Mais, où était la Task Force Républicaine ? « La victoire obtenue par la violence équivaut à une défaite, car elle est momentanée. » (Mahatma Gandhi)


Mais, où était la Task Force Républicaine ? « La victoire obtenue par la violence équivaut à une défaite, car elle est momentanée. » (Mahatma Gandhi)

Nous avons choisi cette fois-ci de transpirer sur ce papier, moins long que d’habitude, parce que nous avons l’impression de n’avoir jamais été entendu. Nous sortons à peine d’un hallucinant buzz national, giclant jusqu’au delà de nos frontières. En effet « l’affaire Ousmane Sonko », en quelques jours, a fini de mettre à rude épreuve les fondements de notre pays, et mis à nu la fragilité de notre fameuse démocratie. Des jeunes ont mis la main sur la presque totalité de l’espace public, demandant la libération du leader du parti PASTEF. Jamais notre pays n’a connu un niveau de violence aussi inouïe, en un si peu de temps (une dizaine de morts en quatre jours). Et pourtant, ce qui a pris une allure de crise nationale est parti d’une supposée « banale histoire de massage ».

 

Ainsi, le niveau de mobilisation et de manifestation a pris de court le pays entier. Ni les gouvernants ni le peuple lui-même ne s’y attendaient. Notre régime a ramé, pataugé et même chancelé par moment.  Les responsables de l’APR qui avaient été, plus ou moins brutalement arrachés à leur sommeil, se sont gardés de toutes sortes de théories et d'analyses, exercices vraisemblablement interdits au sein de notre parti, car imposant de réfléchir et donc d'avoir un cerveau.

Sonko avait raison depuis le début. Il l’a encore juré, la main sur le cœur, qu’il n’est pas coupable des faits, à lui reprochés, même s’il ne nie pas, par les mêmes voies, d’avoir eu des rapports sexuels consentis avec la fille. Nous rappelons qu’il est accusé de viol et de menaces de mort sur une masseuse.

 

A sa libération suite à sa mise sous contrôle judiciaire, les avenues et rues menant au domicile du leader incriminé refusaient du monde, tandis que se tramait en coulisse, la plus belle forfaiture de l’histoire politique du Sénégal. Choisir entre abandonner le pouvoir dès 2024 ou le quitter maintenant, tel semble être l’alternative proposée par l’opposition au Président Macky Sall. Le sort du Sénégal entre les mains de deux hommes. L’un jeune, immature politiquement et téméraire, mais audacieux et profondément « patriote ». L’autre « génie politique », engagé et résolu à mener à bien le plan de développement économique qu’il a déjà tracé. Tous deux ont pris la parole en une heure d’intervalle. Le peuple souverain a écouté et entendu, et les tout prochains jours montreront ce qu’il aura réellement compris. 

 

En tout état de cause, nous avons remarqué que la segmentation de manière subtile des publics-cibles, dans les différentes communications que nous avons eues, gages de décrispation du climat délétère, a été pensée, avec une référence à la jeunesse et aux femmes. Une adresse à la nation très peu élitaire, soudant le chef de l'État à ces deux franges de la population. Ousmane Sonko veut « exiger » un agenda à l’État du Sénégal. Le Président Macky Sall a donné des garanties collectives de sortie de crise pour la jeunesse. Entre injonctions sonkiste et propositions de réorientation et de réajustement des politiques mackystes, notre navire « le Sénégal » tangue.

 

L’allocution du leader de « PASTEF-Les Patariotes » était simple dans le vocabulaire employé comme dans la syntaxe et les arguments étalés, et cela a servi certainement à dissimuler la longueur de son discours. La rigueur dans le choix des mots et la sérénité s’échappant de son visage facilitait sa réception par tous ceux qui ont suivi son intervention. 

 

À titre de comparaison, la déclaration en français du Président de la République et le retard de la diffusion de sa version wolof, invitant à un retour au calme à la suite des violences de la semaine dernière, sont révélateur d’un manque, d’un vide. Deux questions essentielles nous taraudent l’esprit : qui gère la communication de l’APR ? Où est passée la Task Force Républicaine installée en grande pompe, juste quelques mois auparavant ? Pourtant, dans une contribution publiée dans la presse, titrée « La Task Force Républicaine, une hérésie ? » nous avions averti en posant la question suivante : « Quelle efficacité pourrait avoir le groupe des 30 de l’Alliance pour la République sans une force digitale agressive à côté, et qui serait à la hauteur des défis politiques ? » Nous avons la conviction que cette affaire opposant deux citoyens sénégalais aurait pu être politiquement contenue par des « combattants du numérique », avant d’éclabousser le Chef de l’État. D’une affaire simplement privée, le génie de Sonko en a fait une affaire éminemment et profondément politique. 

 

Ainsi, PASTEF a pris du champ, et Ousmane Sonko de la hauteur, inversement aux attentes des responsables de l’Alliance Pour la République.

 

Si le président Macky Sall a réussi à relever un premier défi dans la gestion de cette crise, c’est-à-dire comment y mettre un terme ; il lui reste à en relever un autre : celui de pouvoir en annoncer la fin avec justesse et exactitude. Ce n’est qu’après avoir relevé ces deux challenges qu’il pourra mobiliser toutes les forces vives de la nation aux fins de rassurer les sénégalais. Les tout prochains jours seront consacrés, de part et d’autre, à récupérer une place et un statut : celui du rôle de porteur d'espoir dans les heures sombres. Le job des conseillers en communication du Président qui sont grassement rémunérés devra être de faire en sorte que Macky Sall joue ce rôle. 

 

Or, il nous est désagréable de constater, après autant de violence et d’étalage de haine, la difficulté de réussir la Communauté nationale. Il faut vaille que vaille faire adhérer les populations à la Communauté nationale. C’est une nécessité ! Or, un fil semble être rompu entre le régime et une frange représentative du peuple. L’adhésion du peuple aux messages véhiculés par le pouvoir est infiniment importante pour passer à l’étape de réconciliation, puisque cette adhésion populaire aux discours et aux politiques de l’État constitue sans conteste un gage de légitimité pour ce dernier. Et comme semble vouloir nous l’inoculer Ousmane Sonko, la légitimité relève de la rue si la légalité reste déterminée par les urnes. Dès lors, nous estimons que la meilleure façon de déclarer une sortie de crise est de permettre au Président de la république de faire renaître l’espoir chez les jeunes et les femmes, en construisant un autre projet dans la concorde nationale.

 

En dernière analyse, nous estimons que la communication du camp du pouvoir durant cette crise a été souvent parsemée de contradictions et de répétitions inutiles. Pour sa propre sortie de crise, Ousmane Sonko a choisi d’en faire « une affaire politique » et y a mis le paquet ; tandis qu’en prenant le parti d’en faire « une affaire privée » nous n’y avons pas mis avec pertinence tous les moyens communicationnels nécessaires. Les pires joueurs d’échec sont de notre camp, nous devons l’avouer. 

 

Depuis le début de cette crise, les tenants du pouvoir devaient comprendre que c’était juste une guerre de communication qu’il fallait remporter avant qu’elle n’éclate. Hélas ! Ils ont beaucoup trop laissé faire. Sonko et sa « task force » d’animateurs de réseaux sociaux ont su « informer » à temps réel les sénégalais à coup d’ambivalences, d’infox et de contradictions, à travers le recours à la manipulation d’images, de vidéos, de mythes, et quelques rares fois de gestes. 

 

Espérons que l’exécution de la feuille de route de l’opposition portée par Ousmane Sonko ne se fasse pas sur les cendres de l’unité et la cohésion nationale, et qu’il saisisse la portée du message du président Macky Sall : « Voyageurs dans le temps, nous sommes dans une barque dont nous descendrons pour laisser la place à d’autres ».

 

Lamine Aysa FALL

Responsable de l’APR- Thiès nord

Mardi 9 Mars 2021




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