L’histoire du retour d’exil de Cheikh Ahmadou Bamba (Par Amidou Mbacke Sidy)


Sous un soleil brûlant, Le navire « la ville de Maceo » arrivait au port de Dakar, nous sommes le 11 novembre 1902. Quelques mois après le voyage de Cheikh Anta à Lamberné (Gabon) où il a rejoint Cheikh Ahmadou Bamba sur sa demande.
Des milliers de talibés mourides, s’étaient déplacés pour vivre cet instant unique et mémorable. Cheikh Ahmadou Bamba rentrait , non en tant qu’exilé, mais en tant que conquérant. Un retour triomphal qui marque l’aboutissement de sept années d’épreuves qu’il prédisait et considérait comme un pacte signé avec son seigneur et qui serait en échange gage de l’élévation de son rang. 
Tous les exilés même les plus célèbres étaient oubliés par les leurs, et presque tous sont morts durant leur périple, alors que cette fois, les autorités coloniales assistaient impuissantes aux débordements de joie des mourides et se gardaient bien d’intervenir afin de ne pas violer les consignes de la métropole.
 
Après une longue attente dans le mystère des mourides dont les visages étaient crispés, les regards profondément attristés car n’yant aucune nouvelle de Cheikh Ahmadou Bamba, un agent du personnel de la navire est sorti avec ces mots « OU EST CHEIKH ANTA ? » 
 
Le suspense autour de la survie de Cheikh Ahmadou Bamba était à son comble jusqu’à ce que le nom de Cheikh Anta fut prononcé à haute voix par l’un des agents du navire réclamant qu’il aille répondre au Cheikh. Tous les yeux étaient fixés vers lui, des yeux à ras bord d’envie envers Cheikh Anta. « Tout le monde souhaitait être à la place de Cheikh Anta pour se glorifier de ce moment de privilège unique que personne d’autre n’aurait vécu ».
L’on sait que Cheikh Anta s’est acquitté de toutes les démarches administratives pour pousser les autorités coloniales à rouvrir le dossier de Cheikh Ahmadou Bamba. Une fois prouvée la légèreté des allégations, le député CARPOT réussit à réhabiliter le Cheikh et à le faire revenir au Sénégal. Ces agissements font suite au voyage de Cheikh Anta au Gabon pendant lequel, il réussit à convaincre son frère à retourner au bercail et ainsi, demeurer à empêcher l’administration coloniale à asseoir sa domination culturelle. 
 
Animé par une émotion sans commune mesure, Cheikh Anta monte l’escalier en pleurs et rejoint Cheikh Ahmadou Bamba à bord de « la ville de Maceo», le navire qui transportait Cheikh Ahmadou Bamba de Gabon au port de Dakar pour un voyage de 14 jours. Cet entrevue aura duré des heures, le Cheikh a attesté qu’il n’a jamais trahi le pacte qu’il a signé avec Dieu durant son séjour gabonais. Ce séjour qui, d’ores et déjà fera de lui l’intercesseur des siens et l’éternel serviteur du prophète.
Ainsi, Cheikh Ahmadou Bamba promet à Mame Cheikh Anta de lui offrir une visite à Darou Salam, après avoir consulté le saint coran pour tomber sur le verset 25 de la sourate Yunus «  Allah appelle à Darou Salam et guide qui il veut vers le droit chemin » . Cheikh Ahmadou Bamba descend du navire, se dirige vers la foule. L’euphorie qui accueillit ce retour fut indescriptible. 
Cheikh Anta rentre à Darou Salam pour se mettre aux préparatifs d’un accueil mémorable  digne d’un monarque. 
 
Après un passage à Louga, à Baridiam, Sanoussy et à Mbacké Kajoor, CHEIKH AHMADOU BAMBA arrive enfin à Darou Salam, le 20ème jour du mois lunaire de Shawwal, chez son frère Mame Cheikh Anta Mbacké pour un séjour mémorable dont les échos resteront toujours gravés dans les annales de l’histoire. Cheikh Ahmadou Bamba retrouve enfin son premier village fondé et offert à Mame Cheikh Anta. Une cité qu’il aimait et citait dans ses écrits tout au long de son exil, demandant à Dieu de le ramener dans cette cité bénie: « j’ai consulté Allah, le protecteur et le garant de la paix, il m’a invité à Darou Salam» 
 
Pour Mame Cheikh Anta, rien ne fut de trop pour marquer l’événement et pour exprimer sa propre reconnaissance à Dieu de lui avoir rendu son frère et maître spirituel. La communauté qui retrouvait dans une joie indescriptible son guide ne fut pas en reste.
Un extraordinaire tapis rouge que Mame Cheikh Anta avait acquis à grand frais pour la circonstance fut déroulé sous les pas de Cheikhoul Khadim, avec, de chaque côté, une haie d’honneur au bord du délire.
Le Saint Coran fut lu au moins sept mille fois. Pendant toute la durée du séjour de Cheikhoul Khadim à Darou Salam. Chaque jour on immola quinze bœufs, quinze béliers ainsi qu’un nombre incalculable de poulets et de chameaux. Au cours de ces journées, toute forme de bétail licite fut immolée.
La réception de Darou Salam fut la première festivité d’envergure. Depuis, la tradition est perpétuée chaque année avec toujours plus de ferveur et plus d’enthousiasme en signe de reconnaissance à Allah d’avoir permis le retour triomphal de Khadimou Rassoul parmi les siens, après la mission accomplie.
 
Amidou Mbacke Sidy, Paris 
Mardi 23 Juillet 2019




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