Développement du Sénégal: «L’économie a été multipliée par trois, les budgets aussi, de 2 400 milliards de FCFA à 6 500 milliards, en dix ans !» (PR Macky Sall).

Dans un entretien exclusif accordé au journaliste Oumar Ben Yedder du magazine New African, le Chef de l’Etat Macky Sall a relevé une avancée significative du Sénégal comparé à son arrivée à la tête du pays.


« En toute objectivité, il n’y a pas photo, quel que soit le paramètre que l’on met en avant. En matière de capacité économique : l’économie a été multipliée par trois, les budgets ont été aussi multipliés par trois, de 2 400 milliards de F.CFA à 6 500 milliards, en dix ans ! », a relevé le président Macky Sall.

En matière d’infrastructures, la comparaison est sans commune mesure si l’on s’en tient au regard du chef de l’Etat.

« Voyez ce que nous avons construit en autoroutes, et routes, en université ; dans l’agriculture, la production a été multipliée par deux, parfois par trois dans certaines spéculations. L’économie est beaucoup plus puissante, nous avons accompli des progrès dans tous les secteurs, l’eau, l’électricité... », a précisé Macky Sall qui croit, par ailleurs, que tout n’a pas encore été réussi car il y a encore du travail de développement à faire.

Interpellé sur les capacités du secteur agricole, le président de la République se dit très confiant sur les résultats produits.

« Oui, il est déjà en mutation : la mécanisation s'accroît. Notre objectif de souveraineté alimentaire fait que nous réinjectons des ressources dans notre programme en faveur de l’agriculture (1 600 milliards de FCFA en trois ans). Nous n’avions jamais autant investi dans l’agriculture ! Cela se traduit par davantage de surfaces emblavées, de mécanisation, de maîtrise des semences, d'engrais, bref, davantage de productivité et de production. Sans compter nos efforts en matière de remontée de filière : transformation, commercialisation. Cette logique est un peu la même partout en Afrique : chacun prend conscience, en fonction du contexte agro écologique, qu’on ne peut pas aller de l’avant sans l’agriculture et la transformation agricole. », a-t-il souligné. Cependant les grands défis du Sénégal ces prochaines années touchent à la démographie, à la formation des jeunes entre autres, renseigne le Chef de l’Etat.


« J’évoquerai d’abord la démographie, que nous devons maîtriser. Puis, il faut donner une perspective à la jeunesse, en matière d’employabilité, ce qui suppose d’appuyer la formation. Cela suppose de changer les paradigmes du système éducatif. Compte tenu des arrivées massives, chaque année, le système actuel ne peut pas fonctionner et il ne peut pas donner des possibilités d’emploi aux jeunes. Il faut développer davantage la formation professionnelle, et nous orienter encore plus vers les métiers du futur, ceux du numérique, du code, de la science, les métiers techniques, technologiques, l’innovation. Ces métiers de la nouvelle économie permettront d’absorber énormément d’emplois», a décliné le gardien de la constitution sénégalaise. Pour Macky Sall, afin de bien absorber ces flux, il faut développer les infrastructures, les routes, les écoles, etc.


«Nous devons poursuivre les efforts de construction. Ce qui demande énormément de moyens. Puis nous devons faire face au défi sécuritaire ; l’insécurité est une des plus grandes menaces sur nos États, notamment la menace terroriste. Je n’oublie pas les menaces intérieures, mais celles-là sont plus faciles à affronter. Nous devons donc maîtriser la démographie en donnant des perspectives de formation, d’insertion, d’entreprenariat, il faut apprendre aux jeunes à entreprendre. Et développer ce concept d'entrepreneuriat afin que chacun soit formé pour développer son activité et que nous puissions les aider dans le financement, les accompagner, plutôt que de faire croire que l’État peut donner du travail à tout le monde. L’État prend sa part, mais celle-ci est faible par rapport aux besoins du marché du travail et il faut d’autres perspectives. Elles viendront du secteur privé, qu’il faut développer ; c’est pourquoi nous voulons une économie ouverte, une agriculture plus large mais modernisée, idem pour l'élevage, tout cela créera des emplois», a dit le Président qui croit entièrement à une tendance positive.


SENTIMENT ANTI-FRANÇAIS


Le Président français, Emmanuel Macron, soutient, dites-vous, le lobbying de l’Afrique au niveau international. Pourtant, la jeunesse africaine francophone semble se méfier de plus en plus de la France. Se trompe-t-elle ?


Pour le Chef d’Etat sénégalais, les choses telles qu’elles se passent dans les combats africains, le Président Macron a toujours été du côté de l’Afrique et souvent a été parmi les premiers dirigeants à porter la parole de l’Afrique.

« Que la rue africaine, la jeunesse, ait une perception différente, cela est autre chose. La réalité est bien que telle que je vous l’ai décrite par le processus d’entrée au G20. Et sur d’autres sujets également, comme celui des vaccins, la réforme du Conseil de sécurité de l’ONU, nous travaillons de manière étroite et responsable avec la France du Président Macron, sans être inféodé à celui-ci. Si nous ne sommes pas d’accord, nous l’exprimons très clairement. Le Président français soutient les progrès de l’Afrique, c’est ce que je vis quotidiennement dans mes rapports avec lui», a fait savoir Macky Sall.


DÉFICIT BUDGÉTAIRE ET DETTE


Concernant le déficit budgétaire et la dette, le Sénégal suit les critères de convergence de l’UEMOA.

«La dette doit être inférieure à 70% du PIB, ce qui paraît très faible, quand on voit que les grands pays ont passé la barre de 100% d’endettement ! Mon souhait au sein de l’Union est de relever ce plafond de l’endettement, pourquoi pas à 90% du PIB. Ce qui donnerait davantage d’espace budgétaire ; notre niveau de développement fait que l’État fait tout, donne tout, l’eau, l’électricité, etc. On ne peut pas être dans un tel schéma et plafonner ainsi l’endettement des États. En matière budgétaire, le cadre prévoit un déficit de 3%, ce qui donne, là aussi, très peu de marge de manœuvre pour financer les innovations sociales, les écoles, les universités, les routes, sans oublier la défense et la sécurité, dont nous savons le coût. Ce cadrage très serré est trop demander à nos pays. », a estimé le Chef de l’Etat.

VOISINAGE AVEC LE SAHEL

Appréciant le rapport de voisinage avec les pays du Sahel confrontés à des groupes de jihadistes, le Président Macky Sall s’est voulu très prudent pour faire face à la menace terrorisme.

«En tant qu’Africains, nous privilégions la sagesse dans nos actions. Et la sagesse veut que le voisinage soit traité avec beaucoup d’égard. En tant que président de l’Union africaine, je me suis rendu au Mali, au Tchad, deux pays en phase de transition, j’aurais aimé me rendre en Guinée et au Burkina Faso. Nous essayons d'accompagner ces transitions, dans la limite du possible, en conformité avec les instances régionales et sous-régionales. Ces pays africains y sont ancrés, et ils ont besoin de notre soutien et de notre compréhension. Tout dépendra des efforts qu’ils feront, mais je suis pour l’accompagnement de ces transitions, pour qu’elles arrivent à bon terme», a-t-il déclaré. Le président sénégalais croit qu’il faut rester constamment en alerte pour faire face au phénomène terroriste.

«Le terrorisme n’épargne aucun pays ; certes, nous avons subi très peu d’actions au Sénégal, mais il ne faut pas dormir sur ses lauriers ; l’essentiel est d’être résilient et de faire face quand survient une attaque. La contagion, on ne peut pas l’éviter, dans la mesure où le djihadisme opère dans une continuité culturelle, religieuse, sociale. Nous avons des accords de libre circulation des personnes et des biens ; par exemple, dans l’espace CEDEAO , les frontières sont ouvertes. Dans un tel contexte, nous ne sommes pas à l’abri mais nous travaillons tous les jours pour maîtriser notre environnement et notre territoire», a soutenu le Président Sall. Selon lui, l’Afrique a une grande conscience d'elle-même, de ce qu’elle représente et de ce qu’elle veut être.

«Tout cela est clair dans la tête des dirigeants et dans celle des Africains, quel que soit le niveau de représentation. Nous avons la volonté de parler d’une seule voix, c’était déjà le cas avant ma présidence et c’est le cas après. Il est très important que le président de l’Union africaine représente l’Afrique dans les grandes réunions internationales. Nous prenons aussi conscience que nous devons travailler davantage ensemble sur les questions africaines, sur les conflits, dans l’élaboration des solutions, etc. Bien sûr, l’Afrique est vaste, 30 millions de km2, plus que la Chine, les États-Unis et l’Europe réunis ! Le continent est diversifié, de l’Afrique arabe à l’Afrique australe… beaucoup de diversité culturelle, ethnique, religieuse, et de systèmes politiques aussi. S’y ajoutent les héritages coloniaux. Il faut mettre en cohérence tout cet ensemble. Donc, les Africains doivent se glorifier des efforts entrepris pour conserver cette organisation commune que l’on appelle l’Union africaine ! Laquelle essaye, malgré les crises et les tensions, de porter la voix de l’Afrique sur les questions essentielles», a relevé Macky Sall pour qui, «nous ne devons pas négliger ce que nous sommes en train de faire, nous devons refuser le regard qui prétend que l’Afrique ne fait rien, que l’Afrique n’avance pas, qu’il y a trop de problèmes en Afrique, etc. Cette vision ne correspond pas à la réalité. Si vous agrégez les efforts qui se font dans chaque pays africain, vous constatez que le travail est énorme, aujourd’hui, sur le continent. Y compris en matière d’infrastructure, d’université, d’investissement… Tout cela est énorme, mais il est difficile, encore une fois, de s’en apercevoir dans un espace de 30 millions de km2 ! Les Africains doivent avoir confiance en eux-mêmes, en leurs leaders et en leurs actions ; c’est à eux de construire leur continent !».

Le chef d’Etat sénégalais s’interroge, toutefois, sur le comportement que doivent adopter les dirigeants africains face aux pays occidentaux, la Chine, la Russie qui exercent en permanence des pressions sur les pays africains pour qu’ils prennent parti dans leurs propres divisions.

«Le monde est une compétition permanente… Il est donc normal que chacun essaye d’avoir plus d’influence. Aux Africains de faire des choix. Au Sénégal, nous nouons des partenariats avec tout le monde. Nous avons des amitiés traditionnelles avec le bloc occidental, j’ai toujours assumé cela. Nous entretenons, depuis l’Indépendance, une diplomatie autour de valeurs partagées ; mais nous avons aussi ouvert notre horizon. C’est pourquoi nous sommes ouverts à la Chine et au reste de l’Asie, à la Russie, à la Turquie… sans renier nos anciennes amitiés avec le bloc occidental. Bien sûr, nous essayons dans ce monde difficile de tirer notre épingle du jeu dans les partenariats. Nous n’entrons pas dans une logique manichéenne de blocs contre blocs. Dans ce kaléidoscope mondial, l’Afrique doit jouer son rôle ; le continent a un poids, des ressources et doit compter dans le concert des nations. C’est cette contribution que nous souhaitons apporter, sans être à la remorque de tel ou tel groupe. », a confié le président Sall.

Le Chef de l’Etat Macky Sall a évoqué entre autres sujets touchant à l’intégration de l’UA pour une place à la table du G20.

«Je tiens à remercier les pays du G20 qui ont accepté et soutenu notre initiative. Nous, Africains, représentons 1,4 milliard d’habitants, nous sommes 54 pays totalisant un PIB de 2700 milliards de dollars, soit à peu près la septième économie mondiale. Nous avons donc notre place. Plusieurs pays et organisations nous ont tout de suite soutenus dans cette argumentation, comme le Conseil européen, la France, l’Allemagne. J’ai saisi par écrit tous les membres du G20 et ai obtenu l’accord de la Chine, de la Russie, de l’Arabie saoudite, puis les États-Unis et le Japon, et enfin la Turquie et le Royaume-Uni ainsi que l’Italie. Tous ces pays s’ajoutent à l’Afrique du Sud. Nous aurons sans doute le soutien des autres pays, pour qu’à la prochaine réunion du G20 en Inde, l’Union africaine puisse devenir membre permanent de cette instance. Cela lui permettra d’apporter sa vision et sa contribution à la marche de la gouvernance mondiale. Ce sera quelque chose de très positif et je tiens à remercier les pays qui nous ont soutenus, pour leur esprit d’ouverture. Nous continuons parallèlement à plaider pour que le Conseil de sécurité des Nations unies puisse connaître la même évolution. Mon successeur à l’Union africaine, le président des Comores, Azali Assoumani, poursuit ce travail, avec le soutien de tous les chefs d’État africains», a conclu le Président Macky Sall.
Jeudi 23 Mars 2023
Dakaractu




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