Accueil temporaire de réfugiés afghans : le Sénégal a-t-il été sollicité par les États-Unis ?

Des scènes horribles montrant des individus s’accrochant à un avion-cargo en train de décoller de l’aéroport de Kaboul ont scandalisé la planète entière. Il s’agit d’Afghans qui n’ont pas l'intention de vivre dans un pays tenu par les taliban.


Vingt ans après leur débâcle, ces derniers ont effectivement repris le pouvoir à Kaboul le 15 août. La majorité d’entre ces hommes et femmes qui ont décidé de quitter ce pays quitte à défier les lois de la gravité, ont travaillé pour les pays occidentaux lors de la « Guerre d’Afghanistan ». 

 

Craignant des représailles des taliban, ils ont pris d’assaut l’aéroport de Kaboul qui, quatre jours après le départ précipité de Ashraf Ghani, continue de refuser du monde. Devant un tel désastre, la communauté internationale n’a d’autre choix que de se mobiliser pour porter secours à ces afghans qui ont peur pour leur vie.

 

Les Américains avaient déjà mis en place un plan pour évacuer tout ce qui pouvait l’être. « Les Américains ont déjà envoyé 6 000 militaires pour évacuer quelque 30 000 personnes, à savoir leurs diplomates ainsi que des civils afghans ayant coopéré avec les États-Unis », rapporte Francetvinfo.fr visité à Dakaractu. Mais tout ce beau monde n’ira pas directement aux États-Unis. Certains d’entre eux vont devoir attendre que leurs dossiers soient traités. Le temps qu’ils soient édifiés sur leur sort, ils seront accueillis par un pays tiers. 

À cet effet, les américains ont sollicité plusieurs gouvernements. 

 

Dans les Balkans, le Kosovo et l’Albanie ont accepté d’accueillir des réfugiés à la demande de Washington. L’Union européenne veut éviter un déferlement de réfugiés afghans pendant que des pays comme l’Allemagne, la Grande Bretagne annoncent leur volonté de prendre en charge 30 000 personnes.

Des pays africains ont été approchés mais à ce jour, seul l’Ouganda, s’est dit prête à offrir une terre d’asile temporaire à 1.000 ou 2.000 réfugiés Afghans pendant deux ou trois mois.

 

Dans un tel contexte, les langues se délient et se demandent si le Sénégal n’est pas sollicité par les États-Unis. Dakaractu a tenté d'en savoir plus en posant la question à un collaborateur du président Macky Sall. « Je ne suis pas au courant de cette information », a-t-il répondu. Cependant, le bruit court. Le nom du Sénégal n’est pas agité sans raison.

 

Les libyens de Guantanamo et les étudiants haïtiens 

 

En 2016, notre pays a accepté d’accueillir deux Libyens. Après 14 ans de détention à Guantanamo, à Cuba, Salem Abdu Salam Ghereby (55 ans) et Omar Khalifa Muhammad Abu Baker Mahjour Umar (44 ans) ont choisi le Sénégal comme terre d’asile.

 

Une tradition perpétuée par Macky Sall puisque Abdoulaye Wade est allé à la rescousse de 160 étudiants haïtiens après le tremblement de terre de janvier 2010 qui a fait des dizaines de milliers de morts dans ce pays caribéen. « Le peuple haïtien qui a été frappé par ce séisme, est un peuple originaire d’Afrique. Les Haïtiens d’aujourd’hui sont partis des côtes d’Afrique, de Guinée disait-on à l’époque. Par humanisme, nous devons aller à leur secours à l’exemple de tous les peuples du monde, mais également parce que ce sont nos frères de sang et de lait. C’est pourquoi, nous devons les accueillir auprès de nous », prétextait au micro de RFI Mamadou Lamine Bâ, alors chargé des affaires nationales et humanitaires dans le cabinet de Me Wade.

 

Ces deux cas ne sont que l’arbre qui cache la forêt puisque, Dakar a accepté que des rwandais condamnés par le Tribunal international pénal pour le Rwanda pour leur rôle dans le génocide des années 90 purgent leurs peines dans des prisons sénégalaises. Ce qui fait de Mathieu Nguirampate, d’Elie Ndayambaje et d’Arsène Shalom Ntahobali des locataires de la prison de Sébikotane depuis 2017. 

 

Leur compatriote Edouard Karemera, ancien ministre de l’Intérieur du Rwanda, y a d’ailleurs trouvé la mort en septembre 2020. De cause naturelle.

 

Terre de refuge, le Sénégal peut du jour au lendemain renvoyer ses « invités ». Les deux anciens détenus de Guantanamo ne diront pas le contraire. Deux ans après leur arrivée à Dakar, les Libyens ont reçu avis pour quitter le pays où ils commençaient à donner un second souffle à leur vie. Le 4 avril 2018, Salem Abdu Salam Ghereby et Omar Khalifa Mohammad Abu Baker Mahjour Umar sont mis dans un avion, direction la Libye via la Tunisie. Jusqu’à présent les autorités sénégalaises n’ont pas fourni d’explications sur cette expulsion injustifiable selon l’avocat de l’un d’eux et les organisations de défense des Droits de l’Homme. Constituaient-ils une menace pour la sécurité du Sénégal ? Personne ne peut à ce jour répondre à cette question. 

 

Utilisation des voies de l’émigration par les groupes djihadistes

 

On sait en revanche qu'ils avaient des liens avec Al Qaïda et étaient des experts en explosifs, même s’ils n’ont jamais été inculpés par la justice américaine. Il est également prouvé que d’anciens détenus de Guantanamo ont renoué avec le jihad après leur libération. 

 

Suite aux attentats du 13 novembre 2015 à Paris, revendiqués par l’État Islamique, les policiers ont retrouvé des passeports syriens près des dépouilles de deux des trois kamikazes du Stade de France. Selon lexpress.fr, il s’agit de faux documents. « Les deux djihadistes étaient vraisemblablement irakiens », écrit le site français qui précise que les deux hommes sont arrivés en Europe le 3 octobre de la même année par l'île de Leros, en Grèce.

 

L’un des auteurs des attentats du 13 novembre 2015 à Paris, s’est fait passer pour un réfugié syrien. Les groupes djihadistes sont assez rusés pour savoir qu’une occasion en or leur est donnée de pouvoir déplacer leurs combattants en les faisant passer pour des demandeurs d’asile.

 

Consciente de ce risque, l’Ouganda qui est prête à loger des centaines de réfugiés, attend d’être éclairée sur les profils de ses futurs « convives ». « Nous avons demandé à nos homologues américains de nous fournir plus de précisions sur le profil exact des individus que Washington nous prie d’accueillir pendant deux ou trois mois, le temps de les soumettre à des contrôles avant de prendre la route vers les États-Unis », a confié le ministre ougandais à rfi.fr  lu à Dakaractu.

 

Si le Sénégal devait faire partie des pays sollicités par les États-Unis, la même attitude serait attendue de ses décideurs.

Vendredi 20 Août 2021




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