Lorsque le président de la république appelle les Sénégalais à garder l’œil ouvert et à tendre finement l’oreille sur tout mouvement suspect à l’intérieur du pays, il ne s’agit ni plus ni moins que d’un aveu sur la vulnérabilité de notre territoire, aux frontières poreuses avec le Mali voisin où les Islamistes n’ont pas fini de guerroyer avec l’armée française. « Vous verrez des prêcheurs venus d’ailleurs, il faudra les dénoncer et en informer les autorités administratives pour que des mesures soient prises», disait-il sur un ton ferme il y a quelques jours. Une détermination accentuée par l’envoi de troupes sénégalaises sur le front pour barrer la route à la peste intégriste, mais aussi aux fins de prémunir le Sénégal contre un «islam violent qui foule aux pieds les droits de l’Homme, les droits des femmes, qui tue» .
Les intégristes musulmans menacent-ils le pays? Oui est-on tenté de dire compte tenu de sa situation géographique, entouré qu’il est par le Mali à l’est et la Mauritanie au nord. Deux pays qui abritent des foyers de groupes islamistes radicaux sans compter l’existence au Sénégal depuis de longues années de mouvements salafistes qui jettent un autre regard sur la religion, calqué sur le courant wahabite, importé de l’Arabie Saoudite.
Une idéologie religieuse qui prône l’application de la loi islamique sur l’espace publique pour régir la vie du citoyen.
Ses adeptes tirent sur la couverture de la sounnah pour proclamer qu’une foi islamique ne serait totale et sincère que dans la copie, par le croyant, de la loi immuable de Dieu et de la tradition prophétique. Une porte ouverte à toutes les dérives.
Au nom de cette loi que l’on dit suivre littéralement les yeux fermés, l’on n’hésite pas à lapider à mort les femmes adultères, à couper la main aux voleurs, à empêcher toute diffusion de la musique, à marier les jeunes filles même précoces, à ostraciser avec dédain les minorités religieuses …
Une pratique de la religion d’un autre âge telle que la tyrannie vécue depuis quelques mois par nos frères maliens du nord.
Et pourtant, dans sa livraison du 07 juillet 2012 le journal Le quotidien nous dévoilait à travers une enquête bien fouillée l’existence d’une filière fondamentaliste qui a établi ses quartiers à Pikine et à Colobane par le truchement de ses mosquées avec des ramifications jusqu’à Serrekounda. Des groupes apparemment bien surveillés par les radars de la police et infiltrés par les renseignements généraux. Beaucoup d’entre nous qui ont fréquenté les universités sénégalaises peuvent d’ailleurs témoigner de cette floraison d’imams aux prêches incendiaires et radicales, appelant à l’institution d’un islam absolu comme le seul modèle de société viable. Avec dans leur rang des pratiquants aux longues barbes entourant la moitié du visage et aux pantalons retroussés, on se croirait sortis directement des montagnes de Kandahar.
Toutefois, avec la sortie récente d’un groupe de soi-disant imams devant nos écrans pour dénoncer l’atteinte à la pudeur dont sont coupables une danseuse exhibant volontairement sa petite culotte et une jongoma victime de sa postérieure exagérément proéminente moulée dans un legging transparent , n’assiste-t-on pas à une autre forme d’intégrisme ? En demandant leur audition et éventuellement leur inculpation, on s’entraîne inévitablement sur un autre terrain glissant d’intolérance et d’atteinte aux libertés individuelles.
Une punition exigée par un groupe de vieux enturbannés qui se présentent comme les gardiens de nos mœurs et qui ont peut-être réussi le test de la moralité en poussant ainsi l’outrecuidance jusqu’à se prévaloir du droit de juger de qui doit passer sous la guillotine à cause de son accoutrement irrévérencieux.
Est-ce qu’il n’y a pas au Sénégal assez d’air à respirer pour tout le monde? Assez de mosquées et de lieux de retrait pour que ceux qui destinent leur vie à l’ascétisme les fréquentent en permanence, retranchés de nos mondanités jugées illicites?
C’est à la limite absurde de voir quelques fanfarons sortis d’on ne sait où se permettant de s’attaquer à des femmes sans défense, happées par la cupidité des photographes alors qu’il y a bien évidemment à boire et à manger dans la légèreté des mœurs à des niveaux insoupçonnés surtout auprès de certains guides dits religieux à qui de jeunes désoeuvrés ont confié l’absolution de leur âme. Que fait-on de ces bordels qui essaiment dans presque beaucoup de quartiers de la capitale? De ces bandits à col blanc qui ont longtemps pillé la république avec la complicité de certains marabouts? De cette hypocrisie à la limite pathologique qui minent nos comportements quotidiens?
D’ailleurs, tout ce tintamarre autour d’une paire de fesses et devant un vagin quoique caché n’illustre-t-il pas une sorte de désorientation collective d’une société qui ne sait plus à quel bout de culture s’accrocher? Un écartèlement violent entre les débris du passé et l’envie de ne pas rater les libéralités excentriques du présent.
On aime crier sur tous les toits la pureté de notre «culture sénégalaise» faite de pudeur, de discrétion, d’humilité et que sais-je encore? Mais celle-ci n’est hélas pas figée dans le temps et dans l’espace. Elle est aujourd’hui au carrefour des traditions ancestrales victimes d’effritement et d’usure, et de l’assujettissement à une modernité avec tous ses abus. Une modernité parfois douloureuse et à laquelle nous ne nous étions préparée.
Quoiqu’il en soit, un retour en arrière ne se fera jamais malgré tous les suppliciés que nous cause «l’occident» , qui a le dos large pour nous dédouaner plus facilement de nos propres fragilités et de nos incohérences.
Malgré nos plaintes interminables, le remède est de vivre et de laisser vivre.
Vivre selon nos croyances et nos convictions dans l’humilité et dans la quête perpétuelle au bien-être intérieur et à la propagation de l’Amour et de l’acceptation de toutes les différences sans distinction de couleur, de sexe et d’origine. Chercher la grâce divine dans notre propre vécu quotidien et dans nos interminables défaillances et non dans la «petite paille» qui empêche à notre voisin de bien voir.
Se venger est de l’individu, punir est de Dieu.
Lamine Niang, Montréal
nianlamine@hotmail.com
www.lamineniang.blogspot.ca
Les intégristes musulmans menacent-ils le pays? Oui est-on tenté de dire compte tenu de sa situation géographique, entouré qu’il est par le Mali à l’est et la Mauritanie au nord. Deux pays qui abritent des foyers de groupes islamistes radicaux sans compter l’existence au Sénégal depuis de longues années de mouvements salafistes qui jettent un autre regard sur la religion, calqué sur le courant wahabite, importé de l’Arabie Saoudite.
Une idéologie religieuse qui prône l’application de la loi islamique sur l’espace publique pour régir la vie du citoyen.
Ses adeptes tirent sur la couverture de la sounnah pour proclamer qu’une foi islamique ne serait totale et sincère que dans la copie, par le croyant, de la loi immuable de Dieu et de la tradition prophétique. Une porte ouverte à toutes les dérives.
Au nom de cette loi que l’on dit suivre littéralement les yeux fermés, l’on n’hésite pas à lapider à mort les femmes adultères, à couper la main aux voleurs, à empêcher toute diffusion de la musique, à marier les jeunes filles même précoces, à ostraciser avec dédain les minorités religieuses …
Une pratique de la religion d’un autre âge telle que la tyrannie vécue depuis quelques mois par nos frères maliens du nord.
Et pourtant, dans sa livraison du 07 juillet 2012 le journal Le quotidien nous dévoilait à travers une enquête bien fouillée l’existence d’une filière fondamentaliste qui a établi ses quartiers à Pikine et à Colobane par le truchement de ses mosquées avec des ramifications jusqu’à Serrekounda. Des groupes apparemment bien surveillés par les radars de la police et infiltrés par les renseignements généraux. Beaucoup d’entre nous qui ont fréquenté les universités sénégalaises peuvent d’ailleurs témoigner de cette floraison d’imams aux prêches incendiaires et radicales, appelant à l’institution d’un islam absolu comme le seul modèle de société viable. Avec dans leur rang des pratiquants aux longues barbes entourant la moitié du visage et aux pantalons retroussés, on se croirait sortis directement des montagnes de Kandahar.
Toutefois, avec la sortie récente d’un groupe de soi-disant imams devant nos écrans pour dénoncer l’atteinte à la pudeur dont sont coupables une danseuse exhibant volontairement sa petite culotte et une jongoma victime de sa postérieure exagérément proéminente moulée dans un legging transparent , n’assiste-t-on pas à une autre forme d’intégrisme ? En demandant leur audition et éventuellement leur inculpation, on s’entraîne inévitablement sur un autre terrain glissant d’intolérance et d’atteinte aux libertés individuelles.
Une punition exigée par un groupe de vieux enturbannés qui se présentent comme les gardiens de nos mœurs et qui ont peut-être réussi le test de la moralité en poussant ainsi l’outrecuidance jusqu’à se prévaloir du droit de juger de qui doit passer sous la guillotine à cause de son accoutrement irrévérencieux.
Est-ce qu’il n’y a pas au Sénégal assez d’air à respirer pour tout le monde? Assez de mosquées et de lieux de retrait pour que ceux qui destinent leur vie à l’ascétisme les fréquentent en permanence, retranchés de nos mondanités jugées illicites?
C’est à la limite absurde de voir quelques fanfarons sortis d’on ne sait où se permettant de s’attaquer à des femmes sans défense, happées par la cupidité des photographes alors qu’il y a bien évidemment à boire et à manger dans la légèreté des mœurs à des niveaux insoupçonnés surtout auprès de certains guides dits religieux à qui de jeunes désoeuvrés ont confié l’absolution de leur âme. Que fait-on de ces bordels qui essaiment dans presque beaucoup de quartiers de la capitale? De ces bandits à col blanc qui ont longtemps pillé la république avec la complicité de certains marabouts? De cette hypocrisie à la limite pathologique qui minent nos comportements quotidiens?
D’ailleurs, tout ce tintamarre autour d’une paire de fesses et devant un vagin quoique caché n’illustre-t-il pas une sorte de désorientation collective d’une société qui ne sait plus à quel bout de culture s’accrocher? Un écartèlement violent entre les débris du passé et l’envie de ne pas rater les libéralités excentriques du présent.
On aime crier sur tous les toits la pureté de notre «culture sénégalaise» faite de pudeur, de discrétion, d’humilité et que sais-je encore? Mais celle-ci n’est hélas pas figée dans le temps et dans l’espace. Elle est aujourd’hui au carrefour des traditions ancestrales victimes d’effritement et d’usure, et de l’assujettissement à une modernité avec tous ses abus. Une modernité parfois douloureuse et à laquelle nous ne nous étions préparée.
Quoiqu’il en soit, un retour en arrière ne se fera jamais malgré tous les suppliciés que nous cause «l’occident» , qui a le dos large pour nous dédouaner plus facilement de nos propres fragilités et de nos incohérences.
Malgré nos plaintes interminables, le remède est de vivre et de laisser vivre.
Vivre selon nos croyances et nos convictions dans l’humilité et dans la quête perpétuelle au bien-être intérieur et à la propagation de l’Amour et de l’acceptation de toutes les différences sans distinction de couleur, de sexe et d’origine. Chercher la grâce divine dans notre propre vécu quotidien et dans nos interminables défaillances et non dans la «petite paille» qui empêche à notre voisin de bien voir.
Se venger est de l’individu, punir est de Dieu.
Lamine Niang, Montréal
nianlamine@hotmail.com
www.lamineniang.blogspot.ca
Autres articles