Cinquantenaire de Mai 68 : l’éternel « Y’en a marre » de la jeunesse sénégalaise, dindon de la force


Cinquantenaire de Mai 68 : l’éternel « Y’en a marre » de la jeunesse sénégalaise, dindon de la force
L’alliance entre l’ancien élève maoïste Macky Sall et Moustapha Niasse, réputé anti-communiste, montre que les temps ont beaucoup changé de part et d’autre du Rideau de fer. Même les montagnes se rencontrent 50 ans après les évènements de Mai 1968. En effet, la fin de la Guerre froide a imposé une redistribution des cartes au plan géopolitique. Moscou ne voit plus d’intérêt à enrôler de jeunes Africains friands de littérature rouge.

L’une des figures de proue de cette jeunesse estudiantine-là, Mamadou Diop Decroix, fait partie des plus fidèles alliés du libéral Me Abdoulaye Wade. Le numéro 2 du Pds, Omar Sarr, a été nourri aux mamelles du Trotskysme.  

C’est dire que les modèles anti-systémiques que porte le romantisme révolutionnaire n’ont pas prospéré dans ce landerneau, où la tactique remplace l’idéal.

Pourtant, cette jeunesse, estampillée « malsaine » par le président Abdou Diouf, a toujours été à la pointe du combat pour l’élargissement de la sphère des libertés publiques et l’installation du pays sur les rampes du progrès économique et social.

Déjà en 1988, elle a, dans un contexte d’ajustements structurels rudement éprouvés, sonné le tocsin de la révolte qui a conduit à la première année blanche et amené Abdou Diouf à dialoguer avec son opposition. Comme au lendemain de Mai 68 elle avait obligé Léopold Sédar Senghor à nommer, à la tête d’un gouvernement rajeuni, un Premier ministre de 35 ans et à favoriser l’ouverture démocratique devant mettre fin au « Parti unique de fait ». Sans l’apport des quatre-vingt-huitards, on n’aurait pas eu le Code consensuel de 1992 qui rendra possible la première alternance démocratique de 2000. L’entrée au pouvoir des principaux leaders de l’opposera creusera un vide qui sera vite comblé par les rappeurs, tenants du « Hardcore » de la fin des années 90. Ces derniers, servis par la naissance des premiers radios privées, se substitueront à des jeunesses politiques de moins en moins formées idéologiquement et ayant déserté leur mission de conscientisation des masses. Ils sont les précurseurs de « Y’en a marre », ce mouvement qui jouera un rôle décisif pour le départ du président Abdoulaye Wade en 2012.

 En direction de la présidentielle de 2019, on assiste à l’émergence de néophytes, comme Ousmane Sonko et Bougane, qui se proposent de nettoyer les écuries d’Augias dans ce Sénégal dépendant largement des envois de ses enfants de la diaspora qui, pour la plupart, sont allés à l’étranger faute de voir le bout du tunnel chez eux. Les nouveaux messies ciblent cette jeunesse à laquelle le Pape du Sopi avait promis le plein-emploi en 2000 et Macky Sall 500 000 emplois en 2012. Les socialistes avaient conçu « le Projet maîtrisards » ou encore la DIRE (Délégation à l’insertion, à la réinsertion et à l’emploi), sans endiguer le mal après 40 ans de gestion. Même les 20 000 emplois par an promis par Abdou Diouf en 1993 n’ont pas vu le jour.

En définitive, véritable « bombe sociale », la jeunesse sénégalaise est toujours cette révoltée de Mai 68, victimes de politiques sans réelle efficacité sur son vécu. Un mal chronique exacerbé par la tropicalisation du Djihadisme, corolaire de l’émigration clandestine.

 

 
Jeudi 3 Mai 2018




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