Trois mois après la chute: Le camp Gbagbo sans chef ni boussole

Un mentor en résidence surveillée, des cadres aux arrêts ou en exil, un parti qui se déchire: le camp de l'ex-président ivoirien Laurent Gbagbo est sans chef ni boussole trois mois après la crise post-électorale qui a signé la fin de son règne.


Trois mois après la chute: Le camp Gbagbo sans chef ni boussole

Après une décennie de pouvoir et la bataille d'Abidjan qui a conduit à l'arrestation de M. Gbagbo le 11 avril, une image résume la situation de son camp: celle du siège de son parti, le Front populaire ivoirien (FPI), dont il ne reste presque que les murs à la suite des pillages commis durant les combats.

Mais pour le FPI les dégâts sont bien plus considérables, à l'issue de la crise née du refus de son chef de reconnaître sa défaite à la présidentielle de novembre 2010, qui a fait quelque 3.000 morts.

Dernier coup dur: Mamadou Koulibaly, chef par intérim du FPI, a claqué lundi la porte d'un parti jugé "réfractaire au changement" et annoncé la création d'une formation baptisée Liberté et démocratie pour la République (Lider).

Président de l'Assemblée nationale et personnalité atypique de son camp, M. Koulibaly pointe les divisions qui ont éclaté au grand jour.

"On s'est retrouvé avec trois FPI, dit-il à l'AFP: l'un, officiel, que j'étais censé représenter à Abidjan", et "deux officieux" dirigés par des exilés du FPI au Ghana et le porte-parole de l'ex-président, Justin Koné Katina, lui aussi à l'extérieur.

Au coeur des affrontements: le sort réservé à Laurent Gbagbo.

Un parti ne peut avoir "pour seul programme la libération d'un leader", fait valoir M. Koulibaly, soupçonné par ses adversaires de vouloir lâcher l'ancien chef d'Etat.

Sur décision du gouvernement du nouveau président Alassane Ouattara, M. Gbagbo est en résidence surveillée dans le nord du pays, de même que son épouse Simone et 13 proches, dont le président en titre du FPI, Pascal Affi N'Guessan.

La justice ivoirienne, qui poursuit ses enquêtes sur eux, a déjà inculpé 24 figures du régime déchu, incarcérées samedi à Boundiali (nord) pour atteinte à la sûreté de l'Etat ou détournement de fonds, et a imposé des gels d'avoirs à beaucoup d'autres.

"La libération des camarades constitue la priorité du parti", insiste Sylvain Miaka Ouretto, secrétaire général du FPI.

Mais c'est aussi "l'inventaire" que le chef des députés voulait dresser de la décennie Gbagbo, avant les législatives prévues en fin d'année, qui a causé le clash.

"Koulibaly avait amorcé une autocritique, mais les autres sont incapables de regarder en face leur responsabilité dans la crise post-électorale", tranche un familier de la scène ivoirienne.

"Gbagbo est le fétiche du FPI, y toucher c'est se faire hara-kiri", commente de son côté le politologue Dominique Ouya.

Pour l'ex-parti présidentiel, ses ténors et ses satellites, l'avenir n'a jamais été aussi sombre.

En première ligne durant la crise, Charles Blé Goudé, chef des "jeunes patriotes" pro-Gbagbo accusés de nombreuses violences, fait l'objet d'un mandat d'arrêt international. Il tonne contre le "pouvoir dictatorial" de M. Ouattara, mais reste invisible.

Il se trouverait au Bénin ou au Ghana, un pays d'où nombre d'exilés guettent l'occasion de rentrer au bercail, à l'heure de la "réconciliation".

Alors que la presse ivoirienne spécule sur de supposées velléités de coup d'Etat du camp des vaincus depuis Accra, les intéressés semblent essentiellement préoccupés de leur propre sort.

"Nous attendons du régime Ouattara une assurance sécuritaire qui tarde à venir", confie un exilé, qui promet: "un jour on s'assoira pour se dire la vérité".

Mercredi 13 Juillet 2011




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