Carnet de voyage d’un ancien reporter (Par Aliou Sall)


Chers amis, 
Je suis heureux de vous annoncer que j’ai décidé de partager avec vous quelques moments des vacances que je passe actuellement avec la famille dans l’Est et le Sud du Pays. En espérant partager en même temps, ma passion presque charnelle pour le pays profond, avec ses crues ardeurs et l’authenticité sans feinte de ses gens.
 Départ mouvementé ce matin. Je suis sorti de chez moi sous une pluie battante. Et jusqu’à Sébikotane, le rythme des précipitations ne s’est pas estompé. Imposant à Maguéye, mon jeune frère qui me sert de chauffeur depuis 17 ans, à rouler au pas. De son expression, je déduis qu’il se croit presque immobile alors que moi, malgré le ralenti, j’attends plus de prudence face aux rafales pluvieuses.
 
“Le temps qui vole souvent comme un oiseau se traîne d'autres fois comme une tortue ; mais il ne semble jamais plus agréable que lorsque l'on ne sait s'il va vite ou lentement.”
 
Ivan Tourgueniev
 
En route vers Tambacounda, capitale du Sénégal oriental, mais déjà le Plateau de Thiès serpenté par l’autoroute, offre une verdure qu’impose l’hivernage. L’eau est vie. 
 
Je n’ai pas résisté à la douceur du climat et Morphée s’empara de moi. Des autres voyageurs aussi, fort heureusement sauf Maguéye. 
Réveil à chaque ralentissement à l’entrée des villes : Sandiara, Thiadaye, Fatick la Sérère, Gandiaye et voilà Kaolack où une escale technique s’impose. Quelques rayons du magasin EDK me font penser à ces capitaines d’industrie qui ont fait confiance à leur potentiel, à leur pays et qui sont en train de construire le Sénégal. Loin parfois du tumulte politico-mediatique. Sans tambours, ni trompette.
Bravo Demba !

Le Sine Saloum est traversé sans empressement. Le brouhaha du centre ville de Kaolack n’enlève en rien ce sentiment de quiétude qu’amplifie une pluie devenue fine et douceureuse. Là aussi, je m’étonne de ne pas voir les « mbedd » envahis par les eaux usées. Kaolack ville salubre serait en devenir ! Quid de UCG et de mon ami Serigne Mboup, tout nouveau Maire ? Certainement, la synergie !
Un hélico militaire trône au centre de l’aéroport, à Kanda, le mur rafraîchi, un camion citerne ravitaillait l’aéronef : une vie retrouvée après des dizaines d’années de somnolence de ce haut lieu d’aviation. Une colonne de l’armée en escale, le long de la nationale 1, une dizaine de véhicule, des soldats lourdement armés, mais tout aussi enthousiastes. Peut-être une fin de mission réussie. 
Le Saloum, ce fleuve salé, réapparaît vers Kahone, la royale. Sillons de Tann et filets d’eau salée entrelacés enfantent des îlots paradisiaques. Il y a même un hôtel qui s’appelle opportunément Adjiana. 
 
Ensuite, le Ndoucoumane. Mbirkilane, dont le nom sonne comme Daaral. Ici, en effet, viennent s’approvisionner les "tefanke" pour redistribuer bovins et ovins en provenance du Ferlo tout proche et en partance pour partout dans le pays. La région est un vrai carrefour. Pensées pour Thierno Birahim Ndao qui fut maire de Kaffrine, grand chantre de la décentralisation. 
 
Ensuite, Koungheul, koumpentoum... La route est infinie mais très agréable. Pas de nid de poule, pas de déviation pour éviter les trous béats qui faisaient sa renommée. Ah quelle souffrance j’y ai maintes fois vécues ! D’abord, en militant, sillonnant le pays lors de missions d’organisation dans les années 90. Ensuite, en tant que reporter, souvent envoyé en Gambie pour suivre les négociations entre le Sénégal et le MFDC, à Sédhiou pour couvrir les journées culturelles de l’ancienne capitale de la Casamance, sur invitation de Balla Moussa Daffé, tout puissant et presque inamovible Maire alors. Quelles souffrances aussi, pour me rendre à Bakel servant de guide touristique à des amis militants internationalistes belges. La route était un enfer alors. Merci Macky Sall ! Koussanar, et enfin Tambacounda. Passage choisi, au détriment du pont de la Gambie, autre merveille. Mais le détour en vaut la chandelle. Pour faire coucou à Minata. Une camarade de parti, connue dans les cellules de AJ de l’Ucad. Apre à la lutte idéologique, affrontant avec une égale témérité les salves rhétoriques tout comme les jets de grenades lacrymogènes. Panafricaniste et féministe décomplexée. Minata est pour moi un exemple parfait d’un militantisme authentique. Expérience de fonctionnaire, mais surtout expérience dans la Mouvance du développement comme bon nombre de maoïstes assagis, Minata a depuis lors choisi de s’installer ici. Formant des femmes et des hommes leaders, développant l’entreprenariat communautaire et éco-responsable, Minata n’en demeure pas moins alerte et disponible pour le secteur politique. 
J’ai souhaité venir visiter son auberge, Saare Aminta Paate, qu’elle dit modeste. J’ai surtout vu le côté sympathique, propre et les enfants eux se sont régalé comme des affamés, me faisant même un peu de gêne. Le succulent Tieb, tout naturel, servi par les gentilles filles de Minata les a ravis. Les filles biologiques de notre hôte et ses filles adoptives, qu’elle ne distingue point sont aux petits aguets, ravies elles aussi de recevoir des gens venus en simples amis. J’ai pu comprendre que Minata a adopté certaines d’elles. Adoption fruit d’une confiance intuitive de parents séduits par la sincérité de Minata. Une communion toute africaine que nos sociétés gardent encore, du moins dans le pays profond. J’ai voulu en savoir plus, mais j’ai vite compris que la pudeur de mon interviewé était plus dense que ma curiosité journalistique. Journaliste un jour, journaliste pour toujours !
 
Me voici déjà en route vers KOLDA. Pour un séjour de 3 jours, chez mon autre ami Bélal SOW, rencontré en 1988, quand nous étions engagés ensemble dans la coordination des élèves du Sénégal. Un autre volontariste ! Je vous en conterai demain, In Sha Allah.

Aliou SALL


Vendredi 19 Août 2022




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