Covid-19- Dr Babacar Ngom, Président de l’association sénégalaise de médecines du sport (Asms) : « Le Sénégal a deux « bombes » en attente au niveau de nos frontières… Les cas des sportifs sont plus médiatisés »

Les blouses blanches réunies au sein de l’association sénégalaise de médecines du sport (Asms) dirigée par le docteur Babacar Ngom sont plus que jamais activent dans la lutte contre la pandémie du covid-19. Interrogé sur le sujet par Dakaractu, c’est depuis la localité de Saly Portudal où il se trouve présentement (Complexe sportif Diambars) qu’il a répondu à nos questions. Dans cet entretien téléphonique accordé à la rédaction, le Dr Ngom qui s’est félicité de la pro activité de l’Etat du Sénégal dans cette lutte acharnée contre la maladie, reste tout de même prudent et parle de « bombes » qu’il faudra impérativement désamorcer au niveau des frontières (Mali, Guinée, Mauritanie…) Ce, afin d’éviter une explosion des cas de contamination dans les semaines à venir. Actif dans le milieu professionnel, le remplaçant de feu Fallou Cissé n’a pas manqué de faire un diagnostic poussé de l’impact de la pandémie sur les sportifs professionnels…


Covid-19- Dr Babacar Ngom, Président de l’association sénégalaise de médecines du sport (Asms) : « Le Sénégal a deux « bombes » en attente au niveau de nos frontières… Les cas des sportifs sont plus médiatisés »

Pouvez-vous nous faire une brève présentation de l'association Sénégalaise de médecines du sport (Asms) ?

 

« L’association sénégalaise de médecines du sport, est une association de médecins, de paramédicaux (Infirmiers, sage-femme, kinésithérapeutes) et d’autres spécialités médicales, dentistes, pharmaciens, biologistes qui sont au nombre de 400... »

 

Quel est votre rôle ? Et, vos domaines de compétence ?

 

« Notre association encadre toutes les activités sportives au Sénégal que ça soit sur et en dehors du terrain en matière de formation de cadres médicaux. Mais également de cadres techniques  lors de leur passage de diplômes, il y a une partie médicale que l’association prend en charge. »

 

 

La pandémie du coronavirus touche sévèrement le Sénégal qui compte déjà 38 cas (dont 5 guéris et 33 sous traitement.) Comment jugez-vous la prise en charge de la situation par l'État du Sénégal ?

 

« Elle est excellente ! À mon avis, en tant que médecin, je pense que la prise en charge est excellente. Le Sénégal avait déjà pris les devants depuis très longtemps. Nous avons commencé la sensibilisation il y a 30 jours bien avant l’apparition du coronavirus au Sénégal, dès l’apparition de l’épidémie en Chine. Nous savions que nous gérons une population (Les sportifs) très fragile sur le plan de la santé. Et donc nous avons commencé la sensibilisation par l’affichage de flyers, la diffusion de messages sur les réseaux sociaux etc.  L’évolution des cas au Sénégal reste quand-même assez timide bien qu’il ne faudrait pas négliger les 38 cas...Quand le virus sévit sérieusement il y a ce qu’on appelle le double des cas chaque trois jours.  En plus de 20 jours le Sénégal n’a eu que 38 cas pour le moment, cela veut dire qu’on est loin des prévisions standards. »

 

Le dispositif sanitaire déployé est-il efficient selon vous ?

 

« Le Sénégal a aujourd’hui à deux « bombes » en attente. La première bombe c’est au niveau de nos frontières. Il y a beaucoup de bruit de bottes au niveau de la frontière Maroco-mauritanienne et de la frontière Sénégalo-mauritanienne. Nous avons peur avec surtout les décès de 475 personnes hier (Mercredi 18 mars) en Italie. Nos compatriotes en Europe ont peur et préfèrent prendre le risque de venir par n’importe quel moyen au Sénégal. Donc je pense que vu cette situation, d’ici le week-end  si les cas positifs ne flambent pas, on pourra s’en sortir. La deuxième « Bombe » ce sont nos autres voisins de l’Est et du Nord (Mali, Guinée…) parce qu’ils font beaucoup plus confiance à notre système de sanitaire, quand ils ont des cas ils vont forcer pour essayer de rentrer au Sénégal. Là également je pense qu’il serait intéressant de rendre nos frontières plus hermétiques. »  

 

Les activités sportives entre autres ont été suspendues pour une durée de 30 jours. Selon vous, quels sont les inconvénients que cela pourraient engendrer pour les sportifs professionnels ?

 

« Je suis un peu gêné de parler d’inconvénient pour les sportifs par rapport à l’état de forme. Si on compare la situation par rapport aux avantages de l’arrêt, le fait de perdre sa compétitivité, son endurance est négligeable par rapport au fait de préserver sa santé. Aujourd’hui cet arrêt a plus d’intérêt que l’activité physique. »

 

Comment devraient-ils faire pour se maintenir en forme durant cette trêve « forcée » ?

 

« Nous n’avons pas la panacée ou une sorte de formule magique qui dit que c’est ça qu’il faut faire. Chaque club, chaque fédération, chaque athlète selon sa spécificité devra prendre les mesures idoines. Présentement je suis dans l’institut Diambars, où loge non seulement des pensionnaires du club, mais également des locataires du club appartenant à Aspire, la NBA… Ils ont tous là en confinement, ce sont des mesures drastiques de confinement que nous avons préconisées. Les joueurs continuent à s’entraîner, mais ce sont des entraînements  allégés en durée et en intensité... »

 

 

Beaucoup de joueurs de football professionnels ont été testés positifs au Covid-19. Peut-on considérer qu'ils sont plus exposés ?

 

 

« Ils sont "robustes"mais c’est une population fragile. Avec la compétition c’est à double tranchant, il très facile de basculer dans un sens ou dans l’autre. Soit dans le surentraînement  ou dans l’autre versant. Je ne pense pas qu’ils soient plus exposés, mais en réalité les cas des sportifs sont plus médiatisés. Par exemple hier (Mercredi 18 mars) il y a eu 450 morts Italie, s’il y avait un seul sportif parmi eux, il y aurait un tollé. »

 

 

Les sportifs ont-ils plus de chances d’échapper et ou de guérir de la maladie ?

« C’est vrai que le sport renforce les capacités humanitaires les capacités de renforcement etc. Mais pour autant. ceci ne nous permet pas de dire qu’ils sont plus exposés ou pas. Le personnel médical est plus exposé par exemple… »

 

 

Vous êtes représentés au niveau des 14 régions du Sénégal, pourquoi on ne vous entend pas dans cette campagne de sensibilisation et de prévention ?

 

« Nous travaillons dans l’ombre. Depuis que l’épidémie s’est déclarée, nous sommes sur le terrain. Nos correspondants d’antennes régionales sont tous sur le pied de guerre. Là on n’a plus le plus le choix nous devons beaucoup plus médiatiser nos actions de sensibilisation.  »    

 

 

Comment voyez-vous l'évolution de cette pandémie dans un futur proche ? Êtes-vous confiant ?

 

« Je suis très confiant. Mais ma confiance est un peu sous-tendue par ce passage critique qui nous attend d’ici le week-end. Les « Bombes » que j’ai mentionnées ci-dessus, si elles sont désamorcées, à partir de la semaine prochaine vous verrez que les cas guéris seront supérieurs aux cas testés positifs... »

Jeudi 19 Mars 2020




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