Six dossiers de terrorisme vidés par la Chambre criminelle spéciale : des acquittements et des peines ferme de prison.

La chambre criminelle siégeant en formation spéciale au tribunal de grande instance hors classe de Dakar, a coupé la poire en deux en décernant trois acquittements et trois condamnations à des peines ferme concernant les six dossiers qu’elle était appelée à traiter depuis la mi-mars. Sur neuf accusés, cinq ont été libérés.


Sans surprise, Boukhary Bah sort de prison

 

Boukhary Bah  est le premier à connaître son sort. L'Éleveur Peulh originaire de Nampala, dans le centre du Mali a été purement relaxé par le tribunal. Il n’en attendait pas moins après le réquisitoire du substitut du procureur qui l’avait déjà disculpé et avait demandé au tribunal d’en faire de même. Boukhary Bah qui a fait trois ans de détention préventive pour avoir été membre d’un groupe WhatsApp « Andal Pulaaku », retrouve ainsi la liberté. 

 

Les enquêteurs avaient aussi soupçonné le berger d’entretenir d’avoir des liens avec des membres de la Katiba du Macina rencontrés dans ce groupe. Ce qu’il a vivement contesté. Il s’est aussi porté en faux contre les accusations de financement de terrorisme basés sur l’envoi de 20 millions au Mali. 

 

Mamadou Camara retrouve son épouse

 

Poursuivi pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, complicité d’actes de terrorisme, Mamadou Camara  a connu pareil sort. Le candidat à la migration a été perdu par son goût pour le gain facile. De retour du nord du Mali où il aurait été malmené par des preneurs d’otages, il a monté une histoire de toutes pièces pour faire croire aux services de sécurité qu’il était en possession d’informations susceptibles de les aider dans la lutte qu’ils mènent contre le terrorisme. Lorsque les enquêteurs ont découvert le pot aux roses, la machine judiciaire s’était déjà emballée contre le natif de Kolda qui, devant le tribunal, avait tout nié. Finalement, il peut retrouver son épouse comme souhaité lors de sa comparution.

 

Trois compatriotes mauritaniens sauvés par le manque de preuves

 

Erhil Adébé, Moustapha El Béchir et El Atigh AhmedMahmoud  peuvent pousser un grand ouf de soulagement. Ces trois mauritaniens risquaient la réclusion criminelle à perpétuité. Arretés en 2017 pour leur connexion supposée avec les auteurs des attentats de Grand Bassam et de Ouagadougou, ils ont été ecroués pour financement du terrorisme et actes de terrorisme par association de malfaiteurs. Les communications répétitives de deux numéros sénégalais appartenant à Moustapha El Béchir avec deux numéros maliens enregistrés au nom de Mimi Ould Baba Ould Cheikh et Hamza ben Mohamed avaient alerté les services de sécurité. Ils ont contesté les faits, mais Erhil Adébé a reconnu avoir accueilli à l'hôtel Ndiambour où il était logé, Hamza Ben Mohamed sur demande d’un ami algérien. Il n’a pas non plus nié avoir remis à son invité la somme de 20 000 francs CFA pour payer son billet de retour au Mali. Ce qu’il n’a pas reconnu par contre, c’est la réception de 200 000 francs que lui aurait envoyés Hamza Ben Mohamed depuis le Mali.

Finalement, la chambre criminelle a acquitté les trois compatriotes pour défaut de preuves, non sans les mettre en garde contre une nouvelle implication dans des « choses pas très claires ».

 

Aïda Sagna presque libérée

 

Seule femme du groupe, Aïda Sagna  a bénéficié de circonstances atténuantes. Alors qu’elle encourt 15 ans de prison, la sénégalaise a été condamnée à 5 ans de réclusion criminelle. Il lui reste 2 ans à purger. Deux années qu’elle devra mettre à profit pour réfléchir sur son avenir comme le lui a conseillé le président de cette session. « Nous avons décidé de vous donner une seconde chance. Mais à votre sortie, tâchez de ne plus être mêlée à ce genre de travers. La prochaine fois que vous vous ferez prendre dans des circonstances pareilles, le tribunal sera intraitable », fait savoir le juge à Aïda Sagna. 

 

« Si c’est votre mari qui vous a causé tous vos démêlés avec la justice, vous savez ce que vous avez à faire une fois sortie de cette épreuve », ajoute-t-il. Enseignante dans une école franco-arabe de la banlieue, Aïda Sagna a été radicalisée par son mari Lamine Ndiaye. Membre de la colonie sénégalaise de la branche libyenne de l’État islamique, il convainc son épouse de faire le voyage pour accomplir le jihad.  En Libye, Aïda Sagna s’est retrouvée à Sabratha que l’État Islamique tentait de prendre des mains du gouvernement de l’Ouest. Lors de cette expédition, il avait été fait état de la mort d’une sénégalaise dans une opération kamikaze. Dans un élément sonore, Mouhamed Lamine Diop connu comme l’émir des sénégalais de Syrte avait magnifié l’acte «  notre sœur Aïda » tout en présentant ses condoléances au « Grand Lamine ». Parlait-il de Aïda Sagna ? On ne le saura peut-être jamais.

 

Mamadou Diaou poursuit son « hégire »… en prison

 

« Quelqu’un qui sait de quoi demain sera fait, c’est bien Mamadou Diaou.  Ce français d’origine malienne qui voulait passer par Dakar pour aller en Syrie a été condamné à 5 ans de prison pour apologie du terrorisme. Le ministere public avait en effet requis 5 ans d’emprisonnement pour apologie du terrorisme et association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. En 2016, lorsqu’il s’est fait appréhender à Dakar, Diaou avait confié aux enquêteurs être au Sénégal pour des raisons touristiques. L’exploitation de son téléphone a permis de savoir qu’il était membre d’un groupe sur Télégram appelé « News Kalifa ». 

 

Une plateforme où défilent à longueur de journée des images à caractère violent. Ses accointances avec la mouvance salafiste-djihadiste en France n’ont pas plaidé en sa faveur de même que la non communication de son projet de voyage au Sénégal. Considéré comme un individu dangereux, Mamadou Diaou qui a été signalé par les services français à leurs homologues sénégalais sortira de prison au mois d'août prochain.

 

9 milliards d’amendes et interdiction de séjour contre deux ressortissants maliens

 

Sina Ould Sidy Ahmed et Boubacar Niangadou  ne sortiront pas de prison avant 2022. Les deux ressortissants maliens ont pris 5 ans de prison pour blanchiment de capitaux en relation avec une entreprise terroriste. Le parquet avait requis 7 ans pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, apologie du terrorisme et financement du terrorisme. Le tribunal a disqualifié le premier et a requalifié le financement en blanchiment de capitaux. À la peine de prison, Niangadou et Ould Sidy Ahmed doivent ajouter une amende de 9 milliards de francs CFA et une confiscation de leurs biens à hauteur de 3 milliards. Ce n’est pas tout puisqu’ils sont interdits de séjour au Sénégal et ne pourront émettre de chèque pour une durée de 5 ans.

 

Suite à l’arrestation de Sina Ould Sidy Ahmed en 2017, les enquêteurs avaient fait des découvertes effarantes chez cet arabe malien. Outre son passeport, ils ont mis la main sur une réservation d'hôtel au Radisson Blu pour le compte d’un libyen du nom de Misbah Alsenini, une décharge manuscrite en date du 23 janvier 2017 pour laquelle l'auteur reconnaît avoir reçu la somme de 20 millions de son compatriote Boubabar Niangadou. Au cours de la même perquisition, un chèque de 27 millions avait été trouvé.

Jeudi 29 Avril 2021




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