'est la star incontestée du reportage de terrain mais aussi des entretiens chocs avec les grands de ce monde. Ses questions irritent parfois. On se souvient qu'en 2002, Yasser Arafat, excédé, lui a raccroché au nez, en direct de son QG de Ramallah assiégé. Ou qu'en 2013, elle a demandé au représentant de la Syrie à l'ONU comment il pouvait continuer à dormir la nuit. Malgré des incursions sur CBS - notamment quand elle était sur les traces de Ben Laden - et sur ABC, Christiane Amanpour, surnommée "la voix de l'humanité" par Bill Clinton, reste liée à CNN, où elle a débuté en 1983, à Atlanta, siège de la chaîne. Rien n'aurait pu la détourner de sa "mission" ni de sa quête de vérité. Pas même sa chef de l'époque qui doutait de sa capacité à devenir, un jour, correspondante à l'étranger.
Christiane Amanpour est une épopée journalistique à elle seule : plus de vingt-cinq ans passés à prendre le pouls du monde. Pendant la guerre du Golfe, d'abord, que les téléspectateurs suivent, médusés, en direct sur la chaîne d'info en continu de Ted Turner ; à Sarajevo, où elle a failli mourir ; au Rwanda ; en Irak ; en Egypte ; en France, lors des attentats de Paris...
Quand Sadiq Khan remporte la mairie de Londres, c'est dans son émission du soir, baptisée "Amanpour", que le fils d'immigrés pakistanais choisit de faire son entrée sur la scène internationale. Idem pour le président autrichien, fraîchement intronisé. Et c'est chez Amanpour que la Brésilienne Dilma Rousseff vient s'exprimer avant d'être évincée du pouvoir... Dans la newsroom de CNN à Londres, elle nous reçoit entre une séance de maquillage, un passage au banc de montage et une visite guidée de son bureau, truffé de distinctions, où des photos la montrent en compagnie de Robert Redford, du président égyptien déchu Hosni Moubarak ou encore du dalaï-lama. Derrière la porte de son bureau, sur un cintre, un tee-shirt "Je suis Charlie"...
TéléObs. Christiane, c'est un prénom français...
Christiane Amanpour. En effet, je viens d'une famille francophone et très francophile. Ma mère est née en France, en 1933, de même que sa sœur. Mes grands-parents y ont vécu un temps. Puis ils sont revenus en Angleterre. Mais le français était la première langue de ma mère, même si elle est anglaise. Elle a ensuite rencontré mon père, un Iranien qui a fait ses études universitaires à Paris. La France est l'un des pays chers à mon cœur. Et puis j'ai grandi en Iran dans les années 1960 et 1970 où le français était alors la langue parlée dans certaines familles comme la mienne. Je le pratique encore, même s'il est un peu rouillé. J'ai aussi été basée au bureau de CNN à Paris, de 1991 à 1996. En France, mon prénom ne pose aucun problème mais ailleurs, les gens ne savent pas où finit "Christiane" et où commence "Amanpour".
Vous avez suivi les attentats de janvier 2015. Quels souvenirs en gardez-vous ?
- Le 7 janvier, je me souviens encore des cris de mes confrères dans la newsroom. Puis j'ai vu les titres sur les écrans qui annonçaient l'attaque de "Charlie Hebdo". Je suis partie aussitôt pour la France et j'y suis restée près d'une semaine pour couvrir les événements.
Ce fut un choc car ces attentats qui touchaient la France prenaient pour cibles des journalistes et étaient l'expression d'un terrorisme extrémiste radical.
Un nouveau front s'ouvrait dans la guerre contre les civils, et contre les journalistes. Elle est allée en s'accélérant, avec la décapitation par l'organisation Etat islamique de reporters otages. Le mitraillage de journalistes, de civils, au cœur d'une capitale européenne, symbole, dans le monde entier, de liberté, de fraternité, a été un tournant pour notre histoire, notre profession et notre civilisation.
Vous êtes pour ainsi dire la marraine de l'info en continu, vous qui avez travaillé plus d'un quart de siècle sur toutes les lignes de front...
- Une des joies de ma carrière, de ma vie, même, c'est d'avoir été propulsée sur la scène internationale avec l'arrivée de CNN. Quand la guerre du Golfe a éclaté en 1990, nous étions les seuls, avec la radio, à montrer une invasion [celle du Koweït, NDLR] , une réaction à cette invasion, la diplomatie à l'œuvre en temps réel, vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept. J'étais aussi à Sarajevo, en Arabie saoudite, en Irak...
On constate actuellement un manque de confiance de l'opinion envers les médias traditionnels...
- C'est un discours que je rejette. Nous avons des rebelles partout. En politique, on les appelle des "insurgés" ; sur internet, des "trolls", mais l'idée que les médias mainstream ne sont pas dignes de confiance est, selon moi, simpliste et fausse. Prenez le "New York Times", CNN ou encore RFI en France, autant de vieux médias respectables et reconnus...
Certaines personnes sont convaincues qu'elles détiennent la vérité. Elles se basent sur des opinions et non des faits, et veulent plier les événements à leur guise. Mais cela ne doit pas déboucher sur une condamnation des médias traditionnels.
Pourquoi blâmer le messager en permanence ? C'est un peu déprimant que des gens nous demandent constamment si nous sommes des dinosaures en voie d'extinction. Ce dont la profession a besoin, c'est de journalistes qui vont sur le terrain, trouvent des sujets, sortent des histoires. Le reste relève de l'interprétation, voire de thèses conspirationnistes. Moi, je travaille sur des faits, des preuves, dans un monde de chair et de sang, c'est très important de garder ça à l'esprit, de se dégager de l'opinion courante.
Comment jugez-vous la campagne électorale aux Etats-Unis ? Les médias n'ont-ils pas largement sous-estimé Donald Trump, passé maître dans l'art de les manipuler, et n'est-il pas pour eux un bon client ?
- Quelqu'un comme Donald Trump ne fait pas que s'en prendre aux médias, c'est-à-dire au messager, il les insulte et incite presque à la violence contre eux. Avez-vous vu ses rassemblements de soutien où les membres de la presse sont parqués, à l'arrière, tels des animaux étranges, pendant que Trump parle d'eux comme "des personnes les plus malhonnêtes qu' [il a] rencontrées" avant de pousser ses supporters à les vilipender ?
J'aimerais qu'il me regarde en face et m'accuse, moi, de malhonnêteté.
Et la campagne électorale ?
- En tant que correspondante d'une chaîne américaine, chaque fois que je vais quelque part, on me pose cette question, comme si je pouvais lire l'avenir dans le marc de café : "Donald Trump peut-il vraiment devenir président ?" Il est vrai que tout le monde l'a sous-estimé et qu'il fait des scores d'audience élevés à la télévision.
Maintenant que les conventions approchent, le paysage médiatique va s'ajuster, il y aura un temps de parole égal pour chaque candidat, il en va de notre responsabilité. Il relève aussi de notre responsabilité de "fact-checker" [vérifier, NDLR] leurs propos, ceux de Donald Trump comme ceux des autres.
D'autant qu'ils briguent le plus haut poste du pays et, donc, du monde. Je prends ça très au sérieux. Il est de notre devoir de passer au crible ce que disent les candidats.
"Trump intensifie son offensive contre Bill Clinton et Hillary", dit le bandeau qui passe actuellement sur l'écran de CNN en face de vous. Qu'en pensez-vous ?
- Pourquoi une femme devrait-elle rendre des comptes pour les peccadilles de son mari ?
L'ancien président des Etats-Unis a été mondialement humilié, c'est une vieille histoire. Est-ce qu'on y reviendrait si c'était un homme qui se présentait à l'investiture ? C'est toujours deux poids, deux mesures, et c'est extrêmement agaçant.
Si vous ouvrez le "Financial Times" aujourd'hui, les deux camps qui s'opposent dans la campagne du référendum pour l'éventuelle sortie de la Grande-Bretagne de l'Union européenne se plaignent qu'il n'y ait pas une seule femme pour mener campagne, poser des questions, apporter son expertise. Quand on sait que la voix des femmes est essentielle pour donner une image exacte de la réalité, c'est incroyable...
Aimeriez-vous voir une femme présidente des Etats-Unis ?
Toute féministe dans le monde veut évidemment voir plus de femmes aux plus hauts postes. Cela aurait un effet spectaculaire et cela changerait la donne.
Toutefois, je travaille depuis vingt-six ans sur la politique étrangère des Etats-Unis, je tiens donc à voir élire la personne la plus qualifiée. Des comportements sexistes, dans le monde politique notamment, sont actuellement dénoncés en France.
Y avez-vous été confrontée ?
- Je veux encourager, défendre les femmes. Si je peux être un modèle dans ce secteur très masculin et que les filles se disent : « je deviendrai une journaliste de haut niveau » ; "je ferai ce que je veux"- astronaute, ingénieur, femme d'affaires… Oui, vous pouvez être une femme et atteindre l'excellence. Je travaille dans un monde dominé par les hommes et pourtant, j'ai été la première à sortir des éléments clés des attaques du 13 novembre (notamment le fait qu'Abaaoud était bien la cible de l'assaut donné par le Raid à Saint-Denis ainsi que l'annonce de sa mort).
Je veux que les femmes comprennent qu'elles doivent juste être compétentes et avoir foi en elles-mêmes. Je l'ai appris en exerçant mon métier ; je n'ai jamais permis à personne de me pénaliser ou de me diminuer à cause de mon sexe...
J'ai soutenu l'appel que Christine Lagarde et d'autres anciennes ministres ont lancé ["Nous ne nous tairons plus...", paru dans le "Journal du Dimanche", NDLR] récemment et je soutiendrai toutes les initiatives du même genre. Chaque fois que je peux utiliser ma visibilité, ma voix, ma compétence pour faire progresser les choses dans ce domaine, je le fais.
Certains magazines vous voient pourtant, parfois, comme une "icône fashion" . Vous avez même inspiré des articles tels que "comment s'habiller comme Amanpour ? "...
- C'est purement fortuit, même si ça m'amuse. Je m'habille sans y penser, confortablement et vite. J'ai une coiffure de terrain, je n'utilise pas de make-up, j'ai trouvé mon uniforme : parka et veste safari pour échapper aux diktats qui frappent beaucoup de mes collègues en télé : "Comment dois-je m'habiller ? Où doit s'arrêter mon décolleté ? L'ourlet de ma jupe ?"
Je refuse de passer mon temps à m'occuper de choses que je considère comme futiles. Du moment que je me sens décente devant un chef d'Etat, dans une tranchée avec des soldats ou à l'hôpital avec des blessés, c'est tout ce qui m'importe. Nous sommes des combattantes de la vérité.
Parlons d'"Amanpour" (un entretien télévisé diffusé chaque soir depuis 2009). Cela doit être une grande fierté que votre nom serve de titre à l'émission. Comment décririez-vous votre style d'interview ?
- C'est le choix de la chaîne d'intituler le programme de la sorte, ce n'est pas à ma demande. Quant à mon style, il est simple : je ne lâche pas mes interlocuteurs, je les mets sous pression. Les téléspectateurs attendent de moi que je pose la question qu'ils poseraient, eux. C'est une énorme responsabilité d'interroger les grands de ce monde et cela demande énormément de travail. Ce métier n'est pas fait pour les petites natures.
Vous recevez, en effet, des invités prestigieux...
- Nous avons la chance que notre programme soit celui où il faut aller. Mais quand vous vous retrouvez assis en face de personnalités pour de longues interviews, vous devez tout savoir. Vous ne pouvez pas juste vous contenter de lire une coupure de presse.
Je le répète, le plus grand défi pour nous, journalistes, aujourd'hui, c'est de rester dans le périmètre des faits et de fournir du contenu significatif, précis, pertinent et vrai.
Propos recueillis par Marie-Hélène Martin
"Amanpour", du lundi au vendredi, à 20 heures, sur CNN International.
Christiane Amanpour est une épopée journalistique à elle seule : plus de vingt-cinq ans passés à prendre le pouls du monde. Pendant la guerre du Golfe, d'abord, que les téléspectateurs suivent, médusés, en direct sur la chaîne d'info en continu de Ted Turner ; à Sarajevo, où elle a failli mourir ; au Rwanda ; en Irak ; en Egypte ; en France, lors des attentats de Paris...
Quand Sadiq Khan remporte la mairie de Londres, c'est dans son émission du soir, baptisée "Amanpour", que le fils d'immigrés pakistanais choisit de faire son entrée sur la scène internationale. Idem pour le président autrichien, fraîchement intronisé. Et c'est chez Amanpour que la Brésilienne Dilma Rousseff vient s'exprimer avant d'être évincée du pouvoir... Dans la newsroom de CNN à Londres, elle nous reçoit entre une séance de maquillage, un passage au banc de montage et une visite guidée de son bureau, truffé de distinctions, où des photos la montrent en compagnie de Robert Redford, du président égyptien déchu Hosni Moubarak ou encore du dalaï-lama. Derrière la porte de son bureau, sur un cintre, un tee-shirt "Je suis Charlie"...
TéléObs. Christiane, c'est un prénom français...
Christiane Amanpour. En effet, je viens d'une famille francophone et très francophile. Ma mère est née en France, en 1933, de même que sa sœur. Mes grands-parents y ont vécu un temps. Puis ils sont revenus en Angleterre. Mais le français était la première langue de ma mère, même si elle est anglaise. Elle a ensuite rencontré mon père, un Iranien qui a fait ses études universitaires à Paris. La France est l'un des pays chers à mon cœur. Et puis j'ai grandi en Iran dans les années 1960 et 1970 où le français était alors la langue parlée dans certaines familles comme la mienne. Je le pratique encore, même s'il est un peu rouillé. J'ai aussi été basée au bureau de CNN à Paris, de 1991 à 1996. En France, mon prénom ne pose aucun problème mais ailleurs, les gens ne savent pas où finit "Christiane" et où commence "Amanpour".
Vous avez suivi les attentats de janvier 2015. Quels souvenirs en gardez-vous ?
- Le 7 janvier, je me souviens encore des cris de mes confrères dans la newsroom. Puis j'ai vu les titres sur les écrans qui annonçaient l'attaque de "Charlie Hebdo". Je suis partie aussitôt pour la France et j'y suis restée près d'une semaine pour couvrir les événements.
Ce fut un choc car ces attentats qui touchaient la France prenaient pour cibles des journalistes et étaient l'expression d'un terrorisme extrémiste radical.
Un nouveau front s'ouvrait dans la guerre contre les civils, et contre les journalistes. Elle est allée en s'accélérant, avec la décapitation par l'organisation Etat islamique de reporters otages. Le mitraillage de journalistes, de civils, au cœur d'une capitale européenne, symbole, dans le monde entier, de liberté, de fraternité, a été un tournant pour notre histoire, notre profession et notre civilisation.
Vous êtes pour ainsi dire la marraine de l'info en continu, vous qui avez travaillé plus d'un quart de siècle sur toutes les lignes de front...
- Une des joies de ma carrière, de ma vie, même, c'est d'avoir été propulsée sur la scène internationale avec l'arrivée de CNN. Quand la guerre du Golfe a éclaté en 1990, nous étions les seuls, avec la radio, à montrer une invasion [celle du Koweït, NDLR] , une réaction à cette invasion, la diplomatie à l'œuvre en temps réel, vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept. J'étais aussi à Sarajevo, en Arabie saoudite, en Irak...
On constate actuellement un manque de confiance de l'opinion envers les médias traditionnels...
- C'est un discours que je rejette. Nous avons des rebelles partout. En politique, on les appelle des "insurgés" ; sur internet, des "trolls", mais l'idée que les médias mainstream ne sont pas dignes de confiance est, selon moi, simpliste et fausse. Prenez le "New York Times", CNN ou encore RFI en France, autant de vieux médias respectables et reconnus...
Certaines personnes sont convaincues qu'elles détiennent la vérité. Elles se basent sur des opinions et non des faits, et veulent plier les événements à leur guise. Mais cela ne doit pas déboucher sur une condamnation des médias traditionnels.
Pourquoi blâmer le messager en permanence ? C'est un peu déprimant que des gens nous demandent constamment si nous sommes des dinosaures en voie d'extinction. Ce dont la profession a besoin, c'est de journalistes qui vont sur le terrain, trouvent des sujets, sortent des histoires. Le reste relève de l'interprétation, voire de thèses conspirationnistes. Moi, je travaille sur des faits, des preuves, dans un monde de chair et de sang, c'est très important de garder ça à l'esprit, de se dégager de l'opinion courante.
Comment jugez-vous la campagne électorale aux Etats-Unis ? Les médias n'ont-ils pas largement sous-estimé Donald Trump, passé maître dans l'art de les manipuler, et n'est-il pas pour eux un bon client ?
- Quelqu'un comme Donald Trump ne fait pas que s'en prendre aux médias, c'est-à-dire au messager, il les insulte et incite presque à la violence contre eux. Avez-vous vu ses rassemblements de soutien où les membres de la presse sont parqués, à l'arrière, tels des animaux étranges, pendant que Trump parle d'eux comme "des personnes les plus malhonnêtes qu' [il a] rencontrées" avant de pousser ses supporters à les vilipender ?
J'aimerais qu'il me regarde en face et m'accuse, moi, de malhonnêteté.
Et la campagne électorale ?
- En tant que correspondante d'une chaîne américaine, chaque fois que je vais quelque part, on me pose cette question, comme si je pouvais lire l'avenir dans le marc de café : "Donald Trump peut-il vraiment devenir président ?" Il est vrai que tout le monde l'a sous-estimé et qu'il fait des scores d'audience élevés à la télévision.
Maintenant que les conventions approchent, le paysage médiatique va s'ajuster, il y aura un temps de parole égal pour chaque candidat, il en va de notre responsabilité. Il relève aussi de notre responsabilité de "fact-checker" [vérifier, NDLR] leurs propos, ceux de Donald Trump comme ceux des autres.
D'autant qu'ils briguent le plus haut poste du pays et, donc, du monde. Je prends ça très au sérieux. Il est de notre devoir de passer au crible ce que disent les candidats.
"Trump intensifie son offensive contre Bill Clinton et Hillary", dit le bandeau qui passe actuellement sur l'écran de CNN en face de vous. Qu'en pensez-vous ?
- Pourquoi une femme devrait-elle rendre des comptes pour les peccadilles de son mari ?
L'ancien président des Etats-Unis a été mondialement humilié, c'est une vieille histoire. Est-ce qu'on y reviendrait si c'était un homme qui se présentait à l'investiture ? C'est toujours deux poids, deux mesures, et c'est extrêmement agaçant.
Si vous ouvrez le "Financial Times" aujourd'hui, les deux camps qui s'opposent dans la campagne du référendum pour l'éventuelle sortie de la Grande-Bretagne de l'Union européenne se plaignent qu'il n'y ait pas une seule femme pour mener campagne, poser des questions, apporter son expertise. Quand on sait que la voix des femmes est essentielle pour donner une image exacte de la réalité, c'est incroyable...
Aimeriez-vous voir une femme présidente des Etats-Unis ?
Toute féministe dans le monde veut évidemment voir plus de femmes aux plus hauts postes. Cela aurait un effet spectaculaire et cela changerait la donne.
Toutefois, je travaille depuis vingt-six ans sur la politique étrangère des Etats-Unis, je tiens donc à voir élire la personne la plus qualifiée. Des comportements sexistes, dans le monde politique notamment, sont actuellement dénoncés en France.
Y avez-vous été confrontée ?
- Je veux encourager, défendre les femmes. Si je peux être un modèle dans ce secteur très masculin et que les filles se disent : « je deviendrai une journaliste de haut niveau » ; "je ferai ce que je veux"- astronaute, ingénieur, femme d'affaires… Oui, vous pouvez être une femme et atteindre l'excellence. Je travaille dans un monde dominé par les hommes et pourtant, j'ai été la première à sortir des éléments clés des attaques du 13 novembre (notamment le fait qu'Abaaoud était bien la cible de l'assaut donné par le Raid à Saint-Denis ainsi que l'annonce de sa mort).
Je veux que les femmes comprennent qu'elles doivent juste être compétentes et avoir foi en elles-mêmes. Je l'ai appris en exerçant mon métier ; je n'ai jamais permis à personne de me pénaliser ou de me diminuer à cause de mon sexe...
J'ai soutenu l'appel que Christine Lagarde et d'autres anciennes ministres ont lancé ["Nous ne nous tairons plus...", paru dans le "Journal du Dimanche", NDLR] récemment et je soutiendrai toutes les initiatives du même genre. Chaque fois que je peux utiliser ma visibilité, ma voix, ma compétence pour faire progresser les choses dans ce domaine, je le fais.
Certains magazines vous voient pourtant, parfois, comme une "icône fashion" . Vous avez même inspiré des articles tels que "comment s'habiller comme Amanpour ? "...
- C'est purement fortuit, même si ça m'amuse. Je m'habille sans y penser, confortablement et vite. J'ai une coiffure de terrain, je n'utilise pas de make-up, j'ai trouvé mon uniforme : parka et veste safari pour échapper aux diktats qui frappent beaucoup de mes collègues en télé : "Comment dois-je m'habiller ? Où doit s'arrêter mon décolleté ? L'ourlet de ma jupe ?"
Je refuse de passer mon temps à m'occuper de choses que je considère comme futiles. Du moment que je me sens décente devant un chef d'Etat, dans une tranchée avec des soldats ou à l'hôpital avec des blessés, c'est tout ce qui m'importe. Nous sommes des combattantes de la vérité.
Parlons d'"Amanpour" (un entretien télévisé diffusé chaque soir depuis 2009). Cela doit être une grande fierté que votre nom serve de titre à l'émission. Comment décririez-vous votre style d'interview ?
- C'est le choix de la chaîne d'intituler le programme de la sorte, ce n'est pas à ma demande. Quant à mon style, il est simple : je ne lâche pas mes interlocuteurs, je les mets sous pression. Les téléspectateurs attendent de moi que je pose la question qu'ils poseraient, eux. C'est une énorme responsabilité d'interroger les grands de ce monde et cela demande énormément de travail. Ce métier n'est pas fait pour les petites natures.
Vous recevez, en effet, des invités prestigieux...
- Nous avons la chance que notre programme soit celui où il faut aller. Mais quand vous vous retrouvez assis en face de personnalités pour de longues interviews, vous devez tout savoir. Vous ne pouvez pas juste vous contenter de lire une coupure de presse.
Je le répète, le plus grand défi pour nous, journalistes, aujourd'hui, c'est de rester dans le périmètre des faits et de fournir du contenu significatif, précis, pertinent et vrai.
Propos recueillis par Marie-Hélène Martin
"Amanpour", du lundi au vendredi, à 20 heures, sur CNN International.
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