SENEGAL/Editorial : Monsieur le Président, soyez un Mandela plutôt qu’un Tshombé !


SENEGAL/Editorial : Monsieur le Président, soyez un Mandela plutôt qu’un Tshombé !
Quoi que l’on puisse dire, il s’agit d’une bien triste histoire dont Dieu seulement connaît l’épilogue car, c’est sûr, bien des épisodes restent encore à en écrire. Lorsque, en sa qualité de président de l’Assemblée nationale, il avait convoqué Karim Wade pour qu’il s’explique sur sa gestion comme président du Conseil de surveillance de l’Anoci (Agence nationale pour l’Organisation de la Conférence nationale), M. Macky Sall voulait plus offrir une tribune à son pote que l’humilier. Seulement voilà, à l’époque, les courtisans s’étaient empressés d’aller dire au président de la République, Me Abdoulaye Wade, que le patron du Parlement voulait piéger son fils, l’emmener à Canossa et le jeter en pâture à l’opinion ! A en croire ces menteurs, il était même prévu de ne poser au fils du Président que des questions en Ouoloff, langue qu’il ne maîtrisait pas et dans laquelle il baragouinait piteusement !

Toujours est-il que Wade avait considéré cette convocation de son fils biologique par ce fils lointain qu’il avait nommé à la tête de l’Assemblée nationale comme un casus belli. L’appareil du Parti démocratique sénégalais (Pds) et de l’Etat fut mis en branle pour déboulonner l’infortuné Macky Sall, d’abord déchu de son titre de numéro deux du Parti avant d’être renversé de son piédestal et ramené au rang de simple député. A la suite de quoi, ayant bu le calice jusqu’à la lie, il avait démissionné du Parti démocratique sénégalais et entrepris sa longue marche vers le pouvoir. Laquelle est passée par une longue traversée du désert… Victime d’une injustice flagrante pour crime de lèse-majesté et pour avoir osé s’en prendre au fils du Roi — c’est du moins ainsi que son initiative avait été présentée —, humilié, traîné dans la boue, piétiné et stigmatisé, Macky Sall, face à la toute-puissance des Wade qui avaient mobilisé tout l’appareil du Parti et de l’Etat contre lui, s’en était remis à Dieu, le seul véritablement puissant et le meilleur juge de tous.


Ce Dernier, en quatre ans à peine, avait vengé l’humiliation subie par Macky Sall de la plus belle des manières qui soit, en le portant au pouvoir à la place de ce Wade qui avait usé de son pouvoir si redoutable pour brimer un faible et un innocent. Et lorsque, au soir du 25 mars 2012, le peuple souverain avait balayé le pouvoir des Wade et porté au pouvoir sur un score référendaire — 65 % ! — ce même Macky Sall qu’ils avaient piétiné quatre ans auparavant, beaucoup avaient vu dans cette victoire la main de Dieu. Lequel recommande, dans ce genre de situation, de faire preuve de grandeur et de pardonner. Car, pour le reste, le Seigneur se charge de laver les affronts et de venger les faibles. La sagesse aurait donc voulu que le nouveau président de la République, M. Macky Sall, non seulement amnistiât son prédécesseur, un vieillard de plus de 80 ans, mais aussi épargnât son fils. Et ce même si ce dernier a été odieux avec lui. Vengé par Dieu lui-même, le leader de l’APR avait-il besoin d’en rajouter ? Assurément, non. Hélas, il a choisi de déclencher une traque aux biens mal acquis dont le point d’orgue — et le principal objectif — a été constitué par l’arrestation de ce même Karim Wade qui avait été la cause de son malheur et de sa descente aux enfers.

Et pour mettre le fils de l’ancien président de la République en prison, on ne s’est pas encombré de fortunes ni de procédures. On a compilé des biens immobiliers, participations financières, actions, véhicules…en une sorte d’inventaire à la Prévert, on aprétendu que tout cela lui appartient, et on l’a sommé, dans un délai de un mois, de justifier leur acquisition ! Qu’importe si la plupart de ces biens ne lui appartenaient pas — comme la société Dubaï Port World dont le pouvoir a fini par négocier avec les véritables propriétaires — et qu’importe si, huit mois après l’arrestation de Wade fils, le procureur spécial près la Cour de répression de l’Enrichissement illicite (CREI) pédale carrément dans la choucroute et n’a encore rien trouvé de l’immense fortune — presque 700 milliards de francs ! —qui lui est prêtée. En principe, la commission d’instruction de cette même CREI avait six mois pour boucler son enquête et, soit transmettre le dossier à la Cour pour jugement, soit le classer sans suite. Rien n’ayant été trouvé au bout des six mois… eh bien une autre mise en demeure a été servie à l’ex-« ministre du Ciel et de la Terre » comme on surnommait Karim du temps de sa toute-puissance. Là aussi, on a fait le cumul des mouvements bancaires de comptes découverts à Monaco et appartenant officiellement à des membres d’une famille libanaise de Dakar pour lui en attribuer la propriété ! En fait, depuis le début de l’instruction, seuls deux milliards logés dans un compte à Monaco, et dont Me Abdoulaye Wade soutient qu’ils lui appartiennent, ont été retrouvés. Maigre, voire ridicule, sur une fortune estimée à 700 milliards… desquels il faut retrancher 394 milliards représentant la valeur estimée de « DPW ». Il faut également en soustraire la valeur de baux que l’Etat a récupérés. A ce rythme, il n’en restera bientôt plus rien. Et sur ce point, l’ancien président de la République a raison. Peut-être bien que Karim Wade a volé de l’argent, encore qu’il ne serait pas le seul à l’avoir fait puisqu’on trouve aussi des voleurs dans l’actuel pouvoir, mais il faut l’établir. Or, dans cette affaire, on a la désagréable impression d’assister à un règlement de comptes politiques qui dégage un parfum de vengeance. Que, pour l’exemple, on envoie en prison des directeurs généraux de sociétés, des hommes d’affaires, des responsables de l’ancien régime qui se sont enrichis de manière indécente, on veut bien. Mais que, sous couvert d’opération « mains propres », on embastille un dangereux rival politique potentiel, cela est inacceptable.


Encore une fois, le président de la République n’a rien à gagner dans un maintien de Karim Wade en prison. Avant que les vicissitudes de la politique ne les séparent, lui et Karim, ils furent des plus que frères et, quoi que l’on dise, le fils de l’ancien président de la République a plus que contribué à donner une impulsion décisive à la carrière de l’homme politique Macky Sall. Il a, en particulier, pesé de tout son poids pour que ce dernier remplace M. Idrissa Seck à la Primature lorsque l’actuel leader de Rewmi a été défénestré dans le cadre de ce qui allait devenir l’affaire dite des chantiers de Thiès. Les relations entre Macky Sall et Karim Wade furent, à un moment donné, si étroites qu’il n’y avait pas l’épaisseur d’un papier de cigarette entre eux. Encore une fois, Karim Wade a été odieux avec Macky Sall suite à sa convocation à l’Assemblée nationale par ce dernier mais est-ce une raison pour que l’actuel Président le maintienne si longtemps en prison ? Et ce même s’il est soupçonné de s’être enrichi illicitement mais qui n’a pas puisé dans les caisses lorsqu’il était aux affaires ? Outre que cette traque des biens supposés mal acquis plombe les affaires et participe à l’impécuniosité du pays, le président de la République, après avoir marqué le coup, gagnerait à arrêter cette politique d’emprisonnement systématique. Car si c’est bien de remplir les prisons de voleurs, c’est encore mieux d’améliorer le quotidien des Sénégalais. Et puis, ne serait-ce que pour réaliser la réconciliation nationale et au nom de leur compagnonnage passé, il doit libérer Karim Wade dont la détention nous paraît injuste. L’image pathétique d’un Maître Abdoulaye Wade, ancien président de la République, errant comme une âme en peine du Golfe persique en Afrique de l’Est (Ouganda) et de l’Ouest (Abidjan) pour plaider la cause de son fils n’honore pas le Sénégal. Le pauvre homme a tant fait pour ce pays que, quelle que soit la gravité supposée des faits reprochés à son fils, ces derniers devraient être passés par pertes et profits. De même, l’emprisonnement de l’ancien président chadien Hissène Habré, pour faire plaisir au dictateur Idriss Déby Itno qui a payé à notre pays deux milliards de francs pour cette sale besogne, cet emprisonnement, donc, est indigne du Sénégal et de son Président. Oui, le président Macky Sall ne peut pas jouer le rôle peu glorieux de Moïse Tshombé, lui le jeune leader africain si brillamment élu et que respectent tant les grands de ce monde, à l’image d’un Barack Obama ou d’un François Hollande qui lui ont tous les deux rendu visite… Le Président Macky Sall dont on préférerait qu’il endosse le costume glorieux d’un Nelson Mandela qui a pardonné à ses bourreaux qui l’ont emprisonné pendant 27 ans, plutôt que celui de Moïse Tshombé qui livra le grand héros africain Patrice Lumumba aux Belges. Lesquels réclament aujourd’hui Habré !


Plutôt que d’être celui qui aura le plus rempli les prisons sénégalaises, le Président Macky Sall devra être celui qui aura fait accéder le Sénégal à l’émergence. C’est tout le bien qu’on lui souhaite et nous sommes sûrs que, malgré les difficultés du moment, il réussira son mandat… s’il rectifie le tir !

Mamadou Oumar NDIAYE
LE TEMOIN N°1147 - HEBDOMADAIRE SENEGALAIS / DECEMBRE 2013

Samedi 21 Décembre 2013



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2.Posté par dof-le-fou le 21/12/2013 13:47
Je comprends pas vraiment certains senegalais. Des gens qui dilapident les maigres ressources de ce pays et on demande qu'on les pardonne. Macky ne peut pardonner à Karim, il s'agit de l'argent de tout un peuple.

Des intellos qui raisonnent comme ca! Je me demande où va le pays.

1.Posté par Palla a raison le 21/12/2013 13:25
"Le pauvre homme a tant fait pour ce pays que, quelle que soit la gravité supposée des faits reprochés à son fils, ces derniers devraient être passés par pertes et profits."!!! Je me suis arrêté à cette phrase!!! Je n'ai pas lu le reste. Est ce que vous vous rendez compte de la gravité de cette opinion M. Ndiaye ?? Donc si je comprends bien les vertus du père absolvent les vices du fils ??? en d'autres termes "enfants de bonnes gens faites comme bon vous semble, bonnes actions de père vous protègent"!! et vous appelez cela démocratie!! et vous vous étonnez que les enfants de puissants se croient tout permis en Afrique !! et vous vous etonnez que l'afrique soit le dernier continent en ce début de 21éme siècle où tout différend politique se règle à coups de machette etd e Ak 47. Allez dire à votre ami Norbert Zongo que son assassinat par David Compaoré doit passer par pertes et profits car Blaise Compaoré son frère a tant fait pour le Burkina....Doyen retenez vous parfois. Il n' y a pas que des c.o.n.s qui vous lisent.

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