Le Parti démocratique sénégalais (Pds) face à son destin : Muter ou imploser!


Le Parti démocratique sénégalais (Pds) face à son destin : Muter ou imploser!

La présidentielle de 2012 s’approche, Me Wade semble hélas plus préoccupé par sa station qu’au jugement de l’Histoire. Le Pds ressemble plus à une armée mexicaine où chaque régiment a sa propre stratégie de survie. Le Maître a-t-il perdu la main ? Réussira t-il à laisser derrière lui un parti politique qui pourra prendre en charge sa vision ? Ses Nawlé (Alter égo) en politique notamment Léopold Sédar Senghor, Mamadou Dia et Cheikh Anta Diop ont laissé à la postérité des partis qui revivifient encore leur pensée. C’est à cette aune-là que l’action politique de Me Wade sera appréciée n’en déplaise aux Constantistes ! Et, dans cette perspective historique majeure, sa candidature ou non à la prochaine présidentielle est dérisoire.

I. De la naissance à la décomposition du Pds

Après une éclipse de dix (10) ans (1963-1973) du champ politique national, Me Wade créa le Parti démocratique sénégalais (Pds) en août 1974 à la suite de l’ouverture démocratique du Président Senghor. Auparavant, il milita au Bloc des masses sénégalaises (Bms) du Pr Cheikh Anta Diop qui fut dissous en 1962. Des cendres du Bms, naquit le Front national sénégalais (Fns) qui subit le même sort en 1964. Trois courants idéologiques furent autorisées en 1974 par le régime d’alors : il s’agit des courants socialiste et démocratique, libéral et démocratique, communiste ou marxiste léniniste et plus tard un courant conservateur. Contre mauvaise fortune, bon cœur –disons à contre cœur- Me Wade adopta le courant libéral et démocratique. Ainsi donc, Me Wade est très loin du libéral doctrinaire sans fibre sociale que certains analystes politiques dépeignent à longueur d’articles. Je dirais qu’il est plutôt un libéral orléaniste socialisant en perpétuel mouvement et qui renvoie dos à dos l’Etat et le Marché. Il fait confiance au citoyen responsable qui fait siennes ces valeurs : Dignité, Travail, Liberté et Solidarité. Sa doctrine du libéralisme social –bien enracinée dans la culture nationale- constitue une résultante du socialisme démocratique, du nationalisme démocratique et du libéralisme démocratique. Nous y reviendrons.

A partir de 1983, commence la décomposition du Pds. En effet, il donna naissance au Pds/Rénovation du Pr Serigne Diop, au Parti libéral sénégalais (Pls) de Me Ousmane Ngom, au Bloc des centristes Gaïndé (Bcg) de Jean Paul Dias. A partir de 2000, la décomposition du Pds s’accélère avec la création du Parti Rewmi du Premier Ministre Idrissa Seck, du Groupe Warwi de Modou Diagne Fada et de l’Alliance pour la république (Apr) du Premier Ministre Macky Sall. Ce dernier a fini par rejoindre la Coalition Benno Siggil Sénégal et parapher la Charte de bonne gouvernance démocratique issue des Assises Nationales. C’est un acte politique majeur que l’ancien Premier ministre a posé. L’avenir nous dira si ce choix est plus émotionnel que politique. A cet égard, la démission du sympathique Moustapha Diakhaté du Pds ne peut passer inaperçu tant l’homme reste une icône pour une génération de jeunes sénégalais qui ont tout donné au mouvement Sopi des années 88.

II. De la nécessaire mutation du Pds

Le Pds ne peut plus continuer à fonctionner comme si rien ne s’était passé depuis le 19 mars 2000, comme si le champ politique était scotché sur cette date mythique alors que depuis la présidentielle du 25 février 2007 et les élections locales du 22 mars 2009-marquée par une percée notable de l’opposition significative Benno Siggil Sénégal dans les grandes villes- un nouveau cycle politique a commencé. En homme politique averti, Me Wade le sait. A cet égard, la contribution de Me Mbaye Jacques Diop (1) sur la refondation du Pds avait posé les termes d’un débat de fond que les cadres du Pds n’ont pas eu le courage d’aborder, hormis les ministres Abdou Fall et Lamine Bâ. Le Pds post alternance est une chimère politique voire une auberge espagnole où cohabitent plusieurs forces qui se regardent en chiens de faïence. Mais qui sont-elles ?
Il s’agit des :

• Libéraux authentiques ou Libéraux de lait. Ces libéraux n’ont jamais quitté le Pds du moins formellement ;
• Fusionnistes pré alternance (Cds de Abdou Fall) ;
• Fusionnistes post alternance (Cdp/Garabgui du Pr Iba Der Thiam, Ppc de Me Mbaye Jacques Diop) ;
• Transhumants socialistes défaits le 19 mars 2000 qui rejoignirent à brûle-pourpoint le Pds ;
• Libéraux de lait transhumants en provenance du Pls de Me Ousmane Ngom et du Pds/R du Pr Serigne Diop ;
• Néolibéraux post-alternance, c’est à dire des ministres issus de la société civile ou de l’administration publique ou du secteur privé mais qui finirent par prendre la carte du Pds;
• Libéraux de lait revenus au bercail dont Me Doudou Ndoye et Me Massokhna Kane. Ce dernier a participé à la victoire du 19 mars 2000 sous les couleurs de l’Afp du Premier Ministre Moustapha Niasse ;
• Enfin, d’autres libéraux authentiques ayant quitté le Pds pour diverses raisons mais dont le retour n’est pas totalement exclu si Me Wade leur trouve une station à la mesure de leur cursus et de leur poids politique. Il s’agit respectivement des Premiers Ministres Idrissa Seck Directeur de la campagne présidentielle de 2000 et qui vient de rejoindre d’ailleurs sa famille politique naturelle, Macky Sall Directeur de la campagne présidentielle de 2007 et de Mr Jean Paul Dias du Bcg. Ce dernier se considère à juste titre comme l’aîné de la famille libérale même s’il n’a pas participé aux victoires des présidentielles du 19 mars 2000 et du 25 février 2007. Monsieur Dias fut en effet un éminent leader du Pds durant les années de braise du Sopi et peut revendiquer des dividendes dans la société du Sopi qu’il a contribué à asseoir.
• D’autres mouvements tournent autour du Pds, notamment la Génération du Concret qui se réclame de Monsieur Karim Wade qui tente une OPA sur le Pds.

Voilà donc disséquée la typologie du Pds actuel qui a mal digéré sa croissance, utilisé le pouvoir comme une fin et non comme un moyen de transformation socioéconomique, mal négocié sa mutation en un parti de gouvernement et qui, finalement, est atteint du virus du centralisme démocratique et de son corollaire subséquent, le culte de la personnalité qui étouffe toute initiative et partant, ouvre des fenêtres d’opportunités aux parvenus qui regardent de haut leurs compatriotes de l’infini d’en bas qui croulent sous le fardeau de la dépense quotidienne, de la précarité absolue amplifiée par la crise énergétique et des inondations. L’indigence ambiante qui prévaut dans nos villes et campagnes est insoutenable. Le Sénégal vit une crise socioéconomique profonde même s’il faut savoir gré à Me Wade de son volontarisme dans le domaine social et en matière d’infrastructures. Mais revenons au Pds, le vers était déjà dans le fruit dès 1998. Le Pds n’était que l’ombre de lui-même après moult péripéties politiques (1988, 1993) et, il a fallu toute l’intelligence politique de Monsieur Idrissa Seck, le courage et l’abnégation de Mme Aminata Tall et de tant d’autres femmes libérales, l’expérience politique et la détermination des éminents leaders de la Gauche historique (Amath Dansokho, Abdoulaye Bathily, Landing Savané, Magatte Thiam, Feu le Pr. Sémou Pathé Guèye, Decroix Diop, Dr. Diallo Diop, Mbaye Diack, etc.) pour maintenir la flamme militante avant l’arrivée de Me Wade le 27 octobre 1999 suite à un long séjour en France. A cet égard, certains cadres et militants du Pds devront savoir mesure garder et cesser leurs attaques puériles contre ces éminents leaders de la gauche patriotique et leur rendre justice sous le fardeau. Ainsi donc, le Pds est confronté à un défi de survie qui suscite plusieurs alternatives : se refonder, se réformer ou se rénover voire muter ou imploser ! Mais comme le disait le musicien Alain Bashung <<être mort, c’est une chose, mais continuer à mourir...>>. Demain, l’œuvre du Président Wade sera jugée certes à l’aune de ses réalisations socioéconomiques et culturelles mais surtout à sa capacité d’installer une formation politique apte à perpétuer sa pensée et partant, lui permettre d’occuper une place de choix dans l’Histoire politique du Sénégal. Le contraire serait insupportable pour tous ceux qui l’ont accompagné depuis 1974, notamment la génération du Sopi. Le Pds actuel (ou son futur clone le Pdsl) ne peut relever ce défi historique et cela tombe sous le sens. Pour preuve, le débat réactionnaire sur la suppression du second tour de l’élection présidentielle et l’éventuel couplage des élections en 2012 traduisent une absence de perspective politique claire. Force est de constater que depuis le 19 mars 2000, Me Wade a eu le plus souvent une démarche plus politicienne que politique. Bien sûr, cela lui a permis de massifier son parti par le recyclage de transhumants socialistes et d’opportunistes de tous poils mais le coût d’opportunité politique fut élevé car le Pds y a perdu son âme et ses nombreux sympathisants en furent dégoutés. Aujourd’hui, le concept de transhumant socialiste n’est plus pertinent dans le camp libéral dès lors que la plupart d’entre eux sont sortis vainqueurs lors des dernières élections locales du 22 mars 2009 et ont acquis à cet effet une certaine légitimité; ce que l’excellent chroniqueur politique Issa Sall appelle à juste titre la revanche des transhumants. C’est une donnée politique majeure que les libéraux de lait doivent intégrer. D’ailleurs ont-ils le choix ? Me Wade réussira t-il à asseoir ce grand parti du Centre qu’il a toujours rêvé ? Bien sûr, le temps joue contre lui mais l’homme est imprévisible et adore les combats au bord du précipice et l’incertitude le galvanise. C’est un amateur de désastre comme l’aurait dit Jean d’Ormesson ! Pourtant, l’objectif ultime du Pds est toujours d’actualité : la réalisation au Sénégal par la voie démocratique d’une société démocratique et socialiste pleinement développée permettant à chaque citoyen d’assurer le plein épanouissement de sa personnalité (Article 2 de ses statuts). Originellement, le Pds est d’obédience centre-gauche.

III. Du grand Parti du Centre et la doctrine wadienne du Libéralisme démocratique et social

Dès lors, il s’agira pour le Pds d’opter hic et nunc pour la modalité la moins coûteuse politiquement, à savoir la mutation avec comme phare lumineux la vision wadienne d’un panafricanisme libéral, démocratique et social entendu au sens de doctrine donc générateur de principes d’action. A cet égard, l’excellente contribution du Pr. Iba Der Thiam (2) y relative, pourrait constituer un document de travail pertinent. Au demeurant, Me Wade, lui-même, avait posé les termes de cette problématique sur la refondation du Pds et il avait invité les cadres de son parti et ses sympathisants à mener la réflexion mais il précisait aussi qu’il tenait à la symbolique de l’acronyme Pds pour ne pas démobiliser ses militants et sympathisants. Me Wade répondait ainsi à la question de Mamadou Sèye sur la refondation du Pds (3) : <>. Force est de constater que ce questionnement de Me Wade ne semble point préoccuper les cadres de son parti et de sa coalition. Dans son discours à la réunion de l’Internationale libérale en mai 2008 à Belfast, Me Wade y avait présenté le concept du libéralisme social qu’il définit comme une doctrine qui embrasse ensemble les réalités et les aspirations africaines. C’est une piste à explorer, en direction de l’opérationnalisation de ce fameux socialisme africain mal défini, qui n’a jamais réussi en Afrique (4); peut être en considération du fait qu’une doctrine n’a de sens que si elle s’enracine dans la culture nationale pour reprendre Me Wade.

Cette mutation concernera nécessairement les partis alliés du Pds réunis dans la coalition Alliance Sopi pour toujours (ASt) et qui seraient prêts à le rejoindre dans un vaste rassemblement, notamment :

 Les libéraux socialisants (Pds, Rewmi, Bcg, Pds/ds etc.)
 Les sociaux-démocrates libéralisants (Urd, Psa, Psd/Jant Bi, Les Sur, Bds, Rds/Tds ?, etc.)
 La Gauche réformiste (AJ/Pads Decroix Diop, Ptp de Me El Hadj Diouf, Rds de Feu AbdouLatif Guèye, Pr de Abdourahim Agn, Ufp de Mbaye Diack, Prc, etc.)
 Les Forces socio-économiques de la société qui partagent la doctrine wadienne d’un panafricanisme libéral, démocratique et social.

La vision wadienne du libéralisme démocratique et social est arrimée au centre- lieu de mesure et d’équilibre- où viendront converger tous ceux qui croient en l’économie sociale de marché avec un compromis dynamique entre l’Etat et le Marché, le Capital et le Travail tout comme la Solidarité et la Compétition. Ainsi donc, L’Etat retrouverait la plénitude de ses prérogatives (Régulation, Interventionnisme, Justice sociale) bref sa main visible. La doctrine wadienne du libéralisme social n’est otage d’aucun mythe idéologique (5). En effet, chaque idéologie a eu son mythe dès lors qu’elle autorise la spéculation. Le marxisme (socialisme scientifique) a eu ses mythes, notamment la dictature du prolétariat et la socialisation du profit. Le socialisme démocratique a eu son mythe : L’Etat patron et distributeur d’égalité. Enfin, le libéralisme économique a eu aussi le sien : l’autorégulation du marché et l’harmonisation des intérêts. A la différence de la troisième voie théorisée par Tony Blair et Antony Giddens qui privilégie l’impôt comme moyen de répartition, la voie wadienne du libéralisme démocratique et social privilégie le travail dans la répartition du produit social Dieuf Dieul Niakh Diarignou et place l’homme au début et à la fin du développement. Ainsi donc, le libéralisme démocratique et social ne vise pas à instaurer, selon la belle formule de Sismondi <>. Aujourd’hui, à la faveur de la crise financière qui bouscule bien des paradigmes, l’Histoire semble avoir donné à Me Wade. En effet, le retour aux notions de Régulation et d’Interventionnisme de l’Etat dans l’économie de marché, l’investissement dans l’éducation, l’agriculture, les infrastructures et la santé ne constituent plus une catastrophe pour les institutions de Brettons Woods.

Conclusion

Le Professeur Cheikh Anta Diop fut l’intellectuel africain qui exerça l’influence la plus féconde sur le XXème siècle. Depuis son accession au pouvoir le 19 mars 2000, Me Wade aura marqué le début du XXI siècle en permettant à l’Afrique noire de reprendre l’initiative historique dans les domaines de la pensée économique et politique. En effet, pour lui, l’Afrique devrait se préparer dès maintenant au rôle imminent qu’elle est appelée à jouer, celui d’être la dernière frontière du développement du monde (6). Les générations actuelles et futures devront en être conscientes et j’espère bien qu’elles auront toujours à l’esprit cette pensée de Me Wade : Le destin des peuples ne doit rien au hasard, il emprunte toujours la trajectoire que lui impriment des choix et des comportements.

Par Docteur Ibrahima DEME
Vétérinaire Chargé d’Etudes
Unité 4 Plles Assainies N° 307 Dakar
E-mail : idemmedk@yahoo.fr/idemgfatm@gmail.com

Références

(1) Me Mbaye Jacques Diop : Réforme, Refondation ou Rénovation. Quand l’urgence des changements interpelle le Parti démocratique sénégalais. Le Quotidien N° 1358 du 10 juillet 2007

(2) Pr Iba Der Thiam : Réflexion sur quelques aspects du Libéralisme démocratique et social sous l’alternance. Le Soleil du 02, 03, 04 et 05 avril 2007

(3) Entretien exclusif à Mamadou Sèye : Me Abdoulaye Wade dit tout. Le Soleil N° 11388 du 19 mai 2008

(4) Assane Youssouf Diallo Ingénieur des Télécommunications Consultant International (2009): G20 A Londres : ET APRES ?

(5) Abdoulaye Wade : Un Destin pour l’Afrique - L’avenir d’un continent, Editions Michel LAFONT, 2005.

(6) Abdoulaye Wade, Président de la République du Sénégal : Un bouquet pour Barack Obama : L’Afrique et le Sud manquent de solutions pour sortir de la crise Le Monde du 20 janvier 2009.
Lundi 11 Juillet 2011
Ibrahima DEME, Docteur vétérinaire




1.Posté par pape séne le 12/07/2011 01:45 (depuis mobile)
le p.d.s est au crépuscule,et la nuit est plein de surprise!!!l'aube sera sens le pds et wade la BOURDE

2.Posté par tanaka le 12/07/2011 17:41
L’esprit de discernement et le sens de la mesure ont comme par enchantement pris langue avec le virtuel pendant que la vertu et la sérénité ont élu domicile dans les abysses de l’oubli. Et nous nous sentons singulièrement visé par ce constat que nous avons l’humilité de penser avoir fait.

3.Posté par Moustapha le 12/07/2011 17:45
Cheikh Anta,Senghor,Mamadou Dia avaient une vision politique.Wade pense que la politique et un jeu où la ruse ,la démagogie et le populisme sont suffisants pour rester eternel.Comment voulez vous que son parti suive le même sort que ceux des personnes précédemment citées?



Dans la même rubrique :

AIDA CHERIE - 22/05/2015