Mort supposée d'Amadou Kouffa : La guerre médiatique fait rage


Mort supposée d'Amadou Kouffa : La guerre médiatique fait rage
Figure du jihad dans le centre du Mali depuis trois années, Amadou Kouffa est donné pour mort par la France. Le samedi 24 novembre, la ministre française de la Défense, Florence Parly se fend d'un mini-thread sur Twitter pour annoncer en grande pompe la mort probable du chef de la Katiba du Macina. Selon Florence Parly, La troisième personnalité du Groupe de soutien à l'Islam et aux musulmans a été tué dans une opération menée par les forces spéciales françaises déployées au Mali à la faveur de Barkhane. Le site des armées françaises livrera les détails de l'offensive qui serait venue à bout du prédicateur extrémiste, allié d'Iyad Ag Ghali. Des avions Mirage 2000, des hélicoptères Tigre et Gazelle, des drones Reaper, un avion ravitailleur C135 et des hélicoptères de manœuvre ont été mis à contribution pour mettre “hors d'état de combat” une trentaine de membres de la Katiba Macina nichés dans le centre du Mali. A cela, il faut ajouter les troupes lâchées au sol pour finir le boulot. Seulement, au bout de ce travail méticuleux, l'armée française n'est pas sûre d'avoir occis le chef jihadiste d'où le terme employé par Florence Parly dans sa communication. Elle a parlé de probabilité.
 
Guerre médiatique
 
Quelques heures plus tard, un rebondissement survient et non des moindres. L'armée malienne dont la participation à l'opération a jusque-là été tue par l'Hexagone sort du bois pour annoncer à son tour la mort d'Amadou Kouffa. Le chef d'Etat major adjoint des Forces armées maliennes (FAMas) est formel : Kouffa a succombé à ses blessures, alors qu'il était en instance d'évacuation par les survivants de l'attaque.
 
En face, on dément la mort d'Amadou Kouffa. Par le biais de journalistes spécialistes des questions jihadistes dans le Sahel, un membre du Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM) auquel appartenait (?) le défunt (?) prédicateur prend le contre-pied des armées française et malienne. Dans ce qui semble être une sortie officieuse, la fédération de mouvements jihadistes s'activant au Sahel prétend que l'un de ses principaux dirigeants se porte comme un charme.
 
Au regard de l'attitude des uns et des autres, il est évident qu'il y a une volonté manifeste de gagner la guerre médiatique autour du supposé décès du chef jihadiste. Mais de l'avis de Yvan Guichaoua, enseignant-chercheur à la Brussels School of International Studies, la France semble jouer la carte de la prudence là où “les autorités maliennes, qui n'étaient pourtant pas à la manœuvre directement, sont affirmatives”.
 
Pour l'enseignant-chercheur, la prudence dont font montre les forces armées françaises découlent du fait qu'elles “suivent des procédures d'identification des corps qui prennent du temps”. Mais du côté malien, cette procédure n'est pas de mise car les Famas sont assurés que Kouffa n'est plus de ce monde. Yvan Guichaoua suggère d'attendre “d'éventuelles conclusions des français” pour être fixé sur le sort du jihadiste. Ou, au mieux, un communiqué officiel du Groupe de soutien à l'Islam et aux musulmans. Ce qui n'est pas pour demain.
 
En attendant, ladite entité, à travers quelques uns de ses membres, rajoute à la polémique en niant la neutralisation du jihadiste peulh. Aux yeux de l'enseignant-chercheur, cela peut signifier un “souhait de gagner du temps pour, par exemple, rassurer les combattants, trouver un éventuel remplaçant, instiller le doute dans les opinions publiques. Laisser les gens spéculer est plus avantageux pour le JNIM que d'admettre un revers”.
 
L'Avenir du jihad dans le centre du Mali
 
Si la spéculation mène le bal autour de la mort supposée d'Amadou Kouffa, c'est parce que ces dernières années, le jihad qu'il mène au centre du Mali inquiète aussi bien les autorités maliennes que les français. Surtout que dans une récente sortie sous la bannière du Groupe de soutien et à l'Islam-il était entouré d'Iyad Ag Ghali et de Yahya Abou El Hamam-, le chef de la branche d'Ansar Dine dans le centre du Mali appelait les peulhs de toute la zone ouest-africaine à adhérer au jihad. Sous ce rapport, son éradication peut à cet effet être lourd de conséquence pour son organisation. Mais selon le chercheur Yvan Guichaoua, ça “dépend de qui est mort avec lui ou de son possible remplaçant”. “Or, ces informations ne sont pas disponibles”, regrette-t-il. Selon le journaliste nigérien Seidik Abba qui cite “plusieurs sources locales”, c'est un certain Hamadou Issa dit Ougouba qui serait l'actuel chef du FLM (Front de Libération du Macina). Sans autres détails.
 
Quoiqu'il en soit, l'armée malienne qui s'est engouffrée dans la brèche que lui offre la mort qu'elle avoue certaine de Kouffa tient là une occasion de revenir dans la manche. Cela s'est fait ressentir dans la communication à outrance qui ressemble bien à une tentative de se donner un “poids qu'elle n'a pas sur le terrain”. 
 
Iyad seul face à Okacha
 
Si cette mort venait à être confirmée, anticipe Yvan Guichaoua, elle fragiliserait aussi Iyad Ag Ghali au sein du GSIM en ce sens qu'il comptait beaucoup sur Kouffa pour asseoir son leadership. La preuve, Amadou Kouffa est apparu à la table des barons du jihad dans le Sahel lors de l'annonce de la naissance du GSIM. Quand il a fallu aussi toucher la fibre du Pulaaku (la communauté peulh), c'est encore lui qui est réquisitionné. Un vide qu'Iyad devra sans doute combler au risque de voir son pouvoir s'effriter au profit d'une montée en grade de l'Algérien Yahya Abou El Hammam dit Jamel Okacha.
 
Mais on n'en est pas encore à ce stade. Habitué de Whatsapp”, dit-on, Kouffa devrait fixer tout le monde s'il a survécu à l'offensive franco-malienne. “Toutefois, conclut l'enseignant chercheur, si son silence se prolonge, les gens tireront leurs propres conclusions”.
Mercredi 28 Novembre 2018




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