Monsieur le Ministre de la culture et du tourisme, vous avez la lourde charge de réhabiliter l’enthousiasme culturel dans notre pays. La culture dissipe la mauvaise humeur des nations soutient Adam Smith. Mieux, Sophocle dit que la vie culturelle d’un pays est gage de liberté. L’art est un élément essentiel de la vie politique en démocratie. Les œuvres d’arts révèlent les conflits, posent les questions de fond. Monsieur le ministre, pour une bonne politique culturelle, il faudra satisfaire certains fondamentaux dont les supports de l’action culturelle et les circuits de diffusion culturelle.
En effet, nous pensons qu’il est important, aux côtés des contenants existants, de créer des contenus aptes à rendre visible les retombées, au plan social, politique et économique de l’action culturelle. Il ne sert à rien de créer des contenants, à l’image du Grand Théâtre, s’il n’y a pas de réels produits artistiques de qualité pouvant permettre à un tel temple de la culture de rayonner dans les habitudes des citoyens. C’est un exemple parmi tant d’autres.
Comment permettre aux créateurs de mieux produire des œuvres de qualité, en adéquation avec le besoin d’aider à faire naître une véritable « conscience culturelle nationale » en facilitant l’intégration entre nos différentes entités culturelles ? Comment réussir à instaurer, de façon permanente, un dialogue des cultures entre des groupes sociaux parfois isolés les uns des autres et dotés chacun de traditions culturelles spécifiques, mais « obligés de vivre ensemble et de partager un destin politique, économique et social »? Comment renforcer les acquis culturels qui servent de vitrine du Sénégal à l’étranger ? Comment rendre aux acteurs culturels leur dignité bafouée par les aléas du quotidien et qui font que beaucoup d’entres eux vivent dans la dèche et souffrent le martyr à la fin de leur existence ? Nous pensons, au risque de nous tromper, que les bonnes réponses à des questions similaires peuvent servir le socle d’une politique culturelle salutaire.
Monsieur le ministre, aujourd’hui, nous savons que Ile Axé du Brésil n’a pas tout à fait tort de dire que la musique s’affranchit des frontières et des continents. Mais, au-delà de la musique, c’est le produit culturel, de manière générale, qui s’affranchit des frontières et des continents. Ceci pose le problème d’une certaine concurrence au plan de l’offre culturelle qui nécessite de mieux outiller ceux qui se battent pour que notre pays se positionne en bonne place dans la cour des grands au plan culturel tout en maintenant une certaine harmonie avec les liens sociaux.
Nous souhaiterions que vous puissiez penser à des politiques de formation performante aux métiers de la musique, de la peinture, du stylisme, du théâtre et de la danse et permettre en même temps aux acteurs de pouvoir bénéficier de bourses de recherche dans ces domaines supra cités. Le grand tambour major Doudou Ndiaye Rose m’avait révélé, pendant que je rédigeais un pan de sa biographie pour les besoins d’un Gala de reconnaissance en son honneur en 2005, qu’une tournée à l’intérieur du Sénégal, en Afrique et dans le monde, à la recherche de nouvelles connaissances en matière de rythme, a beaucoup boosté son art.
Monsieur le ministre, Dans nos collectivités locales, surtout au niveau de chaque communauté rurale, il serait intéressant de mettre en place, de façon progressive, une Maison des traditions qui pourrait permettre de capitaliser tout ce que la communauté rurale dispose en matière de patrimoine matériel et immatériel. Grâce à cette maison, les populations pourront mieux conserver leurs spécificités culturelles et être mieux outillées pour les intégrer dans le développement du pays. Les chants, les danses, les vêtures, les coiffures, les arts culinaires traditionnels de toutes les ethnies de la localité, entre autres, y trouveront les moyens nécessaires pour leur réhabilitation, leur conservation et leur promotion. En outre, elle permettra aux nouvelles générations d’avoir un lieu sûr pour se ressourcer et, au besoin, conserver leur identité culturelle.
Monsieur le ministre, il est temps que nous ayons notre Bibliothèque nationale. Il serait bien que les écrivains puissent disposer d’une Résidence des écrivains où des auteurs, dotés de bourses d’écriture, pourront séjourner pour travailler sur des ouvrages en gestation. Ces bourses pourraient sortir d’un Fonds de promotion du livre, de la lecture et de l’écrivain différent, dans sa conception et sa gestion, du Fonds d’aide (ou de soutien) à l’édition qui ne sert ni l’écriture ni l’écrivain véritable.
Monsieur le ministre de la culture, les artistes ont besoin que vous vous occupiez du Statut de l’artiste. C’est un impératif. Ils ont besoin aussi d’un Fonds d’appui aux événements culturels géré démocratiquement dans la transparence par un jury qui prendrait en compte, dans sa composition, les acteurs eux-mêmes.
Nous rêvons d’un Hollywood version sénégalaise et africaine pour notre Cinéma. L’Amérique a réussi une certaine ascension culturelle sur d’autres peuples grâces à cet espace de créativités cinématographiques. Beaucoup de questions qui intéressent le milieu culturel… peintres, écrivains, comédiens, musiciens, cinéastes, stylistes, architectes, photographes etc. pourront trouver des débuts de solutions par la convocation des états généraux de la culture pour écouter les concernés, avec au centre, une réflexion basée sur la démocratisation et l’accès pour tous à la culture et la protection sociale pour les artistes… Les lobbies existants dans le secteur culturel et les querelles et exclusions qu’ils produisent ne font que nous retarder davantage.
Monsieur le ministre, il semble que le Président Senghor voyageait souvent en compagnie d’artistes pour vendre la destination sénégalaise à l’étranger. Cette pratique n’est pas mauvaise pour notre secteur culturel et touristique : offrir un quota raisonnable aux acteurs culturels dans la délégation du Président de la république lors de ses visites officielles pour leur permettre de servir de vitrine du Sénégal.
Enfin, monsieur le ministre, soit toujours du côté de la vérité et de la beauté. Parlant de beauté, nous aimons rappeler ce qu’en disait le grand poète Aimé Césaire dans Moi laminaire: « La Justice écoute aux portes de la beauté ».
En vous souhaitant plein succès !
Tafsir Ndické DIEYE
Auteur de polars et de poésie dont :
Odeur de sang (polar), Silence ! On s’aime poésie
Editions Le Manuscrit, Paris mars 2008
Horreur au Palais, Coédition NEI/CEDA Abidjan Novembre 2010
Membre du Pôle programme de Macky 2012
E-mail :ndickedieye@yahoo.fr
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