La destruction des édifices religieux de Tombouctou (Mali), par les groupes armés, est « un crime contre tout ce que l’être humain a valorisé », a martelé hier le philosophe Souleymane Bachir Diagne, qui animait à la Faculté des Sciences et Technologies de l’Éducation et de la Formation (Fastef), une conférence publique sur « La question de l’universel ». Au cours de cette rencontre initiée par l’Ecole doctorale études sur l’homme et la société (Ethos), M. Diagne a réitéré : « C’est un crime qu’ont commis les membres d’Al-Qaïda, en détruisant tout ce que l’humain a valorisé depuis plusieurs décennies. C’est un crime de détruire les édifices religieux pour une sorte d’idéologie. Les membres du mouvement Al-Qaïda n’ont pas mesuré l’immensité du patrimoine de l’humanité en détruisant les édifices religieux et la grande mosquée de la ville ». Logicien, spécialiste de l’histoire des sciences et de la philosophie islamique, Souleymane Bachir Diagne, pendant vingt ans, a enseigné au département de philosophie de l’Université Cheikh Anta Diop (Ucad) de Dakar, avant de s’expatrier aux Etats-Unis où il exerce la même profession, aux départements de français et de philosophie de l’Université Columbia (New-York). On rappelle qu’en fin-juin dernier, des membres d’Al-Qaïda au Maghreb (Aqmi), appuyés par le groupe armé islamiste Ansar Dine, ont détruit des mausolées de saints à Tombouctou, inscrits par l’’Unesco, depuis 1988, au patrimoine mondial de l’humanité. Le Conseil de sécurité de l’Onu avait appelé à des sanctions contre les rebelles du nord du Mali qui se seraient alliés à Al-Qaïda, et avertit aussi les islamistes, qui ont détruit des mausolées musulmans à Tombouctou, qu’ils pourraient être traînés devant la Cour pénale internationale (Cpi). Par ailleurs, le Pr Diagne a tenu à rejeter l’idée d’une langue d’unification commune à tous les peuples du monde, en raison de la diversité des cultures de l’humanité. Selon lui, « les peuples doivent accepter que les langues sont multiples et différentes selon les cultures. Nous ne pouvons pas parler une langue commune, puisque nous n’avons pas les mêmes cultures. Une langue d’unification pour l’humanité n’est pas possible. La langue est d’abord une culture, avant d’être un outil de communication, et sa traduction dans une autre langue se fait sur fond d’opacité. La traduction semble être impossible, d’une langue étrangère à l’autre. Et pourtant, cela marche. Traduire, surtout entre deux langues et cultures qui s’ignorent, nous engage dans cette zone aventureuse qui peut devenir muette. Ou bien, ce que nous véhiculons comme l’évidence de notre pensée se redécouvre soudain, au miroir de l’autre, pris dans un lacis de choix étranges. On est dans une langue ou dans l’autre. Il n’y a pas plus d’arrière-langue, d’arrière-monde. La question de la traduction se retourne, de ce fait, sur celle de l’universel : dès lors qu’on ne peut plus croire, de façon simpliste, qu’il existe une correspondance de principe entre les cultures, comment concevra-t-on le passage entre elles ? Qu’il n’y ait pas correspondance n’empêche certes pas, qu’il y ait équivalence, même si on est forcé de se demander si cette équivalence, d’une culture à l’autre, elle-même, est assignable ». Donnant pour exemple Cicéron, homme politique et orateur latin, M. Diagne explique ce que peut signifier cette équivalence entre langues de même famille. « Elle existe tout aussi bien, entre langues radicalement étrangères l’une à l’autre », souligne-t-il.
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