, 11 000 volées par Lamine. Elle jette en pâture les noms d'Aziz Ndiaye, Ababacar Kébé et Alioune Diouf. Une tentative de noyer le poisson ?
Thierno, l'entremetteur initial, reconnaît avoir mis Rahul et Nancy en relation. Il tente de justifier ses plantureux "honoraires" (cash et Range Rover !) par un contrat d'apporteur d'affaires avec Amine, même après l'effondrement du deal initial.
Aziz Ndiaye nie tout achat, contredit par des documents accablants. Il désigne un certain Massata comme le véritable acquéreur.
Massata raconte une acquisition de 4 000 tonnes auprès de Lamine, exhibant des factures étrangement similaires à celles d'Aziz Ndiaye. Son récit est truffé d'incohérences : un paiement en liquide sans trace, un lieu de retrait flou.
Alain, le gardien des entrepôts de TCT, est catégorique : rien ne bougeait sans l'aval de Nancy. Un rouage essentiel de cette étrange machinerie.
L'attente : un dossier qui s'enlise (novembre 2021)
Les mois s'égrènent . L'enquête patine, soulevant des interrogations sur la célérité de la justice.
Le Mystère de l'Urée Disparue
Ce qui devait être une banale transaction commerciale s'est mué en un thriller haletant aux multiples rebondissements. Rahul Chandra se retrouve pris au piège d'un imbroglio où les millions se sont volatilisés et les versions s'entrechoquent. Nancy Niang est au centre d'un tourbillon de soupçons. Reste une question lancinante : la justice sénégalaise parviendra-t-elle à démêler cet écheveau complexe et à faire la lumière sur le mystère de l'urée disparue ? Cette affaire, aux allures de roman noir, met en lumière les zones d'ombre du commerce international et les risques d'une confiance aveugle. L'épilogue, on l'espère, apportera enfin des réponses à Rahul et à tous ceux qui suivent ce feuilleton judiciaire avec une attention grandissante.
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