Elections de 2012: Bennoo ne saurait être un tremplin pour des politiciens réformistes !

Presque deux ans jour pour jour, après la cérémonie de clôture des Assises Nationales du 23 mai 2009, un accord historique fut scellé, le 28 mai 2011, par une trentaine d’organisations se réclamant de Bennoo Siggil Senegaal. Cet accord consacrait la candidature de l’Unité et du Rassemblement, arme fatale contre le système totalitaire de Wade!


Elections de 2012: Bennoo ne saurait être un tremplin pour des politiciens réformistes !

LA CONSTITUTIONNALISATION DU TICKET PRÉSIDENTIEL, CONSÉQUENCE INDIRECTE DE L’UNITE DE BENNOO?

Est-ce pure coïncidence, si quatre semaines plus tard, le projet de Loi Constitutionnelle instituant le ticket de l’élection simultanée, au suffrage universel du Président et du Vice Président de la République fut déposé sur la table de l’Assemblée Nationale, avec en arrière-pensée, la volonté de suppression du second tour de l’élection présidentielle ? Toujours est-il que le peuple, debout comme un seul homme, fera reculer le pouvoir libéral gagné par le doute, qui dut se replier dans un désordre indescriptible, obligeant ses amis occidentaux à se démarquer par rapport à sa gouvernance désastreuse ! Suite à cette grande victoire politique du peuple sénégalais, hommes politiques et organisations de la société civile, dont celles ayant pour vocation la défense des droits de l’Homme, vont porter sur les fronts baptismaux, le mouvement du 23 juin, avec comme objectif déclaré de s’opposer coûte que coûte à la candidature anticonstitutionnelle de Wade. Ce développement fulgurant du mouvement populaire contre la politique libérale anti-sociale et antipopulaire venait couronner quatre années de travail patient d’un noyau de partis d’opposition, qui s’étaient constitués en front après les élections présidentielles de février 2007.

L’INITIATIVE DES ASSISES NATIONALES POUR UNE VÉRITABLE DYNAMIQUE POPULAIRE ET CITOYENNE.

En effet, suite à leurs désillusions post-électorales, les partis politiques de l’opposition extra-parlementaire, qui pensaient venir à bout d’un Parti-Etat, sans construire une véritable dynamique populaire reviendront à la raison, pour initier, de concert avec des forces de la société civile et une partie de l’opposition parlementaire, un processus citoyen original connu sous le vocable d’Assises Nationales. C’est ainsi que dans tous les coins et recoins de notre pays fut initiée une réflexion autour de quatre objectifs :
• faire l’état des lieux dans les différents domaines et secteurs de la vie nationale ;
• proposer des éléments d’orientation des politiques publiques nationales ;
• réfléchir sur les conditions de refondation non seulement de l’Etat et des institutions, mais aussi de l’économie et de la société, en vue d´atteindre les objectifs visés ;
• fournir l’esquisse d’un nouveau projet de société partagé pour le Sénégal.
Des concertations furent ainsi conduites dans le cadre des huit commissions thématiques et des consultations citoyennes organisées dans les 35 départements du Sénégal et dans la diaspora sénégalaise (France, Etats-Unis d’Amérique, Canada).
Un diagnostic objectif des dysfonctionnements institutionnels, qui remontent à l’accession de notre pays à la souveraineté nationale, surtout après la crise de 1963 a été posé et mis sur le compte de « la nature de nos institutions et d’une gestion du pouvoir calquées sur le modèle de la Cinquième République française ». Les Assises Nationales vont identifier les problèmes liés à la mal-gouvernance, à la récurrence des révisions constitutionnelles et à la tendance à concentrer le pouvoir au sommet de l’Etat.
En mars 2009, la Coalition des partis politiques, qui avait pris l’initiative d’organiser les Assises Nationales infligera une défaite politique mémorable au pouvoir de Wade, ce qui pouvait être interprété comme un encouragement par le peuple sénégalais de la nouvelle démarche inclusive, faite d’autocritique et d’humilité empruntée par Bennoo.

LE SCENARIO PESSIMISTE

Des quatre scénarii théorisés par les experts des Assises Nationales (tendanciel, pessimiste, modéré et optimiste), force est de constater que c’est le scénario pessimiste, qui semble de plus en plus s’imposer.
En effet, les multiples grèves de travailleurs pour non-paiement de primes (particulièrement ceux de l’Education et de la Santé) sont là pour dénoter de réelles tensions de trésorerie dues entre autres raisons au racket du plan Takkal, que les bailleurs de fonds (Agence française de développement, Banque mondiale, Banque islamique de développement, Banque ouest-africaine de développement…) n’accepteront de financer qu’à cause de la création du Fonds de soutien à l’énergie garanti par l’État.
Par ailleurs, comme l’ont établi les experts lors des Assises Nationales, le principal instrument de politique économique de l’Etat sénégalais se réduit au budget alimenté par les taxes, l’impôt et l’emprunt. A un point tel que Wade fils s’est récemment attiré les foudres de l’Association internationale du transport aérien (IATA), qui lui a interdit d’entériner la nouvelle hausse de la redevance d’atterrissage que le Sénégal envisageait d’appliquer.
Les multiples dossiers de blanchiment d’argent sont découverts et traités de manière discrétionnaire par la CENTIF, dont celui de la société Myna récemment évoqué par la presse.
Enfin, la situation électorale reste caractérisée par une incertitude inouïe, qui amène à se poser la question de tenue effective des élections présidentielles à date échue. Il y a d’abord le fait que de larges secteurs de l’opinion, regroupés autour du mouvement du 23 juin, confortés par la quasi-totalité des constitutionnalistes de notre pays récusent la candidature du Président Wade. Cette défiance à l’endroit du candidat déclaré du PDS, va au-delà des partis politiques de l’opposition et de la société civile authentique, en ce qu’elle touche de larges secteurs du pouvoir confrérique et même de certains partis anciennement alliés à Wade. Mais il y a aussi les difficultés des partis d’opposition à présenter une alternative crédible, car à côté de la floraison de candidatures fantaisistes ou suscitées, il y a la coalition Bennoo Siggil Senegaal, qui semble vouloir se cacher derrière le M23 et la nécessaire invalidation de la candidature de Wade, pour ne pas avoir à choisir son candidat de l’Unité.

QUID DES IDEAUX DES ASSISES NATIONALES ?

Le peuple des Assises devrait-il, pour autant, renoncer à la refondation des Institutions, à la rectification et à l’approfondissement du processus démocratique après la monstrueuse parenthèse wadiste ? N’est-il plus question de donner une place centrale à la citoyenneté active et à l’éthique de responsabilité, à travers une gouvernance locale effective et efficiente?
Rien ne pourra empêcher le peuple sénégalais, une fois qu’il se sera débarrassé de la dynastie des Wade de mettre en place des mécanismes de sauvegarde de la Constitution, d’adopter par voie référendaire, en juin 2012, une nouvelle Loi Fondamentale incluant une Charte des libertés, de la démocratie et de la bonne gouvernance dont les dispositions seront quasi-immuables.
Et enfin, n’en déplaise aux dissidents libéraux et aux caméléons de la gauche "caviar", le peuple du 23 juin veillera à ce que la centralité du pouvoir lui revienne à travers ses représentants au Parlement, lequel devra désormais être positionné comme un acteur institutionnel majeur.
A quoi bon alors s’étriper pour une candidature à la présidentielle ?
N’a-t-on donc pas l’intention, comme on veut le faire croire à une jeunesse patriotique, désintéressée et intrépide, telle que symbolisée par Malick Noël Seck et tous ses autres camarades des jeunesses du M23, d’initier une révolution citoyenne et pacifique pour bouter hors du pouvoir la peste libérale ?
LE MONSTRE SEMBLE REPRENDRE DU POIL DE LA BÊTE
Il est à noter que, entre autres effets collatéraux de ces querelles de préséance, certain vieillard devenu dépressif, dans la dernière semaine du mois de Juin dernier, est devenu hilare, ayant retrouvé la joie de vivre ! Certes, il subit encore quelques contrariétés, car « généreux » devant l’Eternel (grâce à sa caisse noire), il voit de plus en plus ses présents déclinés par ses condisciples les plus proches !
D’un autre côté, les pontes libéraux, après le fléchissement de la machine répressive wadiste prise de court par la journée mémorable du 23 juin et les émeutes du 27 juin 2011, deviennent de plus en plus agressifs. C’est ainsi que, constatant leur impopularité croissante, ils ont enrôlé des nervis, acquis des chiens féroces et veulent se substituer à la police anti-émeutes et à la gendarmerie trop molles à leur goût, pour prévenir et contrer toute velléité de révolte populaire engendrée par leurs politiques néfastes et injustes. Comme si on pouvait arrêter la mer avec ses bras !
Nul besoin, cependant, d’être un politologue génial pour constater que, faute de mesures correctives, dont en premier lieu, l’invalidation de la candidature de Wade, tous les ingrédients d’une déflagration sociale incontrôlée sont réunis dans notre pays !

EXISTE-T-IL UNE ISSUE EN DEHORS DES ELECTIONS ?

Concernant la candidature de l’Unité de Bennoo, il devient patent qu’on assiste à des tergiversations d’hommes politiques, qui nous avaient fait croire, qu’ils s’étaient repenti de leurs errements passés, malgré leurs velléités hégémoniques notées dans les alliances électorales de ces dernières années. Il importe de retenir que chaque fois que les forces d’opposition sont allées divisées à des confrontations avec le Parti-Etat libéral, elles ont été battues et chaque fois qu’elles ont fait l’effort de s’unir, elles ont infligé des reculs décisifs au régime wadiste.
Dans toute cette confusion, la diffusion des conclusions des Assises Nationales a été sérieusement freinée par l’absence de volonté politique de certains hommes politiques et le manque de motivation de patrons de collectivités locales issus de la Coalition Bennoo, pris dans le tourbillon du clientélisme partisan et de la routine administrative, face à la nécessité d’œuvrer pour le développement des luttes populaires. Il faudrait donc, remédier rapidement à cette insuffisance, en procédant à la vulgarisation des principales conclusions des Assises et surtout de la Charte de Gouvernance Démocratique dans laquelle de larges secteurs de l’opposition et de la société civile se reconnaissent.
C’est pour cela qu’il faut en arriver à ne pas considérer l’élection prochaine comme une fin en soi, mais simplement comme un levier de mobilisation populaire, seule garante de changements véritables et durables. Quelle que puisse être l’issue de ce feuilleton insipide autour de la candidature de l’Unité, les partis de la gauche véritable, la jeunesse patriotique ainsi que les forces progressistes et désintéressées de la société civile doivent s’investir, pour développer le travail de mobilisation au sein des masses en vue d'imposer aux politiciens réformistes, de quelque bord qu’ils puissent être, une fois les élections terminées, la mise en œuvre des conclusions des Assises Nationales.

PHILIPPE TACKO WAR
FRANKFURT/ODER



Dimanche 13 Novembre 2011
PHILIPPE TACKO WAR




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