POUR LUTTER CONTRE LA VIOLENCE TERRORISTE : Inventons une nouvelle gouvernance sécuritaire (Par Mamadou Mouth Bane)

Le Sahel est traversé, d’Ouest en Est, par des courants de jihadistes politiques, comme le confirme la dernière déclaration d’Ag Ghali. Dans un enregistrement audio, le chef djihadiste Iyad Ag Ghali, leader du Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM), a dit avoir pris «pour cible les pays du Sahel, en raison de leur alliance avec la France. Il n'y aura pas de sécurité, de stabilité ou de développement (au Sahel), tant que la situation reste telle qu'elle est. Les dernières attaques djihadistes témoignent de l’échec de la Force conjointe du G5 Sahel». Il a estimé que le G5 est un «enfant illégitime et prématuré, qui serait tiré, par la France, vers sa tombe au Sahel». Des propos purement politiques, portés par un chef djihadiste.


Cette déclaration d’Ag Ghali renforce l’idée selon laquelle le jihad politique a pris le dessus sur la religion, car la défense de l’Islam et l’application de la charia ont totalement disparu du discours de ce leader terroriste. Iyad est véritablement un acteur politique qui gagnerait à ranger les  armes pour rejoindre l’opposition malienne, afin d’aller à la conquête du pouvoir dès la prochaine Présidentielle au Mali, car tous les actes qu’il pose sont inspirés par la politique. Désormais, au Sahel, le terrorisme s’inspire de la politique et non du Coran, encore moins des enseignements du prophète Mohamed (PSL). 

 

C’est ce qui explique, en partie, ce glissement vers la violence structurée ou le jihad politique.

La lutte contre le terrorisme passera aussi par l’élimination des sources de financement, la surveillance des frontières pour bloquer les circuits de circulation des armes et le contrôle des mouvements des acteurs de la violence, la démobilisation des jeunes qui rejoignent les groupes etc. Le Sahel est devenu un lieu d’expression de la violence structurée perpétrée par des délinquants terroristes qui, dans leurs actions, se démarquent de l’islam. Cette violence faite au nom du jihad s’arrime 

au grand banditisme et à la criminalité.

 

La violence terroriste va s’accentuer, les semaines voire les mois à venir, avec l’assassinat d’Abubakar Al Bagdadi, ancien chef de l’Etat islamique (EI). Les groupes terroristes vont se redéployer vers des zones hors contrôle des Forces de Sécurité des Etats, comme au Nord du Mali, au Nord de la Libye, pour reconstituer leurs forces. Le centre de gravité du terrorisme va migrer vers le Sahel, ventre mou de cette bataille contre la violence. Ainsi, il deviendra le site de recasement des groupes violents venus d’Irak. 

 

Des jihadistes irakiens, français et syriens, avec la chute du califat, vont s'installer, avec armes, bagages et argent, dans le désert malien, libyen ou algérien. Selon une experte française, l’État islamique possède 1 milliard 200.000 millions de dollars dans 10 pays du monde ; c’est-à-dire 600 milliards de francs CFA. Comparez ce budget à celui du Ministère de la Défense d’un des pays du G5 Sahel. Cette puissance financière de l’EI est assez inquiétante et elle explique l’endurance des groupes violents dans le Sahel.

 

C’est dans le cadre de la coopération qu’un pays comme la France s’implique dans la lutte contre les groupes violents dans le Sahel, surtout en Afrique francophone. Mais, Paris inspire une certaine classe d’activistes peu avertis, ainsi que des leaders terroristes, qui veulent justifier leurs œuvres malsaines par une volonté de combattre ou de chasser les Français du Sahel. D’ailleurs, il y a une certaine proximité idéologique entre Iyad Ag Ghali et ces activistes de «France dégage» du Sénégal. Décidément, la France suscite tant de passion chez certains jeunes activistes sénégalais, qui ignorent tout des enjeux du moment et des intérêts géostratégiques qui lient ces pays à la France. Le partenariat Franco-Sahel a toute sa raison d’être, il faudra juste que les dirigeants africains sachent défendre leurs intérêts, comme les Français savent bien le faire. Mais, «ce rendez-vous du donner et du recevoir» doit être bien encouragé. La France a beaucoup participé à la recherche de solution contre le terrorisme dans le Sahel, pour des raisons géopolitiques et géostratégiques hautement légitimes.

 

Faire une évaluation des différents sommets Paix et Sécurité

 

Depuis plusieurs années, Paris et Dakar abritent des Sommets sur la Paix et la Sécurité, dont l’édition 2019 s’ouvre à Dakar, ce lundi 18 novembre. Mais il est nécessaire de faire l’évaluation des éditions passées. Il faut, également, marquer une pause pour faire un état des lieux de l’opération "Barkhane" et du "G5 Sahel". Car, en dépit de la présence des Armées des pays de l’Union européenne au Mali et dans d’autres pays du Sahel, la violence terroriste est plus que jamais vivace et sanglante.

 

Le G5 Sahel tarde à prouver sa pertinence, depuis sa création, et les pays comme le Sénégal, le Maroc, l’Algérie, la Côte d’Ivoire ne souffrent point de leur absence de ce Groupe, qui n’a enregistré aucun résultat positif, faute de moyen. L’échec des différentes opérations lancées pour lutter contre le terrorisme dans le Sahel devrait appeler les décideurs à s’interroger sur la pertinence des politiques publiques de sécurité mises en place. Il faut, impérativement, changer d’approche et de stratégie, en mettant en place d’abord une nouvelle politique de sécuritaire nationale, ensuite communautaire.

 

L’organisation des Armées nationales a été dictée par une menace qui émanait des États ennemis. Elle était à l’origine des guerres qui s’opéraient entre des acteurs (des Armées nationales) bien identifiables. Les avions de guerre, les chars de combats etc. servaient bien à quelque chose dans ces guerres interétatiques. Mais, aujourd’hui, la menace a changé de physionomie et les acteurs sont différents dans leur mode de fonctionnement. 

 

Les Armées qui menaient les guerres dans les années 14/18 ou 39/45 n’ont plus cette même efficacité, lorsqu’il s’agit de combattre les terroristes de Boko Haram, des bandes armées sans territoire, sans armée connue, sans soldats identifiables, sans couleur. La guerre dans son format ancien n’existe plus. 

 

Les États ne se font plus la guerre, mais ils subissent plutôt des violences dont les auteurs sont imprévisibles. Cette violence surprend et surgit là où elle est attendue le moins. D’aucuns qualifient cette violence de terroriste. Et, pour l’éradiquer, il faut inventer une nouvelle gouvernance sécuritaire qui va s’appuyer sur les 12 points suivants :

 

1 - Financer l’éducation des populations et la sensibilisation

 

Un jeune garçon ou une jeune fille non instruit(e) est facile à endoctriner, à dévier. Et, il a été prouvé que les mouvements terroristes recrutent dans des zones où sévit la pauvreté. Ce qui fait que la jeunesse accepte toutes les offres pour monnayer sa force et son talent au profit des groupes criminels. Ces jeunes ont besoin d’une bonne éducation et de la formation. Les États doivent, alors, investir dans ces deux domaines. Les pays du Sahel ont assez de ressources pour financer l’éducation et la formation des jeunes. Les fonds investis dans la course à l'armement, par exemple, devraient servir à financer l'éducation. Le changement de la gouvernance sécuritaire impose une mutation dans les choix stratégiques.

 

Les pays pauvres du Sahel n’ont aucun intérêt à investir dans l’achat d’armes de guerre alors que la meilleure manière de combattre le terrorisme, pour les pays pauvres endettés, c’est d’anticiper en agissant sur la jeunesse par l’éducation et la formation. Lorsque 90% des garçons et des filles dans le Sahel auront le baccalauréat et un emploi, la violence terroriste reculera. Car, ce fléau se nourrit de la pauvreté qui assaille la jeunesse. Alors, il faut que l’éducation et la formation soient inscrites dans les rubriques des investissements prioritaires de nos États. En attendant, il faut mettre l’accent sur la sensibilisation, avec l’apport des médias (publics et privés), mais aussi des foyers religieux, des Associations sportives et culturelles (ASC), des Mouvements de femmes, des établissements scolaires etc.

 

2 - Encadrer l’ouverture des écoles religieuses et des lieux de culte par l’obtention préalable d’une autorisation

 

Il n’existe pas, au Sénégal, une école dans les cycles primaire, moyen, secondaire ou supérieur qui ne dispose pas d’une autorisation préalablement délivrée, par le Ministère de l’Education nationale ou de l’Enseignement supérieur. Et pourtant, dans presque tous les quartiers, des écoles coraniques sont ouvertes sans aucune autorisation. Or, ce secteur doit être organisé pour permettre à l’État d’avoir des statistiques fiables sur le nombre de "daaras" ouverts dans le pays pour pouvoir également les localités par des adresses exactes. Ainsi, les maîtres coraniques pourraient bénéficier d’un accompagnement financier de l’État, mais également des bourses d’études. Ce dernier pourra, également, participer à leur formation et au contrôle des enseignements délivrés, qui doivent forcément correspondre avec les finalités de l’éducation, telles que définies par les dispositions législatives qui organisent l’Éducation nationale. Ce contrôle est nécessaire avant l’ouverture d’une mosquée, d’une église ou d’un autre lieu de culte. Des fois, c’est par crainte de heurter la croyance religieuse des uns et des autres que l’État ferme les yeux sur tout ce qui se passe.

 

3 - Éduquer, former les femmes et financer leurs projets

 

Les moyens pour financer la lutte contre le terrorisme existent, mais ils sont injectés dans d'autres secteurs moins prioritaires, s'ils ne servent pas financer les caprices des dirigeants. Or, les femmes qui gèrent les foyers constituent le socle de la société. Elles sont assez influentes dans le foyer, pour empêcher leurs enfants à rejoindre les groupes terroristes. Mais il faudrait que l’État aide les femmes. La plupart des jeunes qui militent dans les groupes violents le font pour aider leur maman. Peu d’entre eux le font pour des raisons liées à leurs croyances religieuses. 

 

Lorsqu’un groupe terroriste propose à un jeune un salaire de 15.000 francs CFA, plus une moto et une arme, souvent les jeunes désœuvrés cèdent face à ces offres.

 

C’est parce qu’ils veulent aider leur maman qui, elle aussi, peine à joindre les deux bouts dans un foyer de plus de six enfants. Surtout lorsque le père est agriculteur, éleveur ou pêcheur sans moyens conséquents. Dans ce cas, tous les facteurs sont réunis pour que les garçons de 17 ans à 20 ans, de cette famille démunie, rejoignent la criminalité terroriste. 

 

Alors, si la mère, personnage central de la famille, a assez de revenus, elle pourra influencer ses enfants pour les empêcher de s’engager dans la délinquance. Il est certain que la violence terroriste a des fondements sociaux économiques que les femmes aux foyers peuvent résoudre, si les États acceptent de les accompagner. Il faut, dès lors, agir en amont dans les foyers, auprès des mères de famille.

 

4 - Emploi des jeunes pour éviter le renouvellement du personnel terroriste

 

Tous les jeunes Nigérians, Maliens, Nigériens etc., qui répondent à l’appel d’Amadou Kouffa, d’Aboubacar Shekau, d’Iyad Ag Ghali etc., sont en général des sans-emploi. Un jeune garçon, bien instruit et travaillant dans une entreprise, ne va jamais prendre les armes pour s’engager dans le terrorisme. Vous ne verrez jamais un cadre d’une banque, un professeur d’université ou un jeune qui travaille chez l’opérateur de téléphonie malien "MALITEL" rejoindre les groupes terroristes. 

 

Les femmes, également, qui collaborent avec les groupes violents, sont souvent issues de familles pauvres. Elles manquent souvent de moyens pour assurer la dépense quotidienne.

Par conséquent, pour empêcher le renouvellement du personnel des groupes terroristes, il faut aider la jeunesse à avoir de l’emploi. Cela leur permettrait de rester dans le tissu social, au lieu de rejoindre ces groupes criminels. Sans éducation, la plupart de ces jeunes deviennent vulnérables, et ils cherchent des possibilités de survie dans l’économie criminelle, qui les jette facilement dans le terrorisme. Les dirigeants doivent alors penser à la jeunesse. Les  jeunes ont besoin d’emplois descends pour résister à l’appel d’Aboubakar Shekau ou d’Amadou Kouffa. L’éradication du phénomène des enfants talibés est aussi un impératif de sécurité pour lutter contre la violence.

 

5 - Lutter contre la pauvreté

 

Les États ont besoin de moyens immenses pour financer l’éducation et l’emploi, et ils n’ont pas forcément besoin de l’aide publique au développement pour financer la lutte contre la pauvreté. Cette dernière, il faut la combattre au même titre que la violence terroriste. Pour cela, il faut rationnaliser les dépenses publiques, lutter contre la corruption et la mal gouvernance, afin d’économiser assez de fonds pouvant servir à éradiquer la pauvreté. Une jeunesse pauvre, sans emploi, sans avenir, est un danger pour la société.

 

La pauvreté est la mère de tous les maux de la communauté. D’ailleurs, les groupes violents s’implantent dans des endroits où les populations vivent dans la pauvreté. La rareté des pluies dans le Sahel, ces dernières années, a appauvrit le monde rural et les éleveurs ne trouvent plus les moyens d’entretenir leur cheptel. Cela, combiné à la rareté des poissons à cause des navires industriels qui vident nos côtes, rend encore la situation plus exécrable. Les familles des éleveurs, des agriculteurs et des pêcheurs sont frappées par la rareté des revenus dans le Nord du Nigéria, au Nord du Mali et dans les alentours du Lac Tchad.

 

Séduits par le discours de Shekau, de Kouffa ou d’Ag Ghali, qui accusent les États d’avoir dilapidé les ressources ou bien d’avoir «vendu» le pays aux Occidentaux, les jeunes, naturellement contestataires, rejoignent ces leaders terroristes. Les acteurs de la violence dans le Sahel utilisent un discours politique contestataire pour avoir le soutien de cette jeunesse qui accuse les dirigeants de leur pays d’être les seuls responsables de la pauvreté qui rythme leur quotidien. Au-delà, des slogans, la lutte contre la pauvreté doit être une réalité dans tous les pays touchés par la violence terroriste, et qui doivent réorienter les investissements prioritaires vers l’emploi des jeunes.

 

6 - Investir dans le renseignement

 

Les pays du Sahel sont pauvres. Ils ont des moyens assez limités pour obtenir des outils performants pouvant leur permettre de collecter des renseignements techniques sans l’appui des pays comme la France ou les Etats-Unis. Face à cette situation, il est fondamental pour les services de renseignement de s’appuyer sur le renseignement humain aussi. Il semble que les pays africains sont performants dans la collecte de ce type de renseignement. La guerre contre le terrorisme ne sert pas les pays du Sahel qui n’ont pas les moyens de mener une guerre. Si ces pays s’engagent dans une guerre contre le terrorisme, ce serait par procuration. Et là, la guerre devient encore plus chère. Pour éviter une guerre couteuse et aux issues incertaines, les pays doivent renforcer les moyens des services de renseignement. Du moment qu’avec les groupes terroristes, une guerre n’est jamais finie donc l’éviter serait une preuve de sagesse. Le renseignement permettra alors d’anticiper sur les initiatives des groupes violents. Il peut permettre de gagner la paix, et surtout d’éviter la guerre.

 

7- La circulation des armes

 

Plusieurs tonnes de munitions et d’armes circulent dans le Sahel. Les groupes violents, les mouvements irrédentistes et les anciens rebelles possèdent des armes qui, souvent servent aux braquages comme c’est le cas dès fois en Casamance. L’Afrique ne fabrique ni ne vend des armes. Et les pays africains doivent comprendre que les fonds qu’ils utilisent pour acheter des armes devraient plutôt servir à financer la paix. Et, tant qu’il y a des conflits qui éclatent dans le continent, les armes circuleront et les Etats fournisseurs feront tout pour écouler leurs productions en Afrique. L’incohérence est frappante lorsque l’on voit des pays africains très pauvres, investir dans l’armement pour combattre une menace que l’éducation et l’emploi peuvent éradiquer. Ne faudrait-il pas imposer un embargo sur les armes à certains pays pauvres pour qu’ils investissent dans d’autres secteurs plus rentables. Là, les pays comme la France qui vendent des armes aux pays pauvres du Sahel, sont également interpelés.

 

8 - La bataille numérique

 

Les groupes violents ont investi l’écosystème numérique des pays pour dérouler leur plan stratégique. L’Etat islamique en Irak disposait d’un département chargé de la guerre numérique avec une agence de communication et un bureau de renseignement «Amni» très dynamique.  Les recrutements, la formation, le financement et mêmes les opérations de violence sont planifiés à partir du numérique. Les groupes violents se sont emparés du digital pour leurs activités criminelles alors que les Etats, plus puissants et mieux outillés pouvaient en servir pour contrecarrer leurs stratégiques sans jouer le rôle de simple de suiveur ou de censeur du net. La bataille numérique n’est pas uniquement sécuritaire, elle est aussi économique et sociale.

 

9 - L'éradication des zones de non droits

 

Les groupes terroristes affiliés à l’Etat islamique cherchent des bastions dans les pays comme l’Irak, la Syrie, la Turquie, le Nigéria, le Mali, la Libye. C’est à l’instar des groupes rebelles qui existent partout dans le monde. Seulement, les Etats doivent investir dans la territorialisation. Une région aussi vaste que la forêt de Sambissa, le Nord du Mali, le désert de la Libye et de l’Algérie, la forêt de la Casamance, la zone du Lac Tchad ne doivent pas être abandonnés à ces groupes violents. Les puissances publiques doivent marquer leur présence dans ces endroits où les Etats souvent sont absents. Lorsque les forces de sécurité occuperont ces zones grises, les groupes criminels perdront leur influence dans ces pays.

 

10 - Promouvoir la justice sociale pour éviter la frustration et la radicalisation

 

La jeunesse qui s’engage dans les groupes violents peuvent être frustrés parce qu’ils ont perdu leurs proches dans cette guerre contre le terrorisme. Un jeune qui voit son père tué sous ses yeux par des militaires devient un potentiel révolté. Et il nourrit toujours la volonté de venger son père. Cela peut être une source de radicalisation surtout lorsque les auteurs de ces crimes échappent à la justice parce qu’ils bénéficient d’une certaine immunité. D’autres jeunes peuvent se sentir frustrés du fait de leur situation précaire dont ils font porter la responsabilité à l’Etat, qu’ils accusent de dilapider les ressources.

 

Or, dans un pays, lorsque les populations souffrent d’une inégalité dans la répartition de la richesse, elles peuvent être la proie d’une frustration. Voilà pourquoi, les classes sociales doivent être traitées dans l’égalité, pour éviter l’expression d’un sentiment de frustration. Lorsqu’une catégorie de population est favorisée dans un pays, au détriment des autres,  cette injustice creuse des fossés dont les conséquences sociales peuvent être dramatiques. C’est la raison pour laquelle, la classe dirigeante doit veiller à la répartition équitable des ressources des pays, et privilégier les concertations pour éviter des éclatements. L’expérience a montré que toutes les crises politiques mal gérées ont débouché sur des rebellions qui ouvrent la porte aux groupes terroristes. L’Algérie et le Mali en sont les preuves actuelles.

 

11 - Mettre fin aux agissements des Etats sponsors des groupes terroristes dans le Sahel

 

Des pays arabes et occidentaux sont accusés d’entretenir des relations avec les groupes violents dans le Sahel. Ces derniers possèdent souvent des armes qui sont hors de portée des pays. Leurs puissances financières et logistiques inquiètent. Ces groupes violents disposent d’une puissance de frappe digne d’une puissance militaire. D’où trouvent-ils ces moyens ? Il est évident que certains pays financent ces groupes pour des raisons politiques, religieuses ou économiques. Mais il faudrait mettre fin à cette sponsorisation des groupes violents par les pays étrangers.

 

12 - La coopération interétatique

 

La coopération interétatique permet de coordonner les initiatives sécuritaires. Au niveau des frontières, les Etats gagneraient à renforcer cette coopération car les acteurs de la violence qui entrent au Sénégal traversent les frontières terrestres ou aériennes. Plusieurs attaques opérées au Burkina, en Côte d’Ivoire ont été planifiées depuis le Mali. Les maliens souffrent aussi des assauts de groupes venus de l’Algérie. Des présumés terroristes arrêtés au Sénégal ont été au Mali, au Nigéria ou en Libye. Ces pays sont alors tenus de coopérer pour éliminer la menace. Les échanges d’informations entre les services des différents pays sont des initiatives à développer. D’ailleurs, il faut saluer la coopération en ce sens entre Dakar et Nouakchott, Dakar et Rabat, Abuja et Dakar. 

 

Les pays comme la France et les Etats-Unis coopèrent beaucoup avec les pays du Sahel surtout lorsqu’on sait que plusieurs terroristes français sont d’origine sahélienne. Et le retour des jihadistes venus de l’Irak ou de la Syrie pose un réel problème de sécurité pour la France par exemple. Il est certain que certains jihadistes français tenteront de passer par les pays du Sahel dans le but de rentrer en France sans être soupçonnés. La coopération interétatique est donc une exigence de sécurité pour l’ensemble des pays qui partagent la menace. Aucune stratégie nationale de lutte contre le terrorisme violent ne peut aboutir lorsqu’elle ignore les facteurs extérieurs et néglige la coopération.

 

Aujourd’hui, on peut dire que le jihad n’existe pas, car les Etats font face à de la violence criminelle et politique que les acteurs tentent d’adosser à une religion. Il faut alors, une nouvelle gouvernance sécuritaire pour éliminer cette violence que d’aucuns appellent péremptoirement terrorisme jihadiste. Ce n’est pas, par une vision sécuritaire occidentale qu’on éradiquera la violence terroriste dans le Sahel. Il faut une nouvelle gouvernance sécuritaire africaine appuyée s’il le faut par l’expertise occidentale pour venir à bout des groupes violents.

 

Mamadou Mouth BANE

Journaliste, Directeur de publication du quotidien «DakarTimes»

Lundi 18 Novembre 2019




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