Retour «imminent» du poste de PM : Quel profil pour le prochain chef du gouvernement sénégalais?

Deux ans environ après la suppression du poste de Premier ministre dans le gouvernement sénégalais, le président de la République a annoncé lors du conseil des ministres du mercredi 24 novembre, le retour imminent du poste de Premier ministre. Une décision très contestée par certains acteurs de la classe politique, notamment ceux de l’opposition. Mais la véritable question qui mérite d’être posée surtout dans ce contexte économique post Covid-19 et pré électoral, c’est « de quel profil devrait véritablement disposer le futur chef du gouvernement sénégalais ? »


Moussa Taye : « Un Premier ministre neutre politiquement, un cadre techniquement compétent »

 

Même s’il est précise d’emblée qu’avec le président Macky Sall, il ne faut s’attendre à rien de concret, mais plutôt des « magouilles de politique politicienne », pour recaler de potentiels adversaires politiques afin de rester le plus longtemps possible à la tête du pays. Moussa Taye, le conseiller politique et porte-parole de Khalifa Sall, veut un Premier ministre neutre sur le plan politique et techniquement compétent dans tous les secteurs.  

 

« Le président Macky Sall est habitué à des manœuvres et toute mesure qu’il entreprend relève d’intérêts crypto-personnels. À l’époque, ses partisans avaient envahi la presse pour défendre la suppression du poste de Premier ministre, aujourd’hui c’est le même scénario qui a été utilisé. Ce sont les mêmes personnes qui se lèvent pour défendre cette décision. Mais en tout état de cause, que Macky Sall ait supprimé ou voulu restaurer le poste de Premier ministre, nous considérons que c’est une manœuvre politicienne pour se maintenir au pouvoir.

 

Toutes ces manœuvres, il les fait dans le seul but de se maintenir au pouvoir. Macky Sall ne s’est jamais intéressé au profil. Il n’a jamais cherché à trouver les meilleurs sénégalais pour les mettre dans un gouvernement. Il cherche toujours des gens qui savent manipuler ou qu'il utilise à sa guise et des gens qui lui seront soumis. Il ne cherche pas de profils meilleurs ou encore des profils qui peuvent faire avancer les choses. Aujourd’hui, le profil ne l'intéresse pas. On parlera bien d’Amadou Ba, d’Aminata Touré, d’Aly Ngouille Ndiaye. Mais ce sont ces gens-là qu’il avait limogés tout récemment. Et je pense que s’ils étaient bons, ils ne quitteraient pas le gouvernement. 

 

Maintenant, il faut qu’on nous dise clairement dans l’exposé des motifs portant cette loi, pourquoi on veut rétablir le poste de Premier ministre avec des arguments convaincants. Une fois que cela est fait, que les députés aient le courage aussi de mener le débat démocratique pour dire au gouvernement la vérité sur ce jeu de tâtonnements et d’errances politiques. Maintenant sur le profil du Premier ministre, si Macky Sall veut montrer la voie  et s’il veut faire gage de bonne volonté, il faut qu’il nomme un Premier ministre neutre politiquement. Un cadre techniquement compétent et reconnu par tous les sénégalais. Mais s’il nomme un homme politique de son parti ou de son clan ou encore quelqu’un qu’il avait hébergé, c’est parce qu’il est dans des manœuvres et des calculs politiques », propose Moussa Taye.

 

Youssou Diallo : « Il nous faudra un homme politique au profil technocrate, qui ne sera pas là-bas pour apprendre »

 

Loin s'en faut de la vision du conseiller politique de Khalifa Sall, Moussa Taye, le président du Club Sénégal émergent Youssou Diallo qui dit avoir longtemps défendu le retour du poste de Premier ministre dans le gouvernement, est de ceux qui pensent qu’à l’heure actuelle, et vu le contexte politique, économique et social un peu perplexe, le Sénégal a besoin d’un homme de consensus fort, mais dans une primature rationalisée tant dans le cadre de son fonctionnement que de ses effectifs.

 

« Quand le poste a été supprimé, j’ai compris la mesure prise et j’ai défendu les raisons qui ont été défendues avec le Fast-Track pour accélérer les dossiers. Maintenant à la suite des évènements de Mars, le club Sénégal émergent avait sorti un communiqué pour demander le retour du poste de Premier ministre, avec une primature rationalisée et un remaniement profond du gouvernement. Donc nous avions fait partie des gens qui avec l’évolution des circonstances, avaient demandé effectivement que ce poste soit ramené pour plusieurs raisons, dont d’abord la nécessité d’alléger un peu le président de la République pour éviter ce qu’on appelle un effet d’encombrement des dossiers. Parce qu’à partir de la suppression du poste de Premier ministre, de facto, le président devenait le chef du gouvernement, ce qui veut dire que l’ensemble des ministres s’adressait directement à lui et compte tenu de la situation, le président a aussi un calendrier international mais aussi des activités sociales et politiques. Et n’oubliez pas que quand la covid-19 est survenue, nous avions noté l’accélération du phénomène de l’émigration irrégulière, tout cela combiné avec les évènements de Mars aggravés par la situation économique, nous avions dit qu’il était nécessaire de faire revenir le poste de Premier ministre. 

 

Dans ce cadre, je soutiens toujours le retour du poste de Premier ministre au Sénégal avec une primature rationalisée dans le cadre de son fonctionnement et de ses effectifs et qui, dans ses procédures, va répondre aux préoccupations du pays et de prise en charge des dossiers majeurs du Sénégal, de règlement de la demande sociale, particulièrement l’emploi des jeunes, avec une accélération des projets d’infrastructures et de développement du pays afin que nous puissions atteindre un taux de croissance à deux chiffres. 

 

Donc cela suppose qu’il y ait quelqu’un qui s’occupe de cette question à plein temps, très subtil et efficace. Le profil que je vois, il faudrait d’abord qu’il soit un profil technocrate, quelqu’un qui est un homme d’État, qui connaît bien l’État, qui a aussi pratiqué l’État au plus haut niveau, et quelqu’un qui ne sera pas là-bas pour apprendre quoi que ce soit, mais quelqu’un qui se met très vite à la tâche. Donc, il va falloir qu’il soit un homme d’État avec un profil technocratique, un homme de consensus. 

 

Qu’il ne soit pas un profil qui divise la classe politique, ce que l’on appelle un peu la majorité présidentielle. Qu’il ne soit pas aussi un profil envahissant par rapport au président de la République, et il faudrait qu’on évite le phénomène de dualité au sommet de l’État. Bref, un homme politique au profil technocratique. Il ne doit pas être quelqu’un qui vient apprendre mais une personne opérationnelle », souligne le président du Club Sénégal émergent, non moins PCA de la Sonacos.   

 

Ibrahima Bakhoum (analyste politique) :  « Il faudrait un profil psychologique! »

 

Cependant, pour l’analyste politique Ibrahima Bakhoum, il ne faudrait pas perdre beaucoup de temps sur le profil du futur chef du gouvernement. Car pour le journaliste et analyste politique, le prochain Premier ministre n’aura rien d’extraordinaire par rapport à ses prédécesseurs. Il est nommé par le président de la République et il doit obéir à la lettre aux recommandations de son chef Macky Sall. Pour cela, Ibrahima Bakhoum propose un profil psychologique pour le prochain chef du gouvernement.  

 

« Écoutez, pour le prochain chef du gouvernement, il faudrait un profil psychologique, c’est-à-dire ne pas donner l’impression qu’on s’intéresse au fauteuil du président de la République. Il doit être aussi prêt à faire exactement comme tous ses prédécesseurs depuis plus de vingt ans. C’est-à-dire exécuter à la lettre les recommandations du chef de l’État. L’autre chose et non moins importante, c’est la proximité politique avec le chef de l’État. Maintenant, on avance des considérations économiques liées au contexte post covid-19, donc dans des cas pareils, on a toujours le même président donc il serait difficile d’avoir quelqu’un qui va s’écarter complètement du mode de gouvernance actuel. Le pays a déjà son président, et c’est lui qui décide de tout, donc l’histoire de profil politique ou profil économique, technocrate ou monocrate ne tient pas. C’est le président qui décide de tout et le back-ground importe peu. Tel que le système fonctionne depuis plus de trois décennies, c’est le président qui décide de tout. Tout le reste c’est de l’habillage. On a connu des technocrates, ils étaient là, mais ils ont tous fait long feu. Ils ne sont pas allés très loin dans leurs démarches. Abdoulaye Wade en avait, Abdou Diouf en a eu, Macky Sall aussi en a eu. Parce que nous sommes dans un pays où tout tourne  autour de la politique politicienne. 

 

Tant qu’on est là à polémiquer sur des questions de troisième mandat, et quel que soit le profil économique, politique, social et environnemental, il faut être un exécutant de toutes les décisions du chef de l’État », a laissé entendre l’analyste politique Ibrahima Bakhoum.


Toutefois, dans l’un comme dans l’autre cas, nos interlocuteurs restent tous convaincus, que le prochain chef du gouvernement sénégalais devrait être un homme de consensus et de dialogue capable de transcender les agitations ou encore considérations politiques et sociales qui commencent à impacter sur les acquis démocratiques d’un pays comme le Sénégal, reconnu pour par sa stabilité politique et sociale en Afrique de l’Ouest…

Vendredi 26 Novembre 2021




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