Arraï TV : "Nous sommes derrière Kaddafi qui défend son pays contre l'Otan"


Arraï TV : "Nous sommes derrière Kaddafi qui défend son pays contre l'Otan"
Devenue célèbre pour être le dernier porte-voix de Mouammar Kaddafi, la chaîne de télévision syrienne Arraï se défend d’être à la botte du "guide" déchu. Libre et indépendante, Arraï se veut la voix de la résistance arabe.
Des interventions téléphoniques de téléspectateurs, une animatrice et des images chocs. Voilà le cocktail détonant d’Arraï, connue pour être la dernière chaîne télévisée en contact direct avec Mouammar Kaddafi et sa famille.
Discret depuis le 23 août, c’est sur Arraï que Seif el-Islam, l’un des fils du « guide » déchu, a fait son retour cathodique. Des images tournées le 20 septembre le montrent tenant un discours martial devant une foule de loyalistes, rapporte Reuters.
« Cette terre est la terre de vos ancêtres. Ne l'abandonnez pas », scande Seif el-Islam, portant l'uniforme et brandissant un fusil automatique. « Frères, vous devez entrer aujourd'hui dans Tripoli par la force », ajoute-t-il.
Arraï, pro-Kaddafi ?
Comment expliquer la confiance du colonel Kaddafi et de sa famille en Arraï ? « Il sait que nous sommes honnêtes et ne travestissons jamais ce qu'il dit », répond Yara Saleh, la présentatrice.
La sécurité des participants est un autre argument qui a séduit le dictateur en fuite. « Nos concurrents ont investi dans la technologie du show et nous dans celle de la sécurisation des communications. Grâce à notre système, (l'ancien dirigeant libyen) nous a déjà appelés six fois », explique la directrice générale, Hawazen al-Joubouri, 27 ans, l'une des onze enfants du propriétaire. « Je peux vous assurer qu'il est toujours au milieu de ses combattants », affirme d'un air convaincu cette étudiante en littérature anglaise à l’université de Damas.
Arraï une chaîne pro-Kaddafi ? Le fondateur d’Arraï, Michane al-Joubouri, ne voit pas les choses sous cet angle : « Nous sommes contre tous les dictateurs et quand les manifestations ont commencé à Benghazi nous les avons soutenues ». « Nous soutenons ceux qui sont contre l'occupation et aujourd'hui nous sommes derrière Kaddafi qui défend son pays contre l'Otan », jure-t-il.
Liberté d’expression…
Michane al-Joubouri est un ancien député sunnite irakien proche de Saddam Hussein avant de basculer dans l’opposition. Il a fui son pays parce qu’il était recherché par les forces américaines à cause de sa proximité avec les insurgés. Depuis, c’est dans sa grande propriété dans le quartier chic de Yaafour à Damas qu’il a installé des studios de 250 mètres carré.
Lancée en 2007, la chaîne émet sur le satellite européen Eutelsat « pour éviter les pressions des régimes arabes », explique son fondateur.
Arraï signifie « opinion » en arabe. Et toutes les opinions sont les bienvenues à l’antenne. « On peut tout dire pour ou contre les dirigeants ou les régimes arabes. Seul interdit : les insultes et les obscénités », assure l’animatrice.
Une liberté d’expression qui agace les deux camps ennemis libyens, s’enorgueillit la direction. « Comme nous défendions les révolutions égyptienne et tunisienne, Kaddafi a téléphoné furieux il y a huit mois à Bachar al-Assad pour lui demander de fermer ma chaîne sinon il la bombarderait. Quant à Jibril (Mahmoud Jibril numéro 2 du Conseil national de transition (CNT)), il vient de déclarer que si les autorités de Damas n'interrompaient pas notre diffusion, il créerait une télévision de l'opposition syrienne », raconte Michane al-Joubouri.
Autofinancée, la chaîne ne perçoit aucune recette publicitaire, assure Michane al-Joubouri. À son lancement, 3 millions de dollars ont été investis dans les équipements et 1,5 million de dollars sont dépensés annuellement pour les frais de fonctionnement.
… mise à l’épreuve en Syrie
Une indépendance plusieurs fois mise à l’épreuve. Il y a un mois un homme d’affaire syrien envoyé par le CNT a proposé une belle somme d’argent pour faire taire la chaîne, raconte Michane al-Joubouri. « Que va-t-on dire aux téléspectateurs? Que nous ne sommes plus des résistants? Non merci », affirme-t-il avoir répondu.
Si la chaîne s’attaque à toutes les dictatures arabes, elle s’interdit d’évoquer la situation dans son pays d’accueil. Pas un mot sur le gouvernement répressif de Bachar el-Assad coupable de la mort de pas moins de 2000 civils depuis mi-mars.
« Tout comme al Jazira (chaîne satellitaire qatarie) n'évoque jamais ce qui se passe au Qatar, nous n'intervenons pas dans les affaires syriennes, même s'il y a sûrement eu des erreurs et si demander plus de démocratie est légitime. Bien sûr, la Syrie ce n'est pas la République de Platon, mais la meute internationale qui se déchaîne contre ce pays n'a pas pour ambition de soutenir la démocratie », déclare Michane al-Joubouri.

(Avec AFP)
Mercredi 28 Septembre 2011




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