En Libye, l'ex-dandy de la jet-set, l'héritier putatif de Kadhafi s'est mué en chef de guerre au début de la révolte. Convaincu de la victoire finale.
Le dernier combattant de la famille Kadhafi était vendredi en fuite vers le Niger, selon un haut responsable du Conseil national de transition libyen (CNT). Seïf al-Islam, 39 ans, deuxième fils du «Guide» et dauphin présumé, aurait donc réussi à s'échapper de Syrte. Son convoi était encerclé, a ajouté un autre responsable du CNT.
«Seïf» comme on l'appelait, tentait de rejoindre son frère Saadi, déjà réfugié au Niger. Mais contrairement à ce dernier, Seïf al-Islam était au cœur du pouvoir. Curieux destin que celui de ce quadra au crâne rasé et au look de trader branché, ancien «visage humain» du régime. Au début de la révolution, il avait brusquement changé. Fini le jeune homme en costume italien, reçu avec égards à l'Élysée ou à la Maison-Blanche. Le nouveau Seïf menaçait les Libyens d'un «bain de sang», le doigt pointé vers la caméra. On l'avait vu haranguer la foule à Tripoli, brandissant un fusil d'assaut allemand G-36.
Cette métamorphose était un pari. Seïf croyait à la victoire finale. En se donnant la légitimité militaire qui lui manquait, il réaliserait enfin son projet de toujours: prendre la place de son père. Il le disait clairement en juin dernier, dans l'une de ses dernières interviews, donnée au Figaro. «La Libye d'après ne ressemblera pas à celle que vous avez connue. Et j'y jouerai un rôle important.»
«Un rôle honorifique au vieux»
Après plus de deux mois de clandestinité, il avait refait surface dans une chambre d'hôtel, face au port de Tripoli. Le crâne était toujours rasé, mais une épaisse barbe noire lui mangeait le visage. «La barbe, c'est pour le style», précisait-il en se passant une main sur le menton. Ahmed, l'un de ses proches conseillers, jouait les imprésarios: «Pas de photo, il est fatigué, il a les traits tirés.» Seïf gardait le souci de son apparence.
Son léger bégaiement avait disparu. Il rayonnait de confiance en lui-même. «Depuis trois ans, je m'étais écarté de la politique. Je vivais à Londres. Je suis revenu, et c'est pour rester.» Il allait mettre au pas les durs du régime. Il en rêvait depuis dix ans. En 2004, l'accompagnant dans une visite officielle à Paris, l'un de ses amis confiait: «Le “petit livre vert”, les comités révolutionnaires, ça suffit. On va devenir un pays normal. On donnera un rôle honorifique au vieux et Seïf sera président ou premier ministre.»
Réformiste contrarié
Mais le «vieux» était malin pour deux. Il avait autorisé son fils à rédiger un projet de Constitution et à lancer une chaîne de télévision. La Constitution ne fut jamais appliquée, la télévision fermée par les durs du régime. Seïf al-Islam avait dû se contenter du rôle de faire-valoir humanitaire, à la tête de la Fondation Kadhafi au budget illimité. Il avait pris parti pour les infirmières bulgares, faussement accusées d'avoir inoculé le virus du sida à des enfants de Benghazi. Il avait réglé l'indemnisation des parents de victimes de l'attentat contre un DC 10 français d'UTA en 1989. Il avait aussi libéré de nombreux islamistes, ceux-là mêmes qu'il allait retrouver en première ligne de la guerre civile.
Copain du prince Andrew
Il ne comprenait pas leur ingratitude. «J'ai lancé la construction de 600.000 logements!», s'indignait-il. Pourquoi l'Otan lui faisait-il la guerre? Il scandait ses protestations de «Pardon? Pardon?» énervés: «Pardon, n'avons-nous pas renoncé à notre arsenal nucléaire? Pardon, n'avons-nous pas réintroduit les compagnies étrangères? Pardon, n'avons-nous pas protégé l'Europe contre l'immigration africaine?»
Comment ses amis célèbres pouvaient-ils l'abandonner? Pendant son exil à Londres, il s'était cru anglais. Il était l'invité permanent des Rothschild, des «parties» huppées de New York aux chasses dans le Buckinghamshire. Le prince Andrew, fils de la reine, était son copain. Du jour au lendemain, ils ont tous oublié son numéro de téléphone.
Seïf al-Islam s'était montré pour la dernière fois devant les caméras occidentales alors que les rebelles étaient déjà dans Tripoli. Depuis, on ne l'avait plus revu. Le fils préféré avait perdu son pari. Pas tout à fait, en réalité. En l'inculpant pour crimes contre l'humanité avec son père, mais en ignorant son frère et rival Moatassem, la Cour pénale internationale l'avait reconnu: il était bien devenu un chef de guerre.
( LE Figaro )
Le dernier combattant de la famille Kadhafi était vendredi en fuite vers le Niger, selon un haut responsable du Conseil national de transition libyen (CNT). Seïf al-Islam, 39 ans, deuxième fils du «Guide» et dauphin présumé, aurait donc réussi à s'échapper de Syrte. Son convoi était encerclé, a ajouté un autre responsable du CNT.
«Seïf» comme on l'appelait, tentait de rejoindre son frère Saadi, déjà réfugié au Niger. Mais contrairement à ce dernier, Seïf al-Islam était au cœur du pouvoir. Curieux destin que celui de ce quadra au crâne rasé et au look de trader branché, ancien «visage humain» du régime. Au début de la révolution, il avait brusquement changé. Fini le jeune homme en costume italien, reçu avec égards à l'Élysée ou à la Maison-Blanche. Le nouveau Seïf menaçait les Libyens d'un «bain de sang», le doigt pointé vers la caméra. On l'avait vu haranguer la foule à Tripoli, brandissant un fusil d'assaut allemand G-36.
Cette métamorphose était un pari. Seïf croyait à la victoire finale. En se donnant la légitimité militaire qui lui manquait, il réaliserait enfin son projet de toujours: prendre la place de son père. Il le disait clairement en juin dernier, dans l'une de ses dernières interviews, donnée au Figaro. «La Libye d'après ne ressemblera pas à celle que vous avez connue. Et j'y jouerai un rôle important.»
«Un rôle honorifique au vieux»
Après plus de deux mois de clandestinité, il avait refait surface dans une chambre d'hôtel, face au port de Tripoli. Le crâne était toujours rasé, mais une épaisse barbe noire lui mangeait le visage. «La barbe, c'est pour le style», précisait-il en se passant une main sur le menton. Ahmed, l'un de ses proches conseillers, jouait les imprésarios: «Pas de photo, il est fatigué, il a les traits tirés.» Seïf gardait le souci de son apparence.
Son léger bégaiement avait disparu. Il rayonnait de confiance en lui-même. «Depuis trois ans, je m'étais écarté de la politique. Je vivais à Londres. Je suis revenu, et c'est pour rester.» Il allait mettre au pas les durs du régime. Il en rêvait depuis dix ans. En 2004, l'accompagnant dans une visite officielle à Paris, l'un de ses amis confiait: «Le “petit livre vert”, les comités révolutionnaires, ça suffit. On va devenir un pays normal. On donnera un rôle honorifique au vieux et Seïf sera président ou premier ministre.»
Réformiste contrarié
Mais le «vieux» était malin pour deux. Il avait autorisé son fils à rédiger un projet de Constitution et à lancer une chaîne de télévision. La Constitution ne fut jamais appliquée, la télévision fermée par les durs du régime. Seïf al-Islam avait dû se contenter du rôle de faire-valoir humanitaire, à la tête de la Fondation Kadhafi au budget illimité. Il avait pris parti pour les infirmières bulgares, faussement accusées d'avoir inoculé le virus du sida à des enfants de Benghazi. Il avait réglé l'indemnisation des parents de victimes de l'attentat contre un DC 10 français d'UTA en 1989. Il avait aussi libéré de nombreux islamistes, ceux-là mêmes qu'il allait retrouver en première ligne de la guerre civile.
Copain du prince Andrew
Il ne comprenait pas leur ingratitude. «J'ai lancé la construction de 600.000 logements!», s'indignait-il. Pourquoi l'Otan lui faisait-il la guerre? Il scandait ses protestations de «Pardon? Pardon?» énervés: «Pardon, n'avons-nous pas renoncé à notre arsenal nucléaire? Pardon, n'avons-nous pas réintroduit les compagnies étrangères? Pardon, n'avons-nous pas protégé l'Europe contre l'immigration africaine?»
Comment ses amis célèbres pouvaient-ils l'abandonner? Pendant son exil à Londres, il s'était cru anglais. Il était l'invité permanent des Rothschild, des «parties» huppées de New York aux chasses dans le Buckinghamshire. Le prince Andrew, fils de la reine, était son copain. Du jour au lendemain, ils ont tous oublié son numéro de téléphone.
Seïf al-Islam s'était montré pour la dernière fois devant les caméras occidentales alors que les rebelles étaient déjà dans Tripoli. Depuis, on ne l'avait plus revu. Le fils préféré avait perdu son pari. Pas tout à fait, en réalité. En l'inculpant pour crimes contre l'humanité avec son père, mais en ignorant son frère et rival Moatassem, la Cour pénale internationale l'avait reconnu: il était bien devenu un chef de guerre.
( LE Figaro )
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