Affaire Karachi : des interceptions téléphoniques mettent en cause l’ex-ministre de l’intérieur Brice Hortefeux


Affaire Karachi : des interceptions téléphoniques mettent en cause l’ex-ministre de l’intérieur Brice Hortefeux
Un sentiment de panique semble avoir gagné les rangs sarkozystes. Le témoignage accusatoire de la princesse Hélène de Yougoslavie, recueilli le 8 septembre par les policiers à la demande du juge Renaud Van Ruymbeke, inquiète le pouvoir au point que celui-ci néglige toute prudence. L'épouse de Thierry Gaubert y détaille les voyages en Suisse, en 1995, de ce proche du chef de l'Etat, et les espèces qu'il aurait remis ensuite à Nicolas Bazire, alors directeur de la campagne d'Edouard Balladur.

Quelques jours après cette déposition, le 14 septembre 2011, Brice Hortefeux appelle Thierry Gaubert sur son portable, pour le mettre en garde sur les révélations faites par sa femme. Dans les extraits de cette conversation, dont Le Monde a eu connaissance, le meilleur ami de Nicolas Sarkozy révèle à M. Gaubert le rôle joué par sa femme dans l'enquête, en violation du secret de l'instruction. "Elle balance beaucoup apparemment Hélène", avance M. Hortefeux.

"Qu'est-ce que tu as comme infos là-dessus, toi, parce qu'elle me dit qu'elle dit rien", répond M. Gaubert. "Ça m'embête de te le dire par téléphone […] Il y a beaucoup de choses hein", assure l'ex-ministre de l'intérieur. Manifestement, M. Hortefeux a eu accès aux déclarations sur procès-verbal d'Hélène de Yougoslavie, alors même qu'elles n'ont pas encore été cotées au dossier d'instruction du juge Van Ruymbeke. "Je te raconterai, poursuit-il, mais ils ont énormément de choses […]. T'as eu Bazire, parce que visiblement il est lui dedans dans cette histoire."

COMPTES BANCAIRES À L'ÉTRANGER

Placé en garde à vue le 20 septembre, Thierry Gaubert a admis que Brice Hortefeux lui avait bien confié l'identité de ce témoin clé. Au cours de son audition, l'ex-conseiller de Nicolas Sarkozy a reconnu avoir ouvert à l'étranger des comptes bancaires destinés à accueillir des fonds non déclarés. S'il reconnaît que ces fonds proviennent de l'intermédiaire sulfureux Ziad Takieddine, il assure en revanche qu'ils ne lui ont été versés qu'après l'élection présidentielle de 1995, et qu'ils ne sont en aucun cas issus des contrats d'armement signés par le gouvernement Balladur fin 1994. Il certifie par ailleurs n'avoir jamais remis d'espèces à Nicolas Bazire.

Le contexte devient brûlant pour l'exécutif. "Si Sarko il passe pas en 2012, ils sont tous dans la merde…", affirme ainsi la fille de Thierry Gaubert à son petit ami, dans une conversation téléphonique interceptée par les policiers, le 19 juillet 2011.

Gérard Davet et Fabrice Lhomme

( Le Monde )
Vendredi 23 Septembre 2011




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