« Y’EN A MARRE » a t-il prêté le flanc ?


« Y’EN A MARRE »  a t-il prêté le flanc ?
C’est avec un grand intérêt que j’ai lu l’article de Cheikh Yérim Seck concernant l’interpellation du rappeur du groupe « Keur Gui » qui cristallise la contestation de la jeunesse sénégalaise contre le pouvoir. C’est aussi avec perplexité que j’ai lu le titre me demandant encore pourquoi qualifié le propos de « flanc prêté» ? N’a-t-on pas déjà prononcé une condamnation pour délit d’insulte envers une personne identifiée ?
En effet loin de tiquer, à proprement parler, après la déclaration de Thiat, les mots m’ont quand frappé car reconnaissons avec monsieur Seck, cela ne fait pas partie de nos coutumes. Cependant n’oublions pas que nos coutumes sont un paquet de valeurs qui ne sauraient être divisées pour quelque raison que ce soit si nous avons le soucis de les préserver. Et c’est là toute la question : sommes nous plus soucieux de sauver des apparences plus trompeuses au risque de discréditer toute une culture qui, de toutes les façons, ne pourra échapper à la critique de nous même ou des autres ? Si la réponse est oui alors effectivement le discours de Thiat du 23 Juillet est une faute grave car enfreignant le code de conduite de notre société.
Cependant, si nous tenons à être une société où, c’est vrai, le discours doit être enrobé, nuancé mais qui a un soucis élevé de l’honneur, de la dignité et de l’exemple à donner aux jeunes générations, je pense qu’une faute de parjure publique dont le responsable se glorifie doit être publiquement dénoncée mais surtout, le responsable mis au banc des personnes indignes de notre culture.
C’est là la difficulté de la société sénégalaise, le « Masla » nous empêche de sanctionner objectivement avec la rigueur qui correspond à la faute commise. A ce propos il me plait de rappeler le discours du président Amadou Toumani Touré du Mali à l’occasion de l’inauguration du Grand théâtre de Dakar. Ce jour il a séduit, pour un homme dont l’éloquence ne fait pas rêver, tout le public spectateur comme téléspectateur lorsqu’il évoquait sa décision de respecter les termes de la constitution de son pays qui limitent les mandats présidentiels à deux (2). Il a déclaré s’être plutôt soumis au code d’honneur de son propre village d’origine où la parole donnée a force de contrat moral et tout le monde sait ce que peut couter de trahir un contrat. Dans ce même « speech » le président Touré disait que, dans leur tradition, la personne n’est obligée de faire quelque déclaration que ce soit mais si elle la fait, ne pas tenir sa parole équivaut, non seulement à s’auto exclure de sa communauté, les enfants les plus petits seront libres de considérer le fautif comme le dernier des hommes mais pire encore, cela peut poursuivre sa descendance. Les dégâts sont incommensurables. Acceptons-nous d’être moins regardant sur la dignité et le sens de l’honneur que les autres peuples d’Afrique ou d’ailleurs pour sauvegarder une « richesse » qui s’appelle « Masla » ? Pensons- nous vraiment que dignité et sens de l’honneur pèsent moins dans la postérité que « Masla » ? La réflexion est ouverte mais ma position à moi est que le « Masla » est une de nos tares au Sénégal. C’est ce qui nous pousse à taire le mensonge si nous ne lui trouvons pas une légitimité historique ou religieuse dépendamment de la personne qui en est l’auteur.
La force d’une société c’est sa capacité à s’organiser autour d’une justice sociale reconnue et acceptée par tous ses fils, où tous les membres de la communauté trouvent leur compte car se sentant protégés au plus haut niveau.
Personne n’acceptera, de bon cœur, de demeurer éternellement le sous-homme qu’un système social a voulu créer. C’est vrai que dans ce Sénégal des exemples fusent dans le domaine religieux avec des relations déséquilibrées dont les explications sont plus à chercher dans nos traditions féodales que dans la religion musulmane qui est pourtant leur espace de légitimation. Mais pour ceux qui lisent les mutations du peuple sénégalais, force est de reconnaître qu’il y a une remise en cause progressive et profonde de ces lois sociales que la morale réprouve, que les religions du livre ne reconnaissent pas et qu’un esprit éclairé, non pas illuminé, aura toutes les peines à accepter.
C’est justement dans ce contexte qu’il faudrait lire la parole de Thiat, qui rappelons-le n’a prononcé ni nom ni fonction.
Chers compatriotes les mutations profondes qui envahissent le monde ne nous épargneront pas. D’ailleurs le Coran l’enseigne.
Si, il est vrai que la communication publique a des règles car les sensibilités diverses doivent prises en compte, il n’en demeure pas moins qu’une société qui se respecte ne peut fermer les yeux sur une faute monumentale pour se focaliser sur une autre de moindre importance avec comme seul argument que les propos pourraient avoir pour cible une vieille personne.
Une question pour terminer : Dans notre pays où l’âge avancée semble faire de la personne une institution qui échappe à la critique, puis-je savoir l’âge plafond qui ne saurait trouver une personne en prison au Sénégal?

M. Djibril Diaw
diawdjibril@hotmail.com
Mardi 26 Juillet 2011
M. Djibril Diaw




1.Posté par Indigné le 26/07/2011 11:43
Boom! Belle réponse!

2.Posté par ndiobag le 27/07/2011 09:37
Wakh nga lep, y a rien a ajouter
nos valeurs sont un ensemble, bi djitou bi topeu si, si on sort du rang surt si c'est le plus agé ki le fait, alors on peut rien n'exiger des autres

3.Posté par citoyenne le 31/07/2011 12:08
Belle analyse, j'adhére complétement!!! dés lors qu'un chef d'état se permet de se dédire publiquement sans aucun scrupule en violation manifeste des textes fondamentaux,il n'es plus en droit d' exiger le respect de son peuple!

4.Posté par hamidou dia le 01/08/2011 09:32
J'ai lu avec intérêt la contribution de M. Diaw; elle est limpide.Je partage son propos.



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