Sénégal-Qatar : Historique, PSE, coopération culturelle /Analyse de Djily Mbaye Fall, directeur de think tank

A la veille d’une visite historique que l’émir du Qatar doit effectuer à Dakar, dans le cadre d’une tournée internationale, Dakar Actu s’est entretenu avec Djily Mbaye Fall, directeur du think tank Observatoire de la coopération sénégalo-qatarie. L’analyste en relations internationales revient sur l’historique des relations diplomatiques entre les deux pays depuis le magistère de Léopold Sédar Senghor et grâce aux connections établies par feu Son Excellence Moustapha Cissé défunt Khalife général de Pire. Monsieur Fall a aussi étudié le cadre de participation de l’émirat pétrogazier dans le Plan Sénégal Emergent, avec la découverte d’importantes ressources naturelles au Sénégal. Pour finir, il a abordé la coopération culturelle avec la disponibilité d’un fonds qatari de 10 millions de dollars, entre les mains de l’UNESCO. Fonds dont pourrait bénéficier l’île de Gorée, relativement à sa sauvegarde.


Historique des relations entre le Sénégal et la Qatar de Senghor à Macky
 
« Le Sénégal et la Qatar ont des liens profonds et trop étroits. Le président Léopold Sédar Senghor, qui est le théoricien de la coopération afro-arabe, avait effectué déjà en 1975 une visite à Doha pour rencontrer Son Altesse Cheikh Khalifa Al-Thani, qui était à l’époque l’émir du Qatar. Les deux chefs d’Etat partageaient la même idée sur ce que devrait être la coopération afro-arabe, notamment par rapport au soutien à la Palestine. Léopold Sédar Senghor était accompagné de Son Excellence l’ambassadeur feu Moustapha Cissé de Pire et de Moustapha Niasse, qui était son directeur de cabinet. L’émir avait bien apprécié cette visite. L’année suivante, ce dernier avait envoyé son ministre des Affaires étrangères participer à la première conférence entre les ministres des Affaires étrangères arabes et africains que le président Léopold Sédar Senghor avait convoquée à Dakar en 1976.
 
« Le président Léopold Sédar Senghor, qui est le théoricien de la coopération afro-arabe, avait effectué déjà en 1975 une visite à Doha pour rencontrer Son Altesse Cheikh Khalifa Al-Thani, qui était à l’époque l’émir du Qatar »
 
 Depuis lors, les relations se raffermissent. Le président Abdou Diouf a aussi joué un rôle très important dans l’axe diplomatique Dakar-Doha. Déjà, en octobre 1981, il avait effectué une visite à Doha, accompagné de son ministre des Affaires étrangères M. Moustapha Niasse pour redynamiser cette coopération. L’émir Al-Thani avait apprécié cette visite du président Abdou Diouf qui était dans la ligne tracée par le président Senghor, relativement au soutien du Sénégal à la cause palestinienne, qui était un sujet commun dans tous les foyers religieux, aussi bien à Tivaouane, à Touba, qu’à Léona Niassène etc. A chaque fois que le président Léopold Sédar Senghor se déplaçait au Moyen Orient, le premier sujet abordé était la question palestinienne.
Le président Abdoulaye Wade aussi est allé droit dans cette ligne tracée par le président Léopold Sédar Senghor, avec quelques modifications par rapport à sa politique étrangère.
 
Cadre de participation du Qatar dans le Programme Emergent (PSE)
 
En 2013, avant même la finalisation du Plan Sénégal Emergent, le président Macky Sall était l’invité d’honneur du Forum de Doha devant plusieurs chefs d’Etat qui étaient présents. Au nom du NEPAD,  il a fait un plaidoyer pour la mobilisation de capitaux, surtout privés, de la part des investisseurs qataris. Il a demandé au Qatar d’aller au-delà même de l’aide publique au développement qu’il accorde à l’Afrique, de se mobiliser pour financer les projets qui étaient prioritaires par rapport à la Santé et à l’Education. Surtout dans le domaine des infrastructures.
 
« L’émir a mobilisé le secteur privé, la Chambre de commerce et les grandes structures de financement du Qatar pour qu’ils s’approprient le PSE »
 
En 2014, après le Groupe consultatif de Paris, Son Excellence Macky Sall a fait cap sur Doha. L’émir a mobilisé le secteur privé, la Chambre de commerce et les grandes structures de financement du Qatar pour qu’ils s’approprient le PSE. Il y avait une convergence d’intérêts, notamment dans les secteurs de l’hôtellerie et de l’électricité. Le Qatar est le troisième exportateur de gaz naturel liquéfié. Une délégation qatarie avait séjourné au Sénégal pour signer un accord dans ce sens.
Dr Sidy Rahmane, qui est le PDG de Doha Bank, avait séjourné au Sénégal en 2015 accompagné de M. Cheikh Diallo chef du bureau économique de l’ambassade. Cela, pour s’enquérir de l’opportunité d’ouvrir une banque sénégalo-qatari à Dakar à l’image de la défunte banque sénégalo-koweitienne que les Sénégalais ont connu dans les années 90. Le Sénégal, étant en majorité musulmane, était une cible privilégiée de cette banque qui pèse 20 milliards de dollars en capital. 
 
« Le Qatar dépense chaque année des millions de dollars pour l’achat de fruits et de légumes. Le Sénégal pourrait être le pays qui va approvisionner le Qatar dans ce domaine »
 
 Dans le domaine de l’Energie, la société NEBRAS POWER du Qatar avait effectué une visite au Sénégal du temps où le directeur général de la SENELEC était Pape Dieng. Un mémorandum avait été paraphé entre les deux pays, relativement au montage d’une centrale électrique devant alimenter les foyers sénégalais à un prix en dessous des standards appliqués. 
Si l’on s’en tient au communiqué du ministère du Commerce sanctionnant la rencontre, tenue récemment, entre le ministre Aliou Sarr et l’ambassadeur du Qatar au Sénégal, les entreprises sénégalaise veulent exporter leurs produits au Qatar.  Le Qatar dépense chaque année des millions de dollars pour l’achat de fruits et de légumes. Le Sénégal pourrait être le pays qui va approvisionner le Qatar dans ce domaine.
 
Pour être un hub aérien sous-régional, le Sénégal a besoin de Qatar Airways
 
Qatar Aiways est l’une des meilleures compagnies aériennes du Moyen Orient à côté de Turkiss Airways. Le Sénégal, qui voudrait être un hub sous-régional, ne peut pas avoir meilleur partenaire que Qatar Aiways dont le directeur avait montré un intérêt pour le Sénégal.
 
De la coopération culturelle entre les deux pays membres de l’Oci
 
La coopération culturelle entre les deux pays existe de fait dans le cadre le l’Organisation de la coopération islamique (Oci). Les différents ambassadeurs du Qatar au Sénégal ont appuyé les organisations islamiques pour construire des forages, des écoles coraniques et des daras modernes. Récemment, il y a eu une ONG qatarie qui a été à Louga pour visiter les différentes structures sanitaires et apporter un don en médicaments.
 
« Le Sénégal a joué un rôle important dans l’adhésion du Qatar à l’Organisation internationale de la Francophonie (Oif) »
 
Le Sénégal a joué un rôle important dans l’adhésion du Qatar à l’Organisation internationale de la Francophonie (Oif). La majorité des pays francophones sont en Afrique. Lorsque le Qatar a manifesté son intention de rejoindre cette organisation, les pays africains se sont mobilisés parce qu’il s’agit d’un partenaire important. L’émir même avait fait ouvrir des lycées français à Doha : comme le lycée Voltaire et le lycée Bonaparte. Le Qatar est devenu pays francophone sept jours après son accession à la souveraineté internationale. Le premier représentant du Qatar à l’Organisation des Nations Unies, M. Assane Kamel, avait fait son discours d’adhésion en français. Ce qui avait surpris l‘ambassadeur britannique à New York. De tradition, les représentants des  pays qui étaient sous protectorat britannique faisaient leurs premières allocutions en français.
L’ex-ministre sénégalais de la Culture M. Abdou Aziz Mbaye, en visite à Doha, avait présenté à son homologue qatari un projet pour aider Gorée à lutter contre l’érosion maritime et côtière. Le Qatar a mis sur la table de l’UNESCO un fonds de 10 millions de dollars  et Gorée pourrait en bénéficier.
Mardi 19 Décembre 2017




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