HOMMAGE À MA MÈRE : YAYE EST PARTIE !


« Inna lilali wa ina ileyhi radji’ouna »

Adja Aminata MBOW dite Ndeye, ou Ndeye SECK pour les parents de Ngaye Mékhé, s’est éteinte ce samedi 27 Juillet 2019, à l’hôpital de Fann. À Dieuppeul, tout le monde l’appelait Yaye du fait du rôle de maman affective qu’elle jouait et incarnait dans le quartier. Elle rejoint les cieux aux environs de 78 ans.

Yaye était la maman à la progéniture nombreuse et variée, parce que mère de tous les enfants des amies et voisines ravies à son affection, de la  naissance du quartier à nos jours. Elle a couvé tout le monde.

Yaye était la sentinelle du quartier, la régulatrice sociale, j’allais dire la coordonnatrice pour parler comme tonton Youssoupha MBOUP, un oncle et voisin de longue date, lors de la cérémonie du troisième jour. Elle se comportait à l’image de feu Imam Mouhamadou POUYE de Castors, son modèle, qui l’avait responsabilisée dans ce lieu de culte.

Yaye avait toujours le chapelet à la main, un beau sourire à la bouche qu’elle distribuait aux premiers venus, voire jusqu’à son linceul après la toilette mortuaire. Elle  se caractérisait naturellement par une belle denture et un propos au ton mesuré sous – tendu par une voix monotone et aigue.

Yaye, une dame de petite taille, à la propreté exquise, au teint noir basané, pleine de vertus, a vécu pour les autres, comme par une injonction du Très Haut. Polie, et très discrète, comme témoigné par tous ceux qui sont venus présenter leurs condoléances, elle savait rester zen devant n’importe quelle situation.

Yaye a mené une vie de combats, un combat social, celui de la Foi en Dieu, bref le combat  « Fii sabiililah ». À sa famille biologique d’abord, elle lui attribua une éducation rigoureuse ; et elle appuya les autres par un soutien et une assistance morale sans faille, auréolée de propos justes et affectifs basés sur la crainte d’Allah.

Yaye a vécu, abandonnée à Dieu. Rien, je dis bien rien de ce qui frise la mondanité ne lui traversait le chemin. La cérémonie de sa levée du corps à la grande mosquée de Castors, est plus qu’édifiante sur la vie  d’ascète qu’elle s’était tracée. Pendant une heure, les témoignages se  sont bousculés. Les imams des mosquées de Dieuppeul et de Castors, parents, voisins, amis et ses enfants dont votre serviteur, se son relayés au microphone de l’édifice religieux pour attester du peu qu’ils savaient de la défunte selon les règles de la Souna du prophète Mohamed (psl), dans de telles circonstances. Ce que j’en retiens en résumé, c’est sa parfaite gestion des fonds qu’elle récoltait pour les travaux de réhabilitation et la régulation du compartiment des femmes dans le temple religieux, à l’occasion de la prière. Elle veillait sur la droiture et l’étroitesse des rangées des fidèles telles que préconisées par l’islam.

Yaye était une amazone de la religion, toujours à l’affût pour poser un jalon dans la voie d’ Allah SWT. Elle était prompte à faire du porte – à – porte à Dieuppeul comme dans le cadre d’une campagne de proximité sitôt qu’elle eût entendu via les ondes d’une certaine radio qu’une personne en détresse nécessiterait d’un secours pour se soigner. Elle en faisait un combat personnel. Et en peu de temps, elle glanait beaucoup d’argent, d’une manière qu’elle seule détenait le secret, car elle jouissait d’une crédibilité hors norme.

Yaye organisait annuellement une conférence religieuse sise devant la maison familiale. Elle choisissait le parrain de la cérémonie parmi les nombreux voisins disparus, pour honorer leurs mémoires et susciter l’émulation chez les voisins vivants.

Yaye a, de son vivant, prêché la bonne parole, celle de Dieu, loin des futilités de cette vie. Le pan de voile levé par des proches sur sa générosité, attestée par les gestes qu’elle faisait à leur endroit via « wari », « orange – money » et que sais – je, dont ma fille Ndeye Mberla, sa confidente, s’en acquittait dans une totale discrétion, en dit long. Car ce n’est qu’après le décès que nous en avons eu le cœur net.

Yaye était une femme de Dieu. Sa naissance l’en prédestinait. Elle naquit un certain jour de Maouloud et fut affublée du patronyme d’Aminata, la mère du prophète de l’islam (psl). Son papa Mamadou MBOW, un commerçant fervent disciple de Serigne Touba, qui accueillait chez lui à Ngaye Mékhé, le fils ainé de ce dernier, Mamadou Moustapha, avait donné à ses enfants les noms de Mamadou Moustapha MBACKÉ, Mamdou Fadilou MBACKÉ, Bassirou MBACKÉ, Cheikh MBACKÉ, Bara MBACKÉ, tous arrachés à notre affection, sauf le dernier qui vit à Rufisque. De leur vivant, ils avaient fait d’elle leur maman.

Yaye, « mouride saadééx », dans sa quête de Dieu, avait enjambé les « tarikhas ». Toujours présente à l’appel de Seydina Limamoulaye à Yoff, au « Gamou » de Thiénaba, au magal de Touba…

Yaye nous quitte, en tournant une page de l’histoire du quartier et de sa famille tant sa vie a été utile et juste. Sa haute idée du voisinage nous a instruit de lui consacrer un long avis de décès diffusé à travers les ondes des chaines de radio de la place. C’était sa dimension. Je la revois à l’occasion des fêtes de Tabaski, de korité, de Tamkharit, comme dans le cadre d’une campagne de proximité, faire du porte – à porte dans le quartier, en guise de « ziar » sans exclusive.

Yaye était liée au marabout Serigne Khadim Gaydel LO de Bagadad à Thiès qui l’avait surnommée Sokhnasi MBOW. La maison contigüe à la sienne faisait office de son dara où ses condisciples, à l’unanimité, l’appelaient affectueusement Mame. Ses bols de riz leur parvenaient régulièrement. Par reconnaissance, le saint homme fit le déplacement sur Dakar pour présenter ses condoléances et prier pour le repos de son âme, après avoir offert un bœuf à la famille pour la cérémonie du troisième jour.

Yaye, une fois dans l’au – delà, auprès des siennes, comme l’a témoigné avec certitudes mon jeune frère Abdoulaye Ali LO, un voisin dont la maman a disparu depuis très longtemps, se verra décernée une médaille par ses voisines et amies, dont sa défunte maman et son acolyte, notre tante Mama Téning DIOUF partie dans les cieux en 1976 .

« Dundam amoon na njariñ ».

Pour ma part, je me sépare d’une amie, d’une confidente, d’une musulmane pour qui, je quittais mon domicile éloigné de trois cents mètres de chez elle, pour venir diriger les prières de « Timis » et de «  Guéwé », excepté mes jours de réunion. Avant de prendre congé d’elle, suite à nos débats sur la famille, le quartier, la religion et l’actualité. Pour autant, j’essaierai, la famille avec, de rester dans ses pas dès lors qu’elle était intransigeante avec l’éthique et rigoureuse avec elle-même.

Que la terre de Yoff lui soit légère !
Que son œuvre sur terre lui soit rétribuée !
Que Firdaws soit sa demeure !

Adieu Yaye !
 
Mame Abdoulaye TOUNKARA
Ex premier adjont au maire de la
commune de Dieuppeul - Dérklé
 
Dimanche 11 Août 2019




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