Dakaractu - Dr. Bakary Sambe, pourquoi pensez-vous que l’embrasement de la région par une escalade supplémentaire n’est pas dans l’intérêt de l’Iran qui semble avoir démontré, dans ce conflit, une performance militaire qui a surpris plus d’un ?
Vous savez, l’Iran joue gros dans ce conflit, car il veut à tout prix éviter un effondrement de son régime qui serait fatal à son influence dans la région et dans le monde. Éviter l'effondrement et préserver l'influence régionale. Malgré la résilience que l’on perçoit depuis le début du conflit, l’affaiblissement militaire ne peut être occulté pour Téhéran. La lenteur et la baisse d’intensité de la réaction iranienne ont montré que les frappes israéliennes et américaines, notamment sur les sites nucléaires de Fordo, Natanz et Ispahan, ont affaibli les capacités militaires iraniennes avec un effet immédiat sur ses lanceurs de missiles balistiques. L'Iran ne peut s’engager sans risques, à moyen terme, dans une guerre totale contre des puissances comme les États-Unis et Israël au vu de leur supériorité militaire. Et un embrasement du fait de la poursuite de cette guerre pourrait conduire à un effondrement du régime. En plus, Téhéran manque terriblement d’alliés engagés malgré les déclarations d’intention. La Russie que l’on a évoquée dès le début du conflit semble très occupée par le conflit en Ukraine pendant que la Chine qui ne s’est pas impliquée militairement avec une réticence assez visible, ne fournit pas un soutien militaire suffisant. En même temps, les proxies iraniens qui faisaient son influence tels que le Hezbollah, les Houthis du Yémen, les milices irakiennes sont aujourd’hui affaiblies. Ces facteurs combinés réduisent, apparemment, la capacité de Téhéran à projeter sa puissance dans le Golfe mais aussi dans les points stratégiques dans ce conflit alors qu’un conflit régional inscrit dans la durée exposerait davantage cet isolement de l’Iran.
Dakaractu - Mais, pourtant, le monde entier craint que l’Iran procède à la fermeture du détroit d’Ormuz comme justement un moyen de pression qui affecterait durablement l’économie mondiale dans un contexte de morosité extrême …
Il est clair que la fermeture du détroit d'Ormuz, une menace constamment brandie par l'Iran, perturberait le commerce pétrolier mondial, mais l'économie iranienne elle-même, déjà sous pression à cause des sanctions qui durent depuis des années n’en sortirait pas indemne. L’Iran n’a aujourd’hui aucun intérêt à plonger dans conflit prolongé qui aggraverait la crise économique interne et alimenterait le mécontentement populaire contre le régime qui est aussi sur ses gardes ; sa chute étant l’un des objectifs stratégiques d’Israël mais aussi des États-Unis. Mais, il est aussi vrai que malgré l’impopularité du régime chez certaines couches, les attaques de puissances étrangères ont toujours renforcé le patriotisme iranien. Cependant, je ne suis pas sûr que cet élan serait maintenu si le conflit se prolongeait avec toutes les menaces sur la stabilité du pouvoir iranien actuel. En même temps, l'Iran a intérêt, sur le plan stratégique, à limiter ses ripostes comme les frappes d’hier sur la base américaine d'Al-Udeid au Qatar pour éviter une guerre totale contre ses voisins du Golfe qui le considèrent comme une menace permanente tout en maintenant une posture de défi pour des raisons de politique interne.
Dakaractu - Quid alors d’Israël qui semble aussi avoir tiré profit de ce conflit malgré ses lourdes pertes et la résistance inattendue de l’Iran qui a démontré certaines performances militaires et technologiques dans ce conflit ?
Israël comprend aussi qu’il doit, en toutes circonstances, limiter les représailles et préserver les acquis stratégiques. Ayant pris l’initiative de l’offensive actuelle, Israël a soulevé des réactions internationales défavorables à son image déjà assez entamée depuis des années par la situation intenable à Gaza. Mais Israël n’a pas, non plus, intérêt à un embrasement régional pour plusieurs raisons. D’abord pour sa sécurité régionale avec une exposition continue à des attaques de missiles et de drones, même si ses défenses aériennes sont sophistiquées malgré le doute maintenant établi sur l’étanchéité du fameux dôme de fer. Tel Aviv ne peut soutenir une posture belliciste même face à son opinion intérieure avec ces lourdes pertes civiles depuis le déclenchement de ce conflit à Tel Aviv et Ramat Gan et qui pourraient s'aggraver si la guerre se poursuivait. Ensuite, Israël ne peut compter sur un soutien international qui s’est beaucoup effrité ces dernières années y compris parmi les pays européens. Une escalade incontrôlée risquerait aujourd’hui de gêner ses alliés occidentaux, notamment les Européens, qui appellent à la désescalade pendant que certains pays se désolidarisent progressivement surtout avec la situation humanitaire désastreuse à Gaza. Même les États-Unis, pourtant soutiens inconditionnels, montrent les signes d’une réticence à s'engager dans une guerre totale, comme en témoigne l'opposition de 60 % des Américains à une intervention militaire et l’empressement du Président Trump à accélérer un processus menant à un cessez-le-feu qui semble s’imposer. Il est rassurant de constater qu’aucun des belligérants et même leurs potentiels alliés n’ont intérêt à un embrasement du Moyen-Orient
Dakaractu - Mais, Dr. Sambe on dirait qu’Israël semble avoir pris l’ascendant vis-à-vis des pays arabes qu’on a vu dans une posture assez timide depuis le début de ce conflit. On dirait que l’État hébreux n’a plus grand-chose à craindre de ce point de vue ?
Il faudrait être prudent. Cette timidité de la réaction des États comme de la rue arabes ne signifie pas un blanc-seing pour Israël qui doit aussi gérer son voisinage immédiat. Il ne fautpas perdre de vue que si Israël plongeait dans un conflit continu dans la région, les Accords d'Abraham, par exemple, de même que la normalisation avec des pays comme les Émirats arabes unis et Bahreïn pourraient être compromises. Surtout que ces pays privilégient la stabilité régionale pour leurs projets économiques et la rentabilisation de leurs énormes investissements. Un embrasement dans la région rendrait également plus difficile tant soit peu la coopération implicite des pays du Golfe contre l'Iran bien qu’ils le considèrent comme une menace existentielle. Et puis Israël se donne l’impression d’avoir déjà atteint quelques objectifs stratégiques avec la destruction partielle des capacités nucléaires et balistiques iraniennes. De ce fait, la poursuite de l’escalade pourrait entraîner des coûts économiques et réputationnels disproportionnés sans s’assurer de gains supplémentaires significatifs.
Dakaractu - Et les pays du Golfe dans tout cela, en quoi, une désescalade serait-il bénéfique pour eux alors qu’il se présente, quelque part une opportunité d’affaiblir « l’ennemi iranien » ?
Ce n’est pas aussi simple que cela. Les monarchies du Golfe comme l’Arabie Saoudite, le Qatar qui a été touché, les Émirats arabes unis qui ont plus ou moins normalisé leurs relations avec Israël et surtout Oman affichant une certaine neutralité ont tout intérêt à éviter un embrasement régional. Et puis, sur le plan économique ces pays dépendent énormément du commerce pétrolier international à travers le détroit d'Ormuz. Une fermeture de ce point de passage stratégique, même de manière temporaire, serait catastrophique avec des conséquences incalculables pour leurs économies respectives. Il est vrai qu’une telle situation perturberait les marchés mondiaux avec des hausses inévitables du prix du pétrole qui a, déjà, flambé de plus de 10% depuis le début de ce conflit. Mais il ne faudrait pas perdre de vue le fait que ces pays, même sans entrer activement dans cette guerre resteraient des cibles à portée des missiles de Téhéran surtout qu’ils hébergent des bases militaires américaines - comme Al-Udeid au Qatar-, ce qui les expose à des représailles iraniennes qui pourraient s’intensifier. Vous savez qu’ils redoutent d’être entraînés dans un conflit qui menacerait leur sécurité intérieur dans un environnement régional assez fragile. Mais les relations entre ces pays et l’Iran ne sont pas non plus dans un état de rupture consommée. Depuis l’accord de pacification de 2023 entre l’Arabie saoudite et l’Iran, les pays du Golfe ont relativement normalisé leurs relations avec Téhéran pour mieux garantir la stabilité régionale. Bien que le chiisme représente pour eux une menace idéologique, un changement subit de régime en Iran ou un conflit prolongé et généralisé introduirait une incertitude pour leurs intérêts immédiats. Il y a aussi les intérêts économiques qui sont en jeu dans cette équation qui n’est pas que géopolitique. Aujourd’hui une guerre continue compromettrait des projets économiques colossaux si l’on sait que l’Arabie Saoudite et les Émirats misent énormément, ensemble, sur des mégaprojets qui nécessitent un environnement régional et sécuritaire stable. Un embrasement régional compromettrait ces investissements massifs et leur dépendance déjà trop importante des États-Unis pour leur propre sécurité. C’est, à mon avis, pourquoi les pays du Golfe privilégient la diplomatie et même la médiation par le Qatar et potentiellement le Sultanat d’Oman pour éviter, à tout prix, une escalade. De ce point de vue, on peut dire que le Président américain appelant au cessez-le-feu est en train de prêcher auprès d’acteurs déjà convaincus de la nécessité d’un apaisement immédiat.
Dakaractu - Qu’en est-il alors des États-Unis qui ont été au cœur de ce conflit avec même une implication militaire directe en frappant l’Iran ? Tout ça pour ça pourrait-on dire surtout avec l’engagement personnel de Donald Trump qui a éclipsé d’ailleurs les autres dirigeants et puissances mondiaux ?
Malgré ses positions diplomatiques qui peuvent paraitre surprenantes, Donald Trump qui, paradoxalement, s’impose aujourd’hui comme un « faiseur de paix », cherche aussi à éviter un engagement militaire des États-Unis dans la durée qui sera forcément coûteux et donc impopulaire dans l’opinion américaine. Les États-Unis, bien qu’impliqués via les frappes du 21 juin 2025, n’ont pas intérêt à attiser une guerre régionale prolongée avec une issue incertaine. Selon un sondage récemment publié, 60 % des Américains s’opposent à une participation au conflit, et même parmi les Républicains, 53 % se disent hostiles. Mais Trump veille aussi sur ses intérêts politiques sachant qu’une guerre prolongée contre l’Iran serait politiquement coûteuse pour un président qui a promis durant toute sa campagne de privilégier les intérêts nationaux et d’éviter les conflits étrangers. L’Amérique de Trump mesure aussi toutes les conséquences d’une guerre régionale entraînant une hausse vertigineuse des prix du pétrole sans compter les perturbations économiques mondiales qui ne seront pas sans effet immédiat sur l’économie américaine. De plus, l’Amérique ne veut pas perdre de vue l’enjeu persistant de la compétition avec la Chine sans compter le fait que les bases américaines dans le Golfe au Qatar, à Bahreïn et aux Émirats arabes unis demeurent vulnérables aux attaques iraniennes, comme on l’a vu avec l’attaque contre Al-Ubeid au Qatar. Les États-Unis semblent conscients du fait qu’une escalade, dans un tel contexte, augmenterait forcément les pertes potentielles pour les forces américaines
Nous sommes aujourd’hui dans une situation où à défaut d’une « paix des braves » nous sommes en présence d’un cessez-le-feu intéressé pour l’ensemble des acteurs. Pendant que l’Iran cherche à préserver son régime affaibli, Israël veille à sécuriser ses acquis sans gêner davantage ses alliés. Les pays du Golfe eux, sont plus que jamais soucieux de la stabilité économique et sécuritaire pendant que les États-Unis veillent à limiter leur engagement militaire pour des raisons politiques et les intérêts économiques qui pèsent lourd sur la balance et les décisions de Donald Trump.
Vous savez, l’Iran joue gros dans ce conflit, car il veut à tout prix éviter un effondrement de son régime qui serait fatal à son influence dans la région et dans le monde. Éviter l'effondrement et préserver l'influence régionale. Malgré la résilience que l’on perçoit depuis le début du conflit, l’affaiblissement militaire ne peut être occulté pour Téhéran. La lenteur et la baisse d’intensité de la réaction iranienne ont montré que les frappes israéliennes et américaines, notamment sur les sites nucléaires de Fordo, Natanz et Ispahan, ont affaibli les capacités militaires iraniennes avec un effet immédiat sur ses lanceurs de missiles balistiques. L'Iran ne peut s’engager sans risques, à moyen terme, dans une guerre totale contre des puissances comme les États-Unis et Israël au vu de leur supériorité militaire. Et un embrasement du fait de la poursuite de cette guerre pourrait conduire à un effondrement du régime. En plus, Téhéran manque terriblement d’alliés engagés malgré les déclarations d’intention. La Russie que l’on a évoquée dès le début du conflit semble très occupée par le conflit en Ukraine pendant que la Chine qui ne s’est pas impliquée militairement avec une réticence assez visible, ne fournit pas un soutien militaire suffisant. En même temps, les proxies iraniens qui faisaient son influence tels que le Hezbollah, les Houthis du Yémen, les milices irakiennes sont aujourd’hui affaiblies. Ces facteurs combinés réduisent, apparemment, la capacité de Téhéran à projeter sa puissance dans le Golfe mais aussi dans les points stratégiques dans ce conflit alors qu’un conflit régional inscrit dans la durée exposerait davantage cet isolement de l’Iran.
Dakaractu - Mais, pourtant, le monde entier craint que l’Iran procède à la fermeture du détroit d’Ormuz comme justement un moyen de pression qui affecterait durablement l’économie mondiale dans un contexte de morosité extrême …
Il est clair que la fermeture du détroit d'Ormuz, une menace constamment brandie par l'Iran, perturberait le commerce pétrolier mondial, mais l'économie iranienne elle-même, déjà sous pression à cause des sanctions qui durent depuis des années n’en sortirait pas indemne. L’Iran n’a aujourd’hui aucun intérêt à plonger dans conflit prolongé qui aggraverait la crise économique interne et alimenterait le mécontentement populaire contre le régime qui est aussi sur ses gardes ; sa chute étant l’un des objectifs stratégiques d’Israël mais aussi des États-Unis. Mais, il est aussi vrai que malgré l’impopularité du régime chez certaines couches, les attaques de puissances étrangères ont toujours renforcé le patriotisme iranien. Cependant, je ne suis pas sûr que cet élan serait maintenu si le conflit se prolongeait avec toutes les menaces sur la stabilité du pouvoir iranien actuel. En même temps, l'Iran a intérêt, sur le plan stratégique, à limiter ses ripostes comme les frappes d’hier sur la base américaine d'Al-Udeid au Qatar pour éviter une guerre totale contre ses voisins du Golfe qui le considèrent comme une menace permanente tout en maintenant une posture de défi pour des raisons de politique interne.
Dakaractu - Quid alors d’Israël qui semble aussi avoir tiré profit de ce conflit malgré ses lourdes pertes et la résistance inattendue de l’Iran qui a démontré certaines performances militaires et technologiques dans ce conflit ?
Israël comprend aussi qu’il doit, en toutes circonstances, limiter les représailles et préserver les acquis stratégiques. Ayant pris l’initiative de l’offensive actuelle, Israël a soulevé des réactions internationales défavorables à son image déjà assez entamée depuis des années par la situation intenable à Gaza. Mais Israël n’a pas, non plus, intérêt à un embrasement régional pour plusieurs raisons. D’abord pour sa sécurité régionale avec une exposition continue à des attaques de missiles et de drones, même si ses défenses aériennes sont sophistiquées malgré le doute maintenant établi sur l’étanchéité du fameux dôme de fer. Tel Aviv ne peut soutenir une posture belliciste même face à son opinion intérieure avec ces lourdes pertes civiles depuis le déclenchement de ce conflit à Tel Aviv et Ramat Gan et qui pourraient s'aggraver si la guerre se poursuivait. Ensuite, Israël ne peut compter sur un soutien international qui s’est beaucoup effrité ces dernières années y compris parmi les pays européens. Une escalade incontrôlée risquerait aujourd’hui de gêner ses alliés occidentaux, notamment les Européens, qui appellent à la désescalade pendant que certains pays se désolidarisent progressivement surtout avec la situation humanitaire désastreuse à Gaza. Même les États-Unis, pourtant soutiens inconditionnels, montrent les signes d’une réticence à s'engager dans une guerre totale, comme en témoigne l'opposition de 60 % des Américains à une intervention militaire et l’empressement du Président Trump à accélérer un processus menant à un cessez-le-feu qui semble s’imposer. Il est rassurant de constater qu’aucun des belligérants et même leurs potentiels alliés n’ont intérêt à un embrasement du Moyen-Orient
Dakaractu - Mais, Dr. Sambe on dirait qu’Israël semble avoir pris l’ascendant vis-à-vis des pays arabes qu’on a vu dans une posture assez timide depuis le début de ce conflit. On dirait que l’État hébreux n’a plus grand-chose à craindre de ce point de vue ?
Il faudrait être prudent. Cette timidité de la réaction des États comme de la rue arabes ne signifie pas un blanc-seing pour Israël qui doit aussi gérer son voisinage immédiat. Il ne fautpas perdre de vue que si Israël plongeait dans un conflit continu dans la région, les Accords d'Abraham, par exemple, de même que la normalisation avec des pays comme les Émirats arabes unis et Bahreïn pourraient être compromises. Surtout que ces pays privilégient la stabilité régionale pour leurs projets économiques et la rentabilisation de leurs énormes investissements. Un embrasement dans la région rendrait également plus difficile tant soit peu la coopération implicite des pays du Golfe contre l'Iran bien qu’ils le considèrent comme une menace existentielle. Et puis Israël se donne l’impression d’avoir déjà atteint quelques objectifs stratégiques avec la destruction partielle des capacités nucléaires et balistiques iraniennes. De ce fait, la poursuite de l’escalade pourrait entraîner des coûts économiques et réputationnels disproportionnés sans s’assurer de gains supplémentaires significatifs.
Dakaractu - Et les pays du Golfe dans tout cela, en quoi, une désescalade serait-il bénéfique pour eux alors qu’il se présente, quelque part une opportunité d’affaiblir « l’ennemi iranien » ?
Ce n’est pas aussi simple que cela. Les monarchies du Golfe comme l’Arabie Saoudite, le Qatar qui a été touché, les Émirats arabes unis qui ont plus ou moins normalisé leurs relations avec Israël et surtout Oman affichant une certaine neutralité ont tout intérêt à éviter un embrasement régional. Et puis, sur le plan économique ces pays dépendent énormément du commerce pétrolier international à travers le détroit d'Ormuz. Une fermeture de ce point de passage stratégique, même de manière temporaire, serait catastrophique avec des conséquences incalculables pour leurs économies respectives. Il est vrai qu’une telle situation perturberait les marchés mondiaux avec des hausses inévitables du prix du pétrole qui a, déjà, flambé de plus de 10% depuis le début de ce conflit. Mais il ne faudrait pas perdre de vue le fait que ces pays, même sans entrer activement dans cette guerre resteraient des cibles à portée des missiles de Téhéran surtout qu’ils hébergent des bases militaires américaines - comme Al-Udeid au Qatar-, ce qui les expose à des représailles iraniennes qui pourraient s’intensifier. Vous savez qu’ils redoutent d’être entraînés dans un conflit qui menacerait leur sécurité intérieur dans un environnement régional assez fragile. Mais les relations entre ces pays et l’Iran ne sont pas non plus dans un état de rupture consommée. Depuis l’accord de pacification de 2023 entre l’Arabie saoudite et l’Iran, les pays du Golfe ont relativement normalisé leurs relations avec Téhéran pour mieux garantir la stabilité régionale. Bien que le chiisme représente pour eux une menace idéologique, un changement subit de régime en Iran ou un conflit prolongé et généralisé introduirait une incertitude pour leurs intérêts immédiats. Il y a aussi les intérêts économiques qui sont en jeu dans cette équation qui n’est pas que géopolitique. Aujourd’hui une guerre continue compromettrait des projets économiques colossaux si l’on sait que l’Arabie Saoudite et les Émirats misent énormément, ensemble, sur des mégaprojets qui nécessitent un environnement régional et sécuritaire stable. Un embrasement régional compromettrait ces investissements massifs et leur dépendance déjà trop importante des États-Unis pour leur propre sécurité. C’est, à mon avis, pourquoi les pays du Golfe privilégient la diplomatie et même la médiation par le Qatar et potentiellement le Sultanat d’Oman pour éviter, à tout prix, une escalade. De ce point de vue, on peut dire que le Président américain appelant au cessez-le-feu est en train de prêcher auprès d’acteurs déjà convaincus de la nécessité d’un apaisement immédiat.
Dakaractu - Qu’en est-il alors des États-Unis qui ont été au cœur de ce conflit avec même une implication militaire directe en frappant l’Iran ? Tout ça pour ça pourrait-on dire surtout avec l’engagement personnel de Donald Trump qui a éclipsé d’ailleurs les autres dirigeants et puissances mondiaux ?
Malgré ses positions diplomatiques qui peuvent paraitre surprenantes, Donald Trump qui, paradoxalement, s’impose aujourd’hui comme un « faiseur de paix », cherche aussi à éviter un engagement militaire des États-Unis dans la durée qui sera forcément coûteux et donc impopulaire dans l’opinion américaine. Les États-Unis, bien qu’impliqués via les frappes du 21 juin 2025, n’ont pas intérêt à attiser une guerre régionale prolongée avec une issue incertaine. Selon un sondage récemment publié, 60 % des Américains s’opposent à une participation au conflit, et même parmi les Républicains, 53 % se disent hostiles. Mais Trump veille aussi sur ses intérêts politiques sachant qu’une guerre prolongée contre l’Iran serait politiquement coûteuse pour un président qui a promis durant toute sa campagne de privilégier les intérêts nationaux et d’éviter les conflits étrangers. L’Amérique de Trump mesure aussi toutes les conséquences d’une guerre régionale entraînant une hausse vertigineuse des prix du pétrole sans compter les perturbations économiques mondiales qui ne seront pas sans effet immédiat sur l’économie américaine. De plus, l’Amérique ne veut pas perdre de vue l’enjeu persistant de la compétition avec la Chine sans compter le fait que les bases américaines dans le Golfe au Qatar, à Bahreïn et aux Émirats arabes unis demeurent vulnérables aux attaques iraniennes, comme on l’a vu avec l’attaque contre Al-Ubeid au Qatar. Les États-Unis semblent conscients du fait qu’une escalade, dans un tel contexte, augmenterait forcément les pertes potentielles pour les forces américaines
Nous sommes aujourd’hui dans une situation où à défaut d’une « paix des braves » nous sommes en présence d’un cessez-le-feu intéressé pour l’ensemble des acteurs. Pendant que l’Iran cherche à préserver son régime affaibli, Israël veille à sécuriser ses acquis sans gêner davantage ses alliés. Les pays du Golfe eux, sont plus que jamais soucieux de la stabilité économique et sécuritaire pendant que les États-Unis veillent à limiter leur engagement militaire pour des raisons politiques et les intérêts économiques qui pèsent lourd sur la balance et les décisions de Donald Trump.
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