Que fait l’armée française en Afrique ou au Sénégal ?


Que fait l’armée française en Afrique ou au Sénégal ?
Le 18 avril dernier l’actualité sénégalaise a été marquée par la visite du tout nouveau président sénégalais, Macky Sall à Paris, sous l’invitation de l’ancien président français, Nicolas Sarkozy. Cette rencontre a fait parler d’elle à travers les décisions prises entre Paris et Dakar à l’occasion de cette première sortie officielle européenne du président Sall.

En plus de l’aide budgétaire de 130 millions d’euros (environ 85 milliards de FCFA), les deux chefs d’Etat ont signé des accords de défense qui se résument, selon les informations rendues publiques, à trois points. Pour Paris, il s’agit de conserver au Sénégal un contingent de 300 hommes (sur 1.200 initialement), d’assurer des facilités pour la Marine nationale et l’armée de l’Air. Un an plus tôt, les Forces françaises du Cap-Vert (FFCV) sont devenues les « Eléments Français du Sénégal » (EFS), dont la mission est d’animer un « Pôle opérationnel de coopération » (POC) au profit des armées des Etats membres de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).

D’autres clauses de ces accords seraient gardées secrètes. Ce qui contraste, non seulement avec le discours de Sarkozy du 18 avril promettant devant la presse la publication de l’intégralité du texte, mais cela contredit surtout l’engagement pris en 2008 par le même lors de son fameux discours de Dakar.

Tout compte fait cet accord qui vient s’ajouter autres nouveaux accords signés depuis 2008 entre la France et ses anciennes colonies, relance l’éternel débat de la présence des forces militaires françaises en Afrique. Car depuis quelques années, la France change stratégie mais les finalités restent les mêmes.

En effet, il s’agit de développer des pôles régionaux de coopération militaire, via l’Union africaine. D’où la réduction des effectifs des forces françaises an Afrique. Ainsi, 7 accords ont été renégociés au cours de ces trois dernières années. Après le Togo et le Cameroun en 2009, le Gabon, la Centrafrique, les Comores l’année suivante, puis, récemment, Djibouti et la Côte d’Ivoire, c’est au tour du Sénégal de conclure un nouvel accord de défense avec la France.
Lancé depuis 50 maintenant comme une stratégie de sécurité et de stabilité, la présence militaire de la France en Afrique constitue en réalité un gage de domination politique, économique et marque une nouvelle forme d’ingérence dans de la France dans les affaires internes de ses anciennes colonies.

Les bases du néocolonialisme français en Afrique
Cette stratégie de France lancée dans les années 1960, dans le cadre de la mise en place des indépendances, avait pour principal objectif de maintenir les intérêts économiques de l’ancienne métropole (pétrole, gaz, fer, bois, uranium). Cette motivation de l’Hexagone était surtout due à l’obsession de conserver son rang de puissance mondiale sur le dos des pays africains.

A cela s’joute, la tradition coloniale de l’empire français dont la classe politique de l’époque faisait montre d’une idéologie paternaliste, voire raciste.

50 ans après, à des degrés divers, la France maintien encore une quinzaine de pays de l’Afrique sous tutelle militaire, cause d’une dépendance politique et économique. En effet la France a pris pour habitude d’intervenir militairement dans des conflits internes et surtout lorsque ses intérêts sont menacés (Cameroun, Tchad, Comores, Centrafrique, Côte d’Ivoire). Il s’adonne également à encadrer et d’équiper des armées et gardes présidentielles. Elle est même souvent complice des crimes contre l’humanité comme au Congo Brazzaville en 1997 ou au Rwanda en 1994.

De nouveau discours pour les mêmes effets
Alors que des cas d’ingérence de la France en Afrique deviennent de plus documentés, et de plus en plus contestés, les autorités françaises ont entrepris, depuis quelques temps, de réformer la présence militaire de la France au continent noir. Même si ces nouvelles stratégies, devenues visibles surtout avec Nicolas Sarkozy, obéissent plus ou moins à quelques unes des exigences du moment, les traditions restent tout de même identiques.

Maintenant, la « nouvelle » politique militaire de la France en Afrique repose essentiellement sur trois axes :
1. La volonté d’obtenir un mandat de l’ONU pour légitimer les interventions françaises comme en Côte d’Ivoire en 2004. Mais on se rappelle malgré tout du « coup de poing » forcé sans mandat au Tchad ou en Centrafrique.
2. Le recours à la « multilatéralisation » des interventions françaises en y associer des partenaires européens ou américains (RDC 2005). Cette stratégie permet non seulement le partage des coûts mais elle aide surtout camoufler les intérêts multicolores derrière le drapeau européen et jouer le rôle de leadership.
3. Le prétexte de renforcement de capacités africaines et du maintien de la paix. La France prétend, depuis 1997, placer sa présence en Afrique sous l’égide de l’aide à l’autonomie militaire de l’Afrique pour régler ses conflits.

Les piliers de la présence militaire française en Afriques
Par ailleurs, s’est dessiné depuis peu, des piliers clés de la présence militaire de la France en Afrique. Il s’agit entre autres :
• Des accords de coopération militaire et de défense (8 accords de défense),
• Les bases militaires (3 bases permanentes au Sénégal, jusqu’en 2010 avec 1 150 hommes, 800 au Gabon et 2 900 au Djibouti),
• Des ventes d’armes de la France aux anciennes colonies. La France occupe la 4ième place mondiale avec un chiffre d’affaire de 4 à 8 milliards d’euros selon les années),

C’est dire que les interventions militaires françaises en Afrique ne sont pas prêtes à s’arrêter maintenant. Le changement promis « maintenant » par le président François Hollande changera-t-il la donne ? Attendons de voir.


Mamadou DIOP
diopthemayor@gmail.com

Dimanche 27 Mai 2012
Mamadou DIOP - Bordeaux




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